La vallée d’Ossau :              
                 Culture et Mémoire





Mémoire pour la Vallée d’Ossau bulleinfoMemoire-val-ossau
1

lettrines
onformément aux désirs du prince, les Ossalois désignèrent aux hahitans de Jurançon, certains parsans pour y faire pacager leurs bestiaux pendant neuf années seulement ; mais l’acte porta :
    Qu’entendue la lettre dudit seigneur, les Ossalois ne conviennent point du motif de ladite lettre où il est dit que les gens notre lieu de Jurançon ont l’usage de faire paître et pacager dans le territoire du Pont-Long ; qu’au contraire ils protestent de leur droit CONTRE CE MOTIF, et que les habitans de Jurançon présens et avenir, de leur bon gré, ont expressément reconnu et octroyé, reconnaissent et octroyent, qu’a la prière du susdit seigneur, LESDITS D’OSSAU, de GRACE SPÉCIALE, leur ont donné et octroyé le droit de gîte et de pacage, pendant le susdit temps, savoir jusqu’à la fête de Toussaint prochaine et de ladite fête en avant, pour neuf ans.
    À l’expiration de ces neuf années les habitans de Jurançon veulent se maintenir dans ce droit. Les Ossalois carnalent une jument à leur préjudice :
   Les habitans de Jurançon les assignent devant le sénéchal, et prétendent que la vallée d’Ossau n’a qu’un droit de servitude sur le terroir du Pont-Long ; que la propriété de ce terroir appartient au seigneur : ils avancent que la dame Marguerite de Béarn avait fait rendre une sentence de laquelle il apparaissait que le Pont-Long était propre à ladite dame, comme dépendant de sa maison et patrimoine ; que tant que Marguerite et le comte Phœbus son successeur dominèrent au pays, les Ossalois s’abstinrent de faire aucun acte de maître sur cette lande ; que si depuis lors ils y avaient carnalé et fait chose qu’il n’appartenait qu’au seigneur de faire, c’était en mal usant, en se rendant grandement coupables et punissables.
    Le procureur patrimonial dont ils réclament l’assistance dans l’intérêt du prince, soutient que si les Ossalois n’avaient pas de titre de propriété, si les gens de Jurançon n’en avaient pas non plus, le Pont-Long devait être considéré comme le patrimoine du prince ; que même , à défaut de titre, les uns et les autres devaient être punis pour avoir contrevenu au serment qu’ils avaient prété de garder fidèlement les biens et la personne de leur seigneur.
    Les Ossalois répondirent qu’il était permis à tout laïque de posséder des choses corporelles : que s’il les possédait paisiblement, tranquillement, sans contradiction, pendant le temps requis par le for pour prescrire, c’est-à-dire pendant trente années, il n’était pas tenu de montrer le titre en vertu duquel avait commencé sa possession ; que quant à eux ils possédaient le terroir du Pont-Long depuis tant de temps qu’il n’était mémoire du contraire : qu’ils le possédaient comme leurs autres héritages, comme leurs montagnes, comme leurs autres vacans, sous la domination du seigneur, ainsi que fesaient le leur les gentils-hommes et barons de Béarn ; qu’aucun arrêt n’avait déclaré le Pont-Long patrimoine du prince, que le seigneur et dame de Béarn, tenant à cœur leur conscience les avaient reconnus toujours propriétaires ; que même la dame Izabeau, mère du seigneur actuel, leur avait écrit afin de les prier d’accorder un droit de pacage à un certain Bernard de Penaud.
    Sur quoi sentence du sénéchal dont le dispositif est dans les termes suivans : (sic)

