La vallée d’Ossau :
Culture et Mémoire
LA CAZE DE BROUSSET
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Les premiers écrits sur la Caze.
Autant que nous puissions le savoir, c’est dans les années 1650 que les Jurats décident de construire la Caze de Brousset. En 1681, la communauté de Laruns déclare qu’elle « tient et possède dans son territoire au haut de la montagne sur le passage de l’Espagne en un lieu appelé Brousset une maison qui est bâtie depuis vingt et cinq ans environ aux frais de la commune ».
En 1687, à des fins militaires, l’ingénieur Thierry fait un « devis sur le chemin qui conduit en Aragon par le Val d’Ossau, dans lequel est contenu tous les obstacles, difficultés et autres choses dignes de remarques qui se trouvent pour traverser les monts Pirénnés, depuis l’entrée de cette colline jusques à Biescas, ville située au delà des montagnes, à la gorge du Val deThene et entrée de la plaine d’Arragon...».
Thiéry traverse la vallée, il est étonné par Laruns : «ce qui passe l’imagination qu’un si petit terrain et pays affreux puisse faire subsister un si grand nombre de peuple ».
Il décrit les ruisseaux à traverser avec les ponts pour certains d’entre eux.
Après Gabas, il indique « une maison seule dans ce pais désert et est un cabaret pour le refuge des passants, qui périroient souvent sans le secours d’icelle, y aiant quatre lieües et demy sans aucune habitation, pais affreux et toujours couvert de neige, hors quelques mois de l’année ; cette maison se nomme la Case de Broussette, elle est encore en Béarn. »
Cette maison, nous le voyons, est une nécessité pour les voyageurs de France vers l’Espagne et vice-versa. Il faut comprendre par voyageurs, tous les marchands, les saisonniers, les contrebandiers d’un trafic frontalier surtout de bétail et de mules. depuis les guerres de religions, l’hôpital de Gabas est en déclin, les moines présents dès le XIIe siècle n’accompagnent plus les “passants ” vers l’Espagne, l’entretien des ponts ne se fait plus.
C’est donc la communauté des Jurats de Laruns qui vont prendre le relais, mais l’édifice deviendra très vite une cible pour nos voisins Espagnols. Les archives vont révéler les premiers vols commis alors que des chartes de paix entre les vallées d’Ossau et de Teña existent depuis longtemps.
Pour assurer la sécurité des voyageurs et des échanges, un traité de 1514 place les hôpitaux et les maisons religieuses sous garanties « Comme le monastère de Ste Christine et les maisons de Peyrenère de la vallée d’Aspe et de Ségoter de la vallée de Teña, et celle de Gabas de la vallée d’Ossau sont situées dans des lieux stériles et inhabités et qu’elles rendent de grands services aux voyageurs, en été comme en hiver, en paix comme en guerre..., il est ordonné personne ne soit assez osé pour rien entreprendre contre les chanoines, hospitaliers, hôtes et autres personnes quelles qu’elles soient qui se trouvent dans les dites maisons, ni contre les troupeaux et autres marchandises qui appartiennent à ces maisons ou qui y ont trouvé asile ».
Premiers vols par des scélérats espagnols.
Nous pourrions penser que seules les maisons religieuses sont incluses dans ce traité, or une lettre des Jurats de la vallée de Teña en 1707, montre que ces derniers sont soucieux de préserver la tranquillité de cet édifice, somme toute récent.
« Nous vous avons écrit par un exprès pour vous donner avis de la hardiesse et entreprise qu’ont eu quelques scélérats et voleurs de soldats, d’aller à votre maison de Broussette, et comme nous sûmes à leur retour, quoi qu’ils entrassent dans la nuit, à l’insu de la vallée, qu’ils auraient volé dans la dite maison demi quintal de sardines avec les sacs, six livres de morues, un cheval noir hors de marque, dix huit aunes de toile de lin, et quatorze aunes d’étoupe, un cuir de bœuf, une cape, une barre de fer pesant dix huit livres et quelques courroies, qu’ils nous assurèrent leur avoir été données, mais nous avons su le contraire, et qu’ils avaient volé d’autres choses qui n’étaient pas en leurs mains, ainsi, Messieurs, vous pouvez envoyer un état véritable de tous les biens que les soldats ont volé, certifié du serment de ceux qui ont perdu, parce que nous sommes obligés de les payer ou faire payer à celui qui aura contrevenu à la charte de paix.»
