Au Nord de Pau, 844 hectares de landes appartiennent encore au Syndicat du Haut-Ossau : ce sont les landes du Pont-Long. Elles sont occupées par des terrains militaires, des dépôts industriels, des champs de maïs ou de pommes de terre que cultivent des exploitants des communes voisines.
Dans le Haut-Ossau, vallée pyrénéenne au relief et au climat de haute montagne, 3 376 unités de gros bétail s'entassent sur 1 780 hectares de surface agricole utile : on est loin du temps où Palois et Ossalois s'affrontaient en batailles rangées pour une clôture mal placée sur ces landes qui auraient toujours appartenu à l'Ossau puisque « de mémoire d'homme on n'a jamais ouï dire du contraire ».
Cet abandon du Pont-Long par les Ossalois symbolise bien le profond déclin de la transhumance hivernale du bétail ossalois dans les plaines et les coteaux du Bassin aquitain.
Mais ce déclin ne doit pas faire oublier que plus des trois quarts des 10 200 ovins du canton de Laruns et neuf bergers sur dix quittent encore leur vallée montagnarde pendant au moins cinq mois. La transhumance reste un élément essentiel de la vie pastorale de cette haute vallée encore archaïque.
Le maintien de cette pratique en Ossau n'est pas sans poser des problèmes propres ; d'autres concernent la vie des bergers et des troupeaux, ainsi que l'économie pastorale d'une vallée de haute montagne.
Un mouvement de grande ampleur.
Qui part en transhumance ?
En 1958, pour la dernière fois dans l'histoire de la vallée, un petit troupeau de vaches appartenant à un habitant de Laruns est allé hiverner dans le Pont-Long ; ce fut la fin de la transhumance du gros bétail qui déclinait très vite depuis le XVIIIe siècle, en particulier depuis la grande épizootie bovine de 1774-1775.
De nos jours, la transhumance hivernale concerne uniquement les ovins. La spéculation ovine laitière est en effet l'activité rurale majeure du Haut-Ossau. La brebis est l'animal noble, l'élevage bovin est considéré comme secondaire dans bien des cas et le berger méprise le pâtre.
L'importance économique et sentimentale de l'élevage ovin dans presque tous les villages du canton de Laruns permet de mieux comprendre la place que tient encore la transhumance hivernale actuelle. Ces mouvements concernent surtout les plus grands troupeaux qui comptent en moyenne 136 têtes (la moyenne pour le canton est de 110).
La persistance de ces mouvements se comprend facilement : il n'est pas, techniquement et financièrement, possible en hiver de nourrir dans la vallée un troupeau de plus de 80 à 90 têtes. La circulation des ovins concerne donc les plus gros troupeaux, les plus dynamiques aussi, ceux qui font l'activité pastorale de la vallée.
Pendant quatre à six mois les brebis quittent la vallée
A partir du mois d'octobre, après la Saint-Michel, les troupeaux descendent de la montagne, chassés par le froid et les premières neiges. Après quelques jours passés autour des villages, la plupart des animaux et des bergers quittent le pays. Le départ se fait sans joie ni fête, au contraire de la « Dévête » des montagnes au début de l'été.
Bergers et brebis, chassés de la vallée, vont se disperser dans les plaines et les coteaux de l'Aquitaine. Certains ne rentreront qu'au mois de mai quand les premières montagnes seront libres de neige : d'autres reviendront pour Noël et repartiront au début de mars. Ainsi, pendant une longue période de l'année, l'exploitation de l'Ossalois, sa maison, ne se trouvent pas seulement à Laruns, à Béost, à Bilhères ou dans les montagnes, mais aussi à Riscle, à Ayzieu à Lasseube ou même à Langon.
D'où un problème technique, l'exploitation étant en quelque sorte écartelée entre trois domaines naturels différents, la vallée, la plaine et la montagne, mais aussi un problème sentimental et social : l'isolement du berger pendant une longue période est une épreuve qui rebute nombre de jeunes ; les bergers sont souvent célibataires.