   Monseigneur le Sénéchal et sa cour, attendu ce dessus et plusieurs autres choses qui mouvent où peuvent mouvoir due ment et justement le courage de Monseigneur le sénéchal de sa cour et de toute autre ; jugeant et prononçant le contenu au présent écrit, séant pro tribunal, lu préalablement sur ce même, délibération avec des savans clercs, jurats, foristes et coutumiers du présent pays et état de Béarn, le nom de Dieu invoqué et ayant icelui devant les yeux, par la présente sentence définitive, ordonne, prononce, juge et déclare lesdits habitans (sic) de la terre vallée d’Ossau, devoir être absous et franchement relaxés de la demande injuste et indue à eux faite par lesdits de Jurançon et intervention desdits procureurs ; ainsi par la même sentence les en absout, quitte et relaxe, imposant et impose silence perpétuel auxdits de Jurançon et procureurs, à chacun d’eux ; condamne les mêmes de Jurançon aux dépens.
    Nonobstant cette sentence le procureur-général poursuivit, de sa propre autorité, en 1440 les habitans de Lescar qui avaient clos et labouré une partie de cette lande. Les Ossalois se hâtèrent de protester contre ces poursuites et cette usurpation, afin que les agens du fisc ne se prévalussent pas à l’avenir de leur silence. (sic)
   Les actes du procès ne font point connaître l’issue de cette affaire.
   Mais dix années s’ étaient à peine écoulées que les agents du fisc se montrèrent armés des mêmes prétentions :   une jument avait été carnalée encore, par les Ossalois, au préjudice d’un particulier de Bilhères, nommé Nargassies.
    Ce particulier demanda la nullité du carnal, attendu que la partie du Pont-Long où la jument avaient été surprise, appartenait à la commune de Bilhères.
    Le procureur patrimonial se constitue partie intervenante dans l’intérêt du prince.
    La question de propriété qui avait été soulevée en 1434 fut de nouveau débattue.
     Le sénéchal décida :
    1°. que le carnal était valable, les Ossalois ayant eu de tous les temps le droit et usage de carnaler les bestiaux de ceux de Bilhères et de tous ceux qui n’avaient ni droit d’entrée ni droit de pacage sur le Pont-Long ;
    2°. que ce terroir appartenait en propriété au seigneur, vu que ses bayles de Pau avaient TOUJOURS usé et accoutumé d’y carnaler, vendre des tuies, herbes et fougères.

    Chose digne de remarque, le sénéchal protesta qu’il n’entendait déroger ni préjudicier aux droits et usages, servitudes et autres qui avaient été adjugés aux Ossalois dans les sentences des sénéchaux ses prédécesseurs.
    Sur l’appel interjeté par Hargassies et les Ossalois, la cour majour rendit l’arrêt suivant le 19 août 1450.
    Le Seigneur et cour souveraine de Béarn, juge qu’il a été bien jugé par le sénéchal et sa cour, et mal appelé par ledit Nargassies de Bilhères, et par ceux d’Ossau, EN CE QU’ILS ONT APPELEÉ de l’usage et possession de carnaler, prendre agriers, et droits, de vendre herbe, fougère, bruyère et tuie adjugées au dit Bayle de Pau, réservant aux dits d’Ossau leurs droits et actions sur lesdits agriers et autres droits QU’ILS DISENT avoir au Pont-Long. Condamne ledit Bernard Nargassies aux dépens faits dans la présente instance.

    Cet arrêt, en validant d’un côté le carnal de la vallée en déclarant d’un autre, que le prince avait droit aussi de carnaler, accordait des droits égaux au seigneur et aux Ossalois. Ce n’est en effet, que comme propriétaires que le seigneur et la vallée pouvaient exercer ce droit.
    Le carnal dérivait de la propriété et il était accordé, a certains fonds, qui devaient être entourés de fossés afin qu’on ne pût pas être trompé sur le droit de maître, d’où vint le proverbe usité no y a carnau, si no y a senhau.
    La réserve insérée dans l’arrêt de la cour majour, le rendait provisoire
    Au lieu de plaider, les Ossalois eurent recours à la justice du prince.
    Ils le supplièrent de les confirmer dans leurs droits, privilèges, et autrement de leur donner ou octroyer tous les droits, actions et devoirs que ses bayles avaient usés et accoutumés sur le Pont-Long, de déclarer que lui ni ses successeurs, ses bayles où officiers ne pourraient assurer, bailler à nouveau fief cette lande en tout ou partie ; de leur permettre enfin de l’user, valoir et posséder comme chose à eux propre.
    Par lettres patentes du 20 septembre 1463 le prince déclara que de son bon gré, certaine science et agréable volonté lui et ses successeurs présents et avenir, il confirmait la donation bulleinfoIl n’y avait pas de donation dans les lettres de Jeanne d’Artois, mais reconnaissance de propriété de la vallée. et octrois faits auxdits Ossalois, par la dame Jeanne d’Artois et Monseigneur Gaston son fils ; et EN TANT DE BESOIN, délaissait, donnait, concédait, octroyait perpétuellement aux Ossalois, tous les droits et devoirs de carnaler, pignorer, entrer, pacager, gîter, prendre tous autres profits et émoluments de quelque nature qu’ils fussent et que les bayles de Pau prenaient et recevaient du temps passé ; promettait pour lui et ses successeurs de n’affiéver, ni donner à fiefs nouveaux, le Pont-Long en tout ou en partie, sous la réserve néanmoins de la juridiction haute et majeure, et autres droits appartenant à la seigneurie et souverainetés.