A travers cette lettre, du 25 avril, nous observons que le ravitaillement comprend des sardines et de la morue, doit-on y voir un approvisionnement spécifique pour le Carême ?
Premières descriptions et premiers fermiers.
La Caze de Brousset était composée de trois corps de bâtiment : - la maison d’habitation qui avait des dimensions respectable : 63 pams de longueur par 36 pams de largeur et 28 pams de hauteur plus le pignon
- soit 14.74 m x 8.42 m x 6.55 m de haut
- le saloir, situé contre le mur nord de la maison : 56 pams de longueur par 15 pams de largeur et 11 pams de hauteur
- soit 13.1 m x 3.51 m x 2.57 m de haut
- l’écurie située contre le mur sud de l’habitation qui avait les mêmes dimensions que le saloir.
Le premier des fermiers connu à la Caze est David Figuier de Laruns, il est en place depuis 1734 et le restera au moins jusqu’en 1742 ; il paye une redevance de 84 francs bordales par an à la communauté de Laruns le jour de la Toussaint, il devait entretenir le “pont de haut” à sa charge afin que les gens puissent passer à pied et à cheval, et ceci librement, donc sans péage. Il était autorisé à garder deux vaches même quand la montagne était interdite, ainsi qu’une veille vache sans payer la bacade et une monture pour les besoins de la maison.
Juste avant la Révolution, en 1787, les jurats de Laruns s’inquiètent de l’état de la maison, en particulier les sieurs de Mongaugé, de Cauhapé, Darriu et Lacazanave. « Les gros vents et pluyes ont détruit la plus grande partie du toit et aussi la plus grande partie des murs de la maison dite La caze de Brousset.
Il faut vite avoir l’autorisation de réparer pour que le fermier ne puisse demander un dédommagement pour raison de non jouissance ». On ne sait pas exactement quand elle fut réparée, mais elle le fut rapidement. Nous le savons grâce aux événements nationaux. La
République naissante doit faire face avec ses soldats à l’armée espagnole. De notre côté, ce sont surtout des soldats originaires de l’extérieur de la vallée qui défendent la frontière. Les autorités connaissant les accords de paix entre les vallées voisines se méfient des valléens. Il n’empêche que chaque commune était tenu de fournir un ravitaillement important au poste avancé qui stationnait à Lacaze de Brousset. Des registres renseignent sur les denrées alimentaires envoyées (déjà un Baylocq de Laruns fournissait le fromage), mais il fallait aussi des paillasses, des couvertures et des draps, des bougies, des marmites, etc.
L’incendie et le vol des troupeaux par l’armée espagnole.
Les montagnes de Socques et d ’Estrémère appartenaient à ce moment à un Espagnol de Jaca, la municipalité de Laruns lui confisque ses biens, car ces lieux auraient pu servir de base aux troupes espagnoles. Ces dernières, bien mieux organisées que celles de notre jeune République, vont se permettre plusieurs attaques sur notre territoire. « En avril 1793, le Colonel D.Benito Pardo commandant les forces espagnoles de Sallent, avait ordonné d’incendier la Caze... ».
On ne sait pas quel jour l’incendie eut lieu, mais dès le 29 mai le citoyen Bonnacaze fait un rapport et sur le procès verbal, on lit que « La Caze de Brousset appartenant à la commune a été incendiée et détruite par les ennemis espagnols. Qu’il est très important de faire les démarches nécessaires pour que la Commune soit indemnisée de la perte considérable qu’elle éprouve ». Cet épisode guerrier va permettre d’avoir la première description de la maison.