Près de 8 000 ovins partent vers l'Aquitaine
En 1930, Henri Cavaillès avançait le chiffre de 20 000 ovins transhumants pour le Haut-Ossau ; en 1960, l'assistant berger de la vallée d'Ossau estimait, dans un rapport à la Direction départementale de l'Agriculture, que 89 troupeaux, soit 9 000 bêtes, étaient concernés par la transhumance inverse. En trente ans, la diminution a donc été de 53,5 % soit, en moyenne, de, 1,7 % par an.
Ce déclin très brutal s'est poursuivi de 1960 à 1967. Pendant l'hiver 1966-1967, 57 troupeaux, soit au total 7 800 brebis, sont allés en plaine au moins une partie de l'hiver, ce qui maintient la vallée d'Ossau, en l'occurrence le canton de Laruns, au premier rang des vallées pyrénéennes dans ce domaine. Depuis 1960, la baisse a été de 16,1 % soit en moyenne de 2,3 % par an ; ce déclin récent est d'autant plus sensible que le quart des troupeaux reviennent au village une partie de l'année.
Ce déclin tient à deux faits. Les effectifs du troupeau de brebis dans la vallée ont sensiblement diminué depuis le début du siècle (63,5 % au moins depuis 1907). D'autre part, les rendements fourrager ont été améliorés et il est facile de faire venir du fourrage par train et par camion de Crau ou de Navarre espagnole ; en outre, dans certains villages riches en prairies (Béost), les propriétaires essaient de nourrir le plus grand nombre possible de bêtes au village.
Selon les possibilités humaines et techniques de chaque village, le pourcentage de brebis transhumantes varie notablement mais demeure toujours très élevé (77 % du nombre total des ovins) ; souvent, les bêtes qui restent sont les animaux trop jeunes ou les brebis gravides.
Aussi presque tous les bergers du Haut-Ossau (57 sur 65) doivent-ils quitter leur village en hiver. .. /..
La destination des troupeaux
Trois grandes régions accueillent la majorité des Ossalois :
la plaine d'Ogeu et les coteaux de l'Entre-Deux-Gaves au Sud-Est de Monein ;
l'Est du Gers et la partie orientale de l'Entre-Deux-Mers entre Langon et Sainte-Foy-la-Grande. 28 bergers sur 57, avec 3 500 bêtes (45 % du total transhumant) restent dans les Basses-Pyrénées.
Comme les autres troupeaux ils partent aux environs du 20 octobre mais rentrent dès le 15 décembre pour repartir en plaine de mars à mai : en effet, la distance à parcourir n'est pas grande. De nombreux bergers ont trouvé l'hospitalité à moins de 25 km du Haut-Ossau et souvent même dans le canton d'Arudy ou la plaine d'Ogeu.
Il s'agit donc simplement de prés assez éloignés du village et l'on peut difficilement parler de transhumance. C'est, le plus souvent, le résultat d'une évolution : dans les villages où l'élevage ovin est encore florissant (Laruns, Aste-Béon), les bergers se rapprochent ainsi de la vallée, quitte à louer des prés et des granges.
Les plus gros troupeaux (148 têtes en moyenne) perpétuent l'ancienne tradition et vont au loin, 29 bergers conduisant 4 300 brebis, 55 % des transhumants séjournent tout l'hiver dans les collines gersoises, dans le Sud-Est des Landes, dans les vignes de la Gironde ; certains vont même dans le Tarn-et-Garonne.
Au cours de l'hiver, certains changent de pacage ; ces troupeaux itinérants sont de plus en plus nombreux car friches, chaumes et landes deviennent rares ou sont labourées très tôt. Deux ou trois troupeaux reviennent même dans le piémont pyrénéen au printemps.