    On lit, dans le préambule de ces lettres, que le prince eut égard aux droits et usages que les Ossalois avaient dans le temps passé, sur le Pont-Long ; à l’action qui leur était réservée, par l’arrêt de la cour majour sur les agriers et autres droits que les bayles de Pau prétendaient exercer : qu’il considéra que les affièvemens consentis, par ces bayles, ne dataient que de 14 ans bulleinfoLes lettres patentes sont de 1463 ; la sentence est 1450. C’est donc un an avant la sentence que le bayle de Pau s’était attribué le droit de carnal et le sénéchal avait dit que les bayles avaient TOUJOURS usé et accoutumé de carnaler ! et étaient de peu valeur ; qu’il voulut enfin pourvoir au bien et à l’accroissement du peuple de la vallée d’Ossau, à cause des bons et loyaux services des Ossalois, de leur obéissance, des charges qu’ils supportaient et d’une donation de 2,400 florins qu’ils lui avaient faite pour l’aider à réparer et augmenter son château de Pau. (sic)
     Maigre cette concession faite, en tant que de besoin, les troubles continuaient.
    L’usage des guerres privées ou plutôt le droit de se rendre soi-même justice subsistait encore, bulleinfoL’usage des combats singuliers est même consacré par la rubrique de combats 54, de la coutume. La place de la Basse-Ville était destinée à ces sortes de combats. Mais ce droit, le seigneur devait l’accorder.

     Les Ossalois qui avaient reconnu combien les meilleures causes sont hasardées entre les mains des hommes, le sollicitèrent et l’obtinrent de Gaston, le 15 décembre 1463.
    Gaston, par la grâce de Dieu, comte de Foix, seigneur de Béarn, comte de Bigorre, à notre sénéchal juge procureur du Béarn, salut :
    sur ce qui a été exposé par le seigneur Bernard, seigneur du Sainte-Colome, Guilhaume Bordeu, Arnaud de Laussaine, syndics de la terre d’Ossau, que nonobstant les droits que les gens et habitans d’icelle ont toujours eu au territoire, de la lande du Pont-Long, possession et transport que nous et nos prédécesseurs leur avons fait du droit qui devait nous appartenir en icelui : quelques circonvoisins dudit territoire et landes, ont, sans le vouloir et permission, entrepris de cultiver, défricher et clore avec des fossés dans les limites dudit territoire contre et au préjudice de leurs droits, tant de propriété que de possession que pour leur indemnité ils entendaient et avaient déterminé de démolir et abattre lesdits fossés et remettre lesdites terres vacantes comme elles étaient ; mais que craignant d’être inquiétés, molestés par nos procureurs-généraux, nous ont humblement supplié de vouloir les y autoriser ; et nous, convaincus du droit qu’ont lesdits suppléants au Pont-Long, au nom que dessus avons concédé et octroyé, par teneur du présent, concédons et octroyons, qu’en faisant lesdites démolitions, réductions desdits fossés il n’encourent et n’en puissent encourir aucune amende ni peine : si vous mandons et à chacun de vous, en tant que pouvez moins faire envers nous, ne troubliez ni inquiétiez lesdits suppliants au nom que dessus en, faisant ladite démolition ; au contraire, les fassiez valoir et jouir de notre présent mandement, concession et octroi ; cependant si ceux qui ont réduit en culture lesdites terres et faits lesdits fossés prétendent avoir quelques droits ; sur ce, leur fassiez et administriez bonne et brâve justice, parties et nos procureurs généraux oui ; car, en ce que touche et peut toucher les peines et amendes qu’ils pourraient encourir, et avoir encourues, avons impose silence perpétuel.

       Suite.  2.  3.  4.


puce    Sources

  • Mémoire pour la vallée d’Ossau, Imprimerie de Veronese fils, Pau, rue de la Préfecture

j y
Contact