La maison était composée ainsi : « Au rez-de-chaussée une écurie d’un râtelier et crèche, d’un appartement pour saler les fromages que les pasteurs y faisaient sur les montagnes, une chambre pour y fermer les cochons, l’escalier au premier plancher en bon état, une grande cuisine, le foyer
était entouré de bancs, trois bois de lits, deux tables à manger avec plusieurs escabeaux et bancs, deux chambres distribuées avec des cloisons en planches et autre chambre donnant sur le saloir avec des châlits, un pendant de feu, une paire chenets en fer doubles, un four à pain, trois coffres de bois de sapin, les latrines, le premier plancher était construit avec de grandes pièces équierriées pour plus grande sûreté, un autre plancher supérieur construit de planches qui servait pour y mettre le fourrage, laquelle maison était en très bon état, il n’y a pas longtemps qu’elle avait été reconstruite et la commune y avait fait faire ces dernières années des réparations considérables, de manière que les voyageurs y trouvaient toutes les commodités du ménage soit à pied soit à cheval. Le procureur de la Commune demeure chargé de faire les démarches nécessaires par devant qui et où il appartiendra pour demander l’indemnité de la perte de la dite maison, d’après l’estimation qui en sera faite par les citoyens Cardolle maçon et Loustaunau charpentier commis à cet effet comme ayant plus de connaissance que tout autre de l’état où était la dite maison ».
Ce n’était que le signe avant-coureur d’un combat que vont mener les Espagnols le 1" juillet de cette même année 1793. Ils incendièrent tous les ouvrages et aussi l’arbre de la liberté, un des seuls dont on connaisse l’existence à cette période avec celui qui se trouvait sur la place de Laruns à proximité de l’église. Dès le 5 juillet, soit cinq jours après l’attaque, les citoyens de Laruns relatent l’événement sur un registre rédigé par les officiers municipaux Jean Cardet et Jean Médebielle de Geteu. Ils prennent les déclarations des propriétaires qui avaient des bestiaux sur Brousset, seul deux ou trois mentionnent qu’ils sont sur Pombie. Il est presque toujours écrit : « volé par les ennemis espagnols ».
Ces déclarations font apparaître que 71 propriétaires ont perdu 1668 têtes de bétail et un chien de 15 mois alors que les Espagnols avaient relaté dans la Gaceta : « On leur a pris, 2000 têtes de bétail, dont 1000 à cornes, et le reste ovins et mulassiers... ». Mais les autorités françaises minimiseront les pertes. Si les vainqueurs ont tendance à se vanter, nous estimons que les déclarations
faites « sous serment à Dieu » par les Ossalois sont véritables ou très proches de la vérité. En effet, chaque propriétaire déclarait le bétail qu’il menait en pâture pour établir les « bacades » qu’il devait à
la communauté. Les officiers municipaux pouvaient donc très facilement contrôler les dires de chacun.
La lecture du registre des déclarations nous permet de détailler qui sont exactement les propriétaires concernés par les vols. Si parfois le patronyme est seul, à plusieurs reprises il est précédé du prénom. Plus rarement le nom d’un quartier ou d’une rue de Laruns est mentionné. Ainsi l’on trouve 2 personnes de Pon (Bernard Roumendas dit Vignes et Jean Berdoulou), 2 de Goust (Jean Barou et Jean Crabé), 1 de Gabas (Jean Salanave) voilà pour ceux des quartiers ou hameaux, et quand les noms de rues sont indiqués : 4 sont du Bialé (Jean Fourcade, Casassus, Jeanne Médebielle et Bonnacaze), 3 du Bournau (Jean Baylocq, Fourcade et Jean Casassus) et autant du Bourguet (Jean Lamaison, Lafoarguette et Saint-Martin), I du « milieu de Laruns » (Jean Figué). Il y a aussi un propriétaire de Sainte-Colome et un autre d’Assouste qui se trouvait sur Pombie, un dernier de Béost avait eu la malchance d’avoir son cheval réquisitionné ce jour là pour ravitailler la troupe. Une seule femme, 2"’ cadette, qui signale le vol de 2 vaches, est l’unique personne qui n’a pas su signer.
Si nous faisons un récapitulatif du bétail volé, nous avons :
754 Bovins
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- 607 vaches dont 105 suitées et 37 pleines - 28 veaux - 7 génisses
- 5 bœufs et un petit
- 1 taureau |
871 Ovins
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- 810 brebis dont 96 H.M. et 307 M.