Mais, le plus souvent, le passage de la transhumance hors du département à la simple remue Sens 1 : En montagne, fait de passer d'un pâturage à un autre. Sens 2 : Abri construit dans le haut pâturage. dans le piémont n'a pas lieu : la transhumance semble trop vieille ou trop oubliée pour pouvoir évoluer. Elle est encore très importante à tous les points de vue et fait partie intégrante d'un système social et pastoral : quand un berger l'abandonne, il abandonne presque toujours, avec elle, son troupeau tout entier.
L'organisation et les problèmes techniques de la transhumance.
Pendant une période de quatre à six mois, le berger est aux prises avec les problèmes d'une exploitation : problèmes fonciers, d'équipement, de commercialisation compliqués par l'éloignement de la communauté villageoise et l'isolement ; il ne peut compter que sur lui-même.
Les problèmes de transport.
Les déplacements de moins de 30 km se font à pied, en empruntant de nuit les petites routes peu fréquentées ; parfois le berger loue une bétaillère ou utilise une charrette de tracteur ; chacun se débrouille comme il peut.
Les déplacements des troupeaux hors des Basses-Pyrénées ne peuvent plus se faire à pied car ils sont interdits et d'ailleurs impossibles depuis plus de quinze ans en raison de l'intensité de la circulation automobile et des difficultés d'hébergement aux étapes. Les troupeaux prennent en très grosse majorité le train. Les chemins de fer offrent, en effet, depuis 1926, un tarif de transhumant assez avantageux, de 50 % inférieur à celui des marchandises.
Ensuite, de la gare terminus, le berger conduit ses bêtes en camion et le plus souvent à pied, jusqu'à leur destination finale. Ajoutons que ces mouvements des troupeaux sont sévèrement contrôlés par les gendarmes qui vérifient les certificats de vaccination quand les bêtes quittent leur département d'origine.
Les difficultés de logement et de pacage
Depuis des générations, le berger de la même exploitation allait chez les mêmes exploitants de la plaine. Ceux-ci lui fournissaient traditionnellement le gîte et le couvert, et au troupeau une étable, la litière et les pacages. En échange, le berger donnait du fromage, quelques agneaux ; le propriétaire avait, de plus, un abondant et riche fumier pour ses terres.
Une telle pratique est, de nos jours, de plus en plus rare : les propriétaires ne veulent plus de brebis sur leurs terres. Les pacages gratuits sont rares et médiocres. Aussi, le berger doit-il souvent chercher des pacages assez loin sans avoir la certitude d'être accueilli par le propriétaire du champ. En effet, les défrichements ont été nombreux dans le Gers. Les maïs hybrides permettent des labours de plus en plus précoces, ce qui chasse les brebis des chaumes. Dans les vignes, les brebis font souvent des dégâts et depuis l'utilisation des engrais chimiques, leur fumier n'est plus indispensable.
Ces changements techniques concourent à rendre les troupeaux ovins étrangers inutiles, voire indésirables, dans les plaines et coteaux de l'Aquitaine. Le problème est donc pour le berger de trouver des pacages sûrs : il ne peut plus être à la merci d'un labour précoce et vagabonder de chaume en friche comme jadis.
Quelques bergers ont acheté des terres dans la plaine : l'un au voisinage de Pau, un second dans le Lot-et-Garonne, un autre en Gironde. Ils s'y fixent pratiquement tout en gardant leurs droits d'utilisation des pacages d'altitude en été. Mais la plupart louent pour l'hiver une grange-étable, des prés, des prairies artificielles (de deux à dix hectares) pour compléter les chaumes et landes ou pour les remplacer. En outre, ils achètent du fourrage et de la litière. On peut ainsi considérer certains bergers comme les fermiers temporaires d'une exploitation éloignée de leur village. Le berger loge dans un appentis de la grange ou, le plus souvent, chez son propriétaire. Ces locations de terres se pratiquent surtout dans les Basses-Pyrénées (plaine d'Ogeu, coteaux de Lasseube) ; ailleurs, les landes et les chaumes libres sont encore vastes et les traditions se maintiennent mieux.
La transhumance hors du département a donc peu évolué depuis le début du siècle. Sa situation est toutefois plus grave que celle des mouvements de troupeaux limités aux Basses-Pyrénées, pour lesquels le transport pose moins de problèmes et la situation du berger et de son troupeau est plus stable. Il est vrai que les frais sont, dans ce dernier cas, majorés de 50 %.
Un troisième type de circulation des troupeaux est pratiqué par certains bergers d'Aste, de Béost, de Louvie-Soubiron et de Laruns qui ont des prairies assez vastes dans la vallée. Les troupeaux rentrent au village de décembre à mars, pour consommer le fourrage amassé dans les granges. Cette pratique permet de mieux valoriser les produits du troupeau en fabriquant du fromage mixte (lait de vache lait de brebis). C'est le fait des bergers qui vont uniquement dans les Basses-Pyrénées. Un tel rythme de transhumance est rendu possible par l'achat de fourrage ; surtout, il est favorisé par les Services agricoles et par les organismes professionnels qui incitent les éleveurs à abandonner la transhumance pour ne garder qu'un troupeau plus réduit mais d'un meilleur rendement. En fait, peu d'exploitants rentabilisent mieux leur troupeau et souvent l'abandon de la transhumance hivernale est suivi de l'abandon de l'élevage ovin.
L'exploitation du troupeau en hiver, en plaine
Le premier problème est celui de la garde du troupeau. En été, la question est déjà grave : souvent le père ou le frère de l'exploitant sont bergers. Comme les brebis ont peu de lait, et qu'il y a peu d'agnelage, les propriétaires de petits troupeaux confient leurs bêtes à un berger qui garde pratiquement tous les revenus pour sa peine (contrat de « Gazaille »).. Mais en hiver le travail est trop pénible, le fourrage coûte cher et chaque exploitant garde son propre bétail.
La difficulté de trouver des bergers en hiver est la cause directe de la vente de nombreux troupeaux. Depuis deux ans, quatre bergers de Laruns ont pratiqué une garde collective des troupeaux en hiver, chacun étant rétribué en fonction du nombre de têtes apportées au troupeau collectif et du nombre de jours de garde. Cette solution ne semble pas se développer malgré sa réussite technique et sociale.
Les pratiques collectives sont également très rares au stade de la commercialisation des produits : une petite partie du lait est ramassée par les laitiers de Roquefort qui le paient bien ; le reste sert surtout à nourrir les jeunes bêtes qui naissent de décembre à mars, ce qui donne un gros travail au berger (dix à douze agneaux en moyenne naissent par semaine, pour un troupeau de 180 brebis, pendant le mois de janvier).
Les agneaux sont vendus quant ils atteignent le poids de 12 kg, à des négociants locaux qui passent régulièrement. Dans le Gers, la clientèle locale réclame des agneaux gras de 20 à 25 kg qui consomment beaucoup de lait et sont donc moins rentables.
Les agnelles sont gardées pour le renouvellement du troupeau. La fabrication du fromage d'Ossau, qui est l'activité essentielle des bergers dans la vallée et au début de l'été en montagne, ne se fait pratiquement pas en plaine. La commercialisation des produits est assurée par des négociants qui imposent leurs prix aux bergers.
La vie quotidienne du berger en hiver est un peu la même qu'en été mais beaucoup plus triste. Tous les problèmes d'inconfort, de recherche des pacages, de soin aux animaux, de vente des produits se retrouvent, et sont souvent même aggravés, sans qu'existe en compensation le sentiment de sécurité que donne la vallée, la chaude sympathie des montagnes auxquelles les bergers sont encore très attachés.
La transhumance hivernale est-elle toujours nécessaire ?