- 13 agneaux - 48 agnelles |
11 Caprins |
- 11 chèvres |
32 équidés
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- 4 chevaux - 1 poulain - 18 juments dont 2 pleines - 1 mule suitée - 5 mulets - 2 ânes |
20 propriétaires font des déclarations de vols d’ustensiles de travail ainsi que des vêtements. Ces personnes là étaient donc présentes à Brousset ce 1" juillet 1793. Cinq d’entre elles déclarent la perte de fromages (pesant chacun entre 8 et 10 livres, soit de 4 à 5 kg), mais les chaudrons volés montrent que certainement au moins une dizaine de bergers fabriquaient le fromage. 11 propriétaires perdirent des brebis. Les plus gros troupeaux se virent délestés de 105, 106, 130 et même de 180 têtes. Ceux qui subirent des pertes plus minimes n’ont eu peut-être qu’une partie du troupeau décimé. Si les fromages sont rares, c’est qu’ils étaient ramassés pour l’affinage et amenés à Gabas, le saloir de la Caze venant d’être incendié avec le reste du bâtiment.
Pour les vols des ustensiles liés à la traite et au fromage, on trouve 4 « cubals » d’un pot ou de trois pots, soit 4 récipients d’un à trois litres pour le lait, dont 3 appartiennent au propriétaire du troupeau de 180 têtes. Les 4 « sanches » sont aussi des récipients utilisés pour la traite. Un seul « passoire de lait en fer blanc » est volé. Il y a aussi des chaudrons qui contiennent 4, 15 ou 18 pots. Un « couradé » volé est un moule à fromage, « l’héchère » est le plateau sur lequel le fromage est égoutté au moment de sa fabrication. Pour le reste de l’outillage utilisé par les pasteurs, nous trouvons 10 haches, 3 « escholes » soit des outils pour creuser les sabots, quelques sacs, des cordes, une « paire de biasses » pour charger l’âne, enfin un étui avec sa « ganivette » qui est un grand couteau. Deux personnes sont victimes de vols de farine, l’un avait une demi-mesure dans un sac et l’autre une mesure et demie. Avec les fromages, ce sont les seuls vols alimentaires. Avant de détailler les vêtements volés, il faut signaler les « samarres de peaux de bêtes ». Par cette expression il faut certainement comprendre des peaux de bêtes entières qui servaient de matelas ou de couvertures aux pasteurs pour leur couchage. Seize capes neuves furent volées, 4 étaient à demi usées et 12 sans mention de leur état. Quelques vestes de « cadix » autrement dit d’étoupe de laine plus ou moins en état, mais aussi des paires de culottes, des paires de bas, des souliers et des sabots, un bonnet complètent l’inventaire de ces déclarations de vols. Ce 1" juillet 1793 dut certainement être un bien triste jour pour les pasteurs de Laruns, leurs familles et la République. Le citoyen Cousteret maire, se plaint au nom de la commune « d’être privé à cause de la guerre, du prix de l’afferme qu’elle retirait de la maison, jardin et prairie et dépendance appelée Lacaze de Brousset... La perte de l’affermage de Lacaze Brousset pour 1793 : 200 livres ». L’année suivante Bertrand Sassoubs de Béost et Pierre Poumaret d’Aubertin travaillant aux ouvrages de la mâture sont nommés experts pour estimer Lacaze de Brousset. La maçonnerie, pierres de taille comprises, s’élève à : 1266 livres 15 sous. La charpente et la couverture en ardoises : 3332 livres 18 sous. Soit un total de : 4689 livres 13 sous. Il faudra attendre la mi-avril 1795 pour que les particuliers caressent l’espoir de recevoir une indemnité jusqu’à concurrence de la moitié de leur perte, mais pour cela, ils devaient se rendre à Oloron munis d’un certificat de civisme. Comme les frais occasionnés et les journées perdues pour les travaux agricoles sont trop importants, le conseil nomment deux commissaires qui prendront la totalité de la somme à Oloron et se chargeront de la répartir entre les 74 ayants droits. Le citoyen extérieur (celui de Ste Colome) est exclu du système !
La reconstruction l’an 4 de la République et les difficultés de l’affermage.