Une nécessité technique
La superficie moyenne d'une exploitation du Haut-Ossau est de cinq hectares. On estime que ces cinq hectares de Surface Agricole Utile (SAU) peuvent nourrir en hiver quatre vaches, trente brebis et un mulet, cheptel qui est loin de faire vivre une famille. Par contre, l'utilisation des pâturages de montagne en été et le départ des troupeaux en hiver permettent de tripler ces effectifs. Peut-être un jour sera-t-il possible de nourrir un même nombre d'animaux sur cinq hectares de terres médiocres ou d'acheter du fourrage sans trop grever le budget d'une exploitation. Mais dans l'état actuel des techniques et des traditions, la production fourragère du Haut-Ossau ne permettrait de nourrir le bétail actuel que pendant trente-quatre jours par an.
La transhumance hivernale est la solution la plus rentable.
Certains techniciens et exploitants ont déjà condamné la transhumance hivernale, la jugeant mauvaise socialement, du point de vue économique et zoologique. Ils escomptent sa disparition imminente et voudraient introduire dans la vallée un élevage plus intensif, mieux intégré à une économie commerciale. Mais il faut compter avec les obstacles techniques et financiers, avec la force de la tradition et peut être aussi avec la nostalgie des grandes heures de l'Ossau.
Est-il souhaitable d'abandonner si rapidement la transhumance hivernale ?
Est-elle une si mauvaise solution au problème de l'alimentation du bétail en hiver pour une vallée de la haute montagne ? A vrai dire, le problème est peut-être moins technique que social.
Un problème de survie de l'économie pastorale
En été, l'élevage ovin en vue de la production de fromage « du pays » est la meilleure façon, actuellement, de valoriser l'espace montagnard. Du point de vue sociologique, c'est l'activité dominante, vestige de la prospérité politique et pastorale ancienne de la vallée.
On ne compte que 65 bergers sur les 4 057 habitants des communes du canton de Laruns, mais ce sont eux qui maintiennent l'existence même de la vallée, sous sa forme actuelle. L'introduction de nouvelles formes d'économie pastorale a toujours été d'une ampleur et d'une durée limitées. Elle correspond à un dernier sursaut d'une exploitation agonisante, à un abandon déguisé : ne pouvant plus nourrir son bétail durant l'hiver, le berger tente « d'intensifier » sa production en limitant son troupeau qu'il vendra quelque temps plus tard.
Changer un type d'économie suppose un travail et des fonds considérables dont le Haut-Ossau ne semble pas disposer actuellement ; par contre, techniquement la transhumance traditionnelle peut se maintenir encore longtemps, dans la mesure où il restera des terres disponibles dans le Sud-Ouest français et où des améliorations seront apportées pour la garde du bétail et la commercialisation des produits. L'évolution de ces toutes dernières années montre que les problèmes de la transhumance hivernale ont été la cause immédiate de l'abandon de l'économie pastorale ovine dans beaucoup d'exploitations. Quel que soit le système pratiqué, la transhumance est toujours un grave obstacle technique et, de plus en plus, humain au développement et même au maintien de la vie pastorale du Haut-Ossau.
La solution au problème de l'exploitation des montagnes se situe peut-être moins dans le canton de Laruns que dans les plaines et coteaux d'Aquitaine. Aussi, malgré les grands efforts entrepris dans les montagnes béarnaises depuis quinze ans, le déclin de l'économie pastorale se poursuit-il. Il est facile de nourrir 10.000 ovins en été ; cela est plus délicat quand la neige recouvre les alpages. La solution n'est peut-être donc pas de supprimer le déplacement des troupeaux imposé par la nature, mais de l'améliorer.
La montagne et le piémont : une seule économie pastorale ?
On conçoit mal le maintien d'une économie rurale dépendant presque uniquement de l'extérieur. En fait, le Haut-Ossau peut offrir en été 19 200 hectares de pâturages et accueille tous les ans, de juin à octobre, un bétail très nombreux venu d'autres vallées (Aspe, Barétous, Bas-Ossau) et du piémont (Ogeu, Navarrenx).
En 1968, les communes du Haut-Ossau ont accueilli 4 200 ovins et 280 bovins gardés par des bergers ossalois, 3 600 ovins et 250 bovins gardés par leurs propriétaires, et 6 600 brebis et 1 000 vaches venant du Bas-Ossau.
Au total, 13.400 ovins et 1 500 bovins des vallées voisines, mais aussi des coteaux et rivières béarnaises, sont donc venus dans les montagnes du canton de Laruns. Tout en n'oubliant pas l'archaïsme et la faiblesse de cet élevage, on aurait tort, dans ces conditions, de considérer que le Haut-Ossau vit en parasite du piémont et que son économie pastorale doit être entièrement transformée ou même disparaître pour laisser place au tourisme hivernal et estival qui semble conquérir la vallée.
Si donc les brebis du Haut-Ossau ont besoin de pacages de plaine en hiver, en contre-partie de nombreux ovins, mais aussi bovins des plaines utilisent les alpages d'Ossau en été. Pour une partie de ces troupeaux, il s'agit presque d'une véritable transhumance directe. Des expériences patronnées par la Chambre d'Agriculture du Gers ont été réalisées pour les bovins, en dehors de l'Ossau, et de nombreux éleveurs du piémont béarnais font des offres de location pour les pâturages abandonnés de l'Ossau dont les communes propriétaires, souvent conscientes de leur richesse, sont parfois avares. Si, en effet, les communes de Béost, de Bielle et de Laruns louent de nombreuses « montagnes » et acceptent du bétail étranger très facilement, la commune des Eaux-Bonnes a toujours refusé le bétail étranger sur son territoire.
Toujours considérée comme néfaste et rétrograde par nature, la transhumance inverse des brebis ossaloises, compensée, en été, par un déplacement de certains troupeaux des plaines vers la montagne, peut ainsi devenir l'occasion et le moteur d'une organisation plus vaste de l'économie pastorale du piémont et des vallées de haute montagne qui possèdent très peu de S.A.U mais de vastes alpages comme, le Haut-Ossau. Dans ce cadre, de nombreux problèmes sociaux et techniques de la transhumance hivernale actuelle pourraient être résolus et, partant, serait levé un obstacle essentiel à la survie et au développement de l'économie pastorale de la région.
Conclusion
Mouvement puissant et séculaire des troupeaux à travers la Gascogne, bataille du Pont-Long, pillages, haute-main sur la ville de Pau, procès innombrables, c'était cela la transhumance du bétail ossalois. Maintenant circulent seulement quelques milliers de brebis et quelques chèvres entassées dans des fourgons à bestiaux à destination du Gers.
Ce mouvement obscur et discret a été oublié ou voué au folklore, et le Haut-Ossau est une des rares vallées où il soit encore important.
Il n'est peut-être pas étranger à la solidité de l'archaïque vie pastorale de ce haut pays, comparée à celle des autres vallées pyrénéennes de haute montagne. Les solutions à tous les problèmes ont été cherchées dans la vallée, qui a été ainsi pratiquement condamnée à être uniquement touristique.
On a peut-être voulu appliquer trop systématiquement en montagne des schémas d'agriculture de plaine ou d'autres montagnes, sans tenir compte de ce qui existait de tradition. Les 844 hectares du Pont-Long ont été abandonnés par les Ossalois. Peut-être est-il encore temps de les réutiliser en partie, de limiter ainsi la transhumance à trop longue distance et de construire une économie pastorale solide utilisant les ressources des coteaux du Béarn et de Gascogne et les montagnes pyrénéennes de moins en moins exploitées ?
Palois et Bordelais ont besoin des stations de ski de Gourette et d'Artouste ou du Parc National qui font vivre de nombreux Ossalois. Pourquoi donc cette complémentarité de la plaine et de la montagne, bien exploitée pour le tourisme, ne serait-elle pas mieux utilisée pour la vie rurale ?
Sources
Hourcade Bernard, La transhumance hivernale du bétail du Haut-Ossau. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, Toulouse 1969.
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