Le temps passe, il faut donc reconstruire la Caze, un particulier de Laruns se propose, il assurera les frais de reconstruction moyennant neuf années de jouissance. La prairie voisine fera partie de la présente ferme. Mais nous pouvons dire que tout n’alla pas pour le mieux avec le fermier choisi. A croire le registre du conseil municipal d’octobre 1806 « ...le sieur Glaudiné de Pau demeurant alors
à Laruns sous le cautionnement de Jean Berdoulou et Jean Lamaison fils .... s’obligea de faire et parachever suivant et conformément au devis estimatif qui en avait été dressé par les sieurs Loustaunau charpentier et Cardole maçon ... Le devis estimatif précité montant à la somme de 3634 livres 15 sols 6 sous .... Il est notoire que... Balencie sollicita ... Glaudiné à vouloir lui céder cette entreprise, et qui après diverses sollicitations, et peut-être quelque bénéfice qu’il lui offrit, ils passeront un compromis par lequel ... Glaudiné lui fit une cession privée de la reconstruction et de la jouissance de la même maison et pré »
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Jacques Balencie avait envoyé une pétition au Préfet pour jouir pendant 15 ans de la maison et pré de Lacaze de Brousset suite à des promesses verbales soi-disant faites par l’administration municipale. Le conseil le déboute de sa demande, il sera même tenu « de payer à la commune d ’après le taux du nouveau bail le louage dont il a joui au-delà des neuf années c’est-à-dire depuis le 18 prairial an 13, tout comme le coût du toit à dire des experts qu’il n’a pas couvert avec ardoise ainsi qu’il avait été déterminé. ». Le conseil va donc solliciter un nouveau fermier, avec un cahier des charges précis.
« La durée du bail sera de quatre années consécutives qui commenceront le premier décembre 1806 et finiront le trente novembre 1810. Le prix de la ferme sera payé en main du percepteur à vie le vingt neuf septembre de chaque année. »
Les enchères commencent à 200 francs par une proposition de Jean Lassalle, puis Lourteig et Jean-Pierre Bonnemason de Béost, augmentent la somme pour atteindre 950 francs. Finalement « avons adjugé en faveur dudit Jean Lassalle Rague du présent lieu la ferme de la maison Lacaze et pré y attenant, pour l’espace de quatre années, moyennant la somme de neuf cent cinquante francs pour chaque année ». C’est le 11 mai 1807 que le nouveau fermier prendra possession de l’établissement « nous avons reconnu que les portes maîtresses sont en bon état, l’escalier pour monter au premier idem, le premier étage composé d’une cuisine et le tour du feu fermé avec une cloison en planches, en suite deux chambres sur le derrière avec un corridor séparées par des cloisons en planches, le tout en bon état. Les boutets des fenêtres aussi en bon état, une alcôve auprès du feu, l’escalier du second étage ainsi que le plancher en bon état. Le plancher du saloir ainsi que le boutet de la fenêtre avec ses pentures en bon état. Le toit de tout le bâtiment en planches aussi en bon état. Le four à pain également en bon état. Un râtelier existant et un autre a été défait ainsi que les tablettes du saloir ».
Déjà en novembre, à peine six mois après son installation, un état des réparations à faire nous montre que le mobilier était certainement vétuste : « il faut refaire : 4 châlits, 3 portes pour les chambres, 1 armoire avec vaisselier, 1 vaisselier à 5 étages pour y mettre les bouteilles, 1 autre buffet au-dessus de l’évier, 3 bancs pour mettre autour du feu, 1 cabinet à 2 portes avec serrures et 1 tiroir à clef 1 huche pour pétrir, 1 table de cuisine, 4 grandes escabelles, 4 tablettes pour le pain, 2 râteliers, 1 coffre pour la farine et rebâtir le saloir à neuf. Le tout pour 597 francs et 49 centimes ». Alors que l’état des lieux semblait donner une image d’un bâtiment en état, une nouvelle description amène une toute autre vision de l’affaire : « la maison était dans le plus mauvais état, ... il a été obligé d’y faire faire des réparations, ... le saloir des fromages qui est un objet important était détruit... le foin a manqué, ... l’ancien fermier n’a pas laissé de fumier pour engraisser la prairie, (il faut) rebâtir le toit et le couvrir en ardoise la maison n’étant couverte en ce moment qu’avec de mauvaises planches ». Jean Lassalle Rague s’était engagé pour quatre ans, mais il constate qu’il ne pourra pas poursuivre son bail. Il envoie une pétition au Préfet : « ....Cette maison ne produisait à la commune antérieurement à son bail que la somme de 250 francs par an, c’est à la suite d’une surenchère dans laquelle a été mêlé beaucoup d’entêtement, que le prix en a été si exorbitamment élevé, il lui est impossible de pouvoir remplir les engagements qu’il a contracté.... ». Après avis du sous-préfet et du conseil municipal, le préfet arrête : « ...Le bail à ferme de la maison appelée La Caze de Brousset consenti le 27 novembre 1806, en faveur du sieur Lassalle Rague, est résilié à partir du 1er mai prochain.... ».
De nouvelles clauses et conditions vont être proposées par le conseil municipal le 20 mai 1808. « La commune de Laruns afferme pour l’espace de sept années consécutives la maison, jardin et pré y attenant, qu’elle possède .....Attendu que la dite maison n’étant actuellement couverte qu’avec des planches et qu’il est plus avantageux à la commune qu’elle le soit en ardoise, le fermier sera obligé de faire l’avance à compte de l’afferme de la somme de 2124 francs 41 centimes nécessaire pour rebâtir le toit de ladite maison et le couvrir en ardoise, il sera chargé de faire faire les ouvrages et de fournir tous les matériaux et ouvriers qui seront besoin et se conformant au détail estimatif qui en a été dressé par le sieur Barraquet charpentier, le sept du présent mois de mai lesquels ouvrages seront terminés dans le laps de temps deux ans.... Attendu l’éloignement d’autres habitations et l’impossibilité de pouvoir voyager avec des montures pour s’approvisionner pendant l’hiver, à cause de la grande quantité de neige qui en interrompt le passage, le fermier sera tenu d’avoir chez lui le
premier jour du mois d’octobre de chaque année, six hectolitres de vin (environ deux barriques) et trente six doubles décalitres farine de froment (environ 36 mesures anciennes) ».
Nouvel incendie
Au mois de juin (1808), le secteur devient difficile, les bergers sont victimes de vols de troupeaux et de tirs au fusil par les Espagnols. Des représentants du conseil municipal sont envoyés sur place : « nous nous sommes transportés sur le champ à la maison Lacaze Brousset que nous avons trouvé presque vide, le fermier tirant dans ce moment ses derniers meubles, n’osant plus y rester ». Comble de malheur, au début juillet, nouvel incendie par les Espagnols : « il ne reste plus qu’une partie des murailles... il y avait 60 quintaux de foin vieux, des châlits, des armoires et des tables... ». La commune de Laruns mettra du temps à s’en remettre. Il faut attendre 1814 pour que le conseil municipal délibère et décide de « rebâtir Lacaze de Brousset, ... elle servait d’asile aux voyageurs et était de la plus grande utilité pour les pasteurs de toute la vallée ». Un entrepreneur devra faire les avances et en aura la jouissance « un temps déterminé qui lui tiendra lieu de capital ». Un premier devis est dressé par le sieur Grée, maçon qui donne une bonne description de la maison à reconstruire, elle devra : « être bâtie sur les mêmes dimensions et sur le même sol que l’ancienne, les murs auront au fondement 3 pams de largeur et seront construits à chaux et sable, le mortier sera bien battu et composé de deux tiers de sable et un tiers de chaux.
Il sera aussi construit deux appentis à la dite maison, l’un destiné pour un saloir et l’autre pour servir d’écurie, les murs seront construits avec de pareils matériaux que ceux du corps de la maison, il y aura une porte en bois qui communiquera du rez-de-chaussée de la maison au saloir ..
La maison sera munie d’un four à pain et d’une grande cheminée placée au milieu de la cuisine avec quatre manteaux afin qu’on s’y puisse chauffer de tous côtés de la même manière quelle était la précédente. Un évier.
Il sera pratiqué une porte d’entrée et quatre fenêtres à pierre de taille à la pointe du marteau.
La maison composée d’un premier étage et d’un second étage dit premier plancher sera divisée en trois chambres, savoir la cuisine sur le devant et comme le foyer devra être très vaste, l’âtre sera carrelé avec des lavasses et mortier a dix pams en quarré. Les deux autres chambres seront placées sur le derrière et séparées par des cloisons en planches de sapin avec des portes à chaque, munies de pentures, serrures et clés.
Le premier plancher sera construit avec des solives placées à dix pouces de distance et avec des planches de sapin bien jointes. Le plancher supérieur sera construit avec solives de planches de sapin rabotées et languetées.
Le couvert sera construit avec ardoise bien clouée à deux clous à chaque ardoise, et au lieu de latte on les remplacera par des planches à feuille tenant lieu de lambris afin d’empêcher que les grands tourbillons ne laissent pénétrer la neige dans l’intérieur du grenier. Parmi les combles des chevrons qui composeront la toiture il y aura quatre combles d’afferme bien solidement assujettis pour la solidité de la charpente. Il y aura un râtelier à la maison et un autre à l’écurie avec leurs crèches ».
L’affermage par la famille Lassalle-Gassiolle .
Nous le voyons, tout semblait se dérouler convenablement, mais pourtant, rien de concret sur le terrain.
En avril 1817, la sous-préfecture d’Oloron approuve la délibération de la commune acceptant les plans, devis et estimatifs du sieur Poey-Camy, architecte d’Oloron.
C’est une ordonnance du Roi, signée à Paris le 11 février 1818 qui autorise le maire de Laruns à procéder à l’adjudication auprès d’entrepreneurs qui justifieront leurs moralité et solvabilité.
Le 23 juin, deux entrepreneurs soumissionnent : Bernard Hastoy de Menditte au pays basque mais résidant à Laruns qui s’engage contre 18 années d’affermage.
Jean Lassalle-Gassiolle propose dix-sept ans et demi. C’est ce dernier qui est choisi. Le voilà donc fermier depuis le 15 juillet 1818 pour une durée de dix-sept ans et demi, c’est à dire jusqu’à fin 1835. En fait le bâtiment ne sera opérationnel qu’à la fin de 1820.
En 1829, le fermier envoie une pétition pour un prolongement de la durée d’affermage. Les raisons invoquées sont qu’il se propose de rajouter une grange au bâtiment existant, ce qui donnera une plus grande valeur à la propriété communale ; il a subi pendant 14 mois la présence d’un cordon sanitaire et il n’a pu jouir pendant cette période de son bâtiment, il a rendu service pendant les hivers à plusieurs voyageurs qui faute de secours auraient été engloutis dans la neige.
Le conseil municipal répond favorablement à sa pétition en lui accordant 5 années supplémentaires, donc jusqu’à fin 1840. Cet agrandissement d’une grange au bâtiment existant va se faire, si l’on en croit une lithographie de E. Vignancour datée de 1841 et publiée sur l’« Album Pyrénéen ». On voit au nord du bâtiment, sur le saloir, un étage (ou deux) supplémentaire (s). Cet espace créé est habitable puisque il est pourvu d’une cheminée.
Tout semble aller pour le mieux pendant cette période. Ainsi, quand le Pyrénéiste Chausenque y passe en 1837, il note : « Cette auberge de montagne appartenant à Laruns est plus propre et mieux pourvue que je m attendais. Au lieu de lits de camps ordinaires, on y trouve de vrais lits, et les provisions, comme les produits de la laiterie, y sont abondants, particulièrement le Breuil (pour greuil), cet espèce de fromage de brebis porté chaque jour des coueïlas voisins, onctueux et nourrissant qui, au besoin, pourrait servir d’aliment unique....
A deux heures de Gabas, à trois de Salient, il n’est point d’habitation intermédiaire ». Quelque temps après, Alphonse Moreau relate un passage à la case de Brousset où son appréciation sur le fromage qu’il y déguste n’est pas merveilleuse : « Nous y déjeunerons avec les provisions dont nous aurons eu soin de nous munir. Pour
le dessert, nous y trouverons certain fromage, et qui n’est point à dédaigner ; c ’est le moins mauvais que j’aie mangé dans la montagne ».
Sur un journal nous pouvons lire : « Ce petit établissement n’est pas désagréable en été, soit par l’animation que donnent à cet endroit les pasteurs qui s’y réunissent à chaque instant, soit par les voyageurs ou les curieux qui passent sans cesse. C’est ordinairement des débris de bois que les avalanches déposent dans les environs, que l’on fait la provision de l’année... La cheminée de la cuisine est remarquable par sa forme ; son intérieur est un grand carré, où peuvent s’asseoir une vingtaine d’individus, sur des bancs disposés de chaque côté ».
Dans un récit de voyage, un Anglais écrit : « C’est une maison grande et spacieuse, elle accueille plusieurs groupes de marchands avec bagages... on en voit jusqu’à 150 bloqués à cause d’orages ; ... Trois frères s’occupent de cette case ou hospice’ ». Il parle des frères Lassalle-Gassiolle. Malheureusement, l’un d’eux, le fermier en titre, décède. Son frère Pierre prend sa suite, mais dans des conditions difficiles.
La municipalité de Laruns a changé, le contrat d’affermage avait été signé par Mr de Livron, maire à cette époque, puis il y eut Mr Salanave et Mr Pébéré. Quand le conseil municipal nouvellement élu, avec à sa tête Mr Largué, lui demande des états de dépenses, il répond «.Je ne peux remettre que des états de dépenses que j’ai trouvés parmi les papiers de feu mon frère ; il est pénible pour moi, Messieurs, d’avoir à vous rappeler que j’ai eu le malheur de perdre ce frère, il y a sept ans dans un état complet de démence. Il était mon aîné, maître absolu, et il sera aisé à ceux qui l’ont connu de croire qu’il a pu égarer des papiers dont il n’appréciait point l’importance et qui aujourd’hui me serai(en)t si nécessaire(s) ».
Nous sommes en 1843, et depuis fin 1840, il n’a plus de contrat d’affermage, la Caze de Brousset est donc occupée sans titre régulier. Il va s’en suivre entre la commune et Pierre Lassalle-Gassiolle un important échange de courrier où chaque partie donne sa version des faits.
Ce dernier estime que quand son frère prit l’engagement de reconstruire le bâtiment, le plan ne comportait que la figure ce celui-ci, sans dimensions ! A moitié construit, les 4635 francs du devis étaient déjà employés L’architecte n’avait pas non plus tenu compte de l’éloignement du chantier, ni de l’obligation de nourrir les ouvriers loin de leur famille, ni de la neige pendant six mois de l’année. Autre difficulté pour une vérification, personne ne savait où se trouvaient les plans, l’architecte était lui aussi décédé. Il rappelle qu’un cordon sanitaire fut établi du 24 septembre 1821 au 1’ octobre 1822. Enfin les troupes espagnoles stationnées sur les hauteurs en 1830 leur firent courir des pertes et des dangers.
Le fermier, Pierre Lassalle-Gassiolle profite de ces échanges pour faire quelques propositions. « II m’est revenu que quelques voyageurs d’une classe aisée auraient désiré trouver à La Caze des logements tout autres, (destinés) primitivement à de simples marchands de mules et de cochons et à de pauvres pasteurs. Si vous agréez ma proposition j ’assumerai sur moi tous les frais nécessaires pour contenter ces Messieurs.
On dit encore qu’un fermier de La Caze peut abuser de sa position en pressurisant les voyageurs. Je me soumettrai au tarif que l’autorité locale pourrait rédiger pour le pain, la viande, le vin, le fromage, les truites, le foin, le coucher, etc.
Je ne terminerai pas, Messieurs, sans vous dire que, outre les droits que je crois avoir à être remboursé soit par compensation ou en numéraire des avances que j’ai faites pour travaux supplémentaires qui donnent aujourd’hui à La Caze une valeur bien différente de celle qu’elle aurait eu si l’on s’en était tenu à l’exécution du plan primitif.
Le conseil municipal va agréer ces propositions : « Considérant que les Gassiolle ont toujours joui d’une très bonne réputation, qu’il n’a jamais été porté à l’autorité locale nulle plainte contre eux et qu’il est au contraire de fait que depuis qu’ils sont établis à La Caze, on n’a eu à regretter la perte de nul voyageur auxquels ils ont toujours donné avec zèle des secours dans les moments où ils leur étaient indispensables ».
Par rapport aux dépenses engagées, il lui laisse la ferme de La Caze jusqu’au 10 mai 1844. Le conseil municipal décide aussi que : « dans le cas où il voudrait abuser de sa position exceptionnelle (il) ne puisse pressurer les voyageurs inconvénient auquel on déviera en tarifiant annuellement le prix du pain, viande, vin et fourrage, tarif dont le premier arrêté sera annexé au cahier des charges affiché continuellement sous la responsabilité du fermier dans la principale salle de la Caze, de manière à ce que les voyageurs puissent en prendre connaissance et recourir au besoin auprès de l’autorité locale. L’architecte qui sera chargé d’aller constater l’état actuel de La Caze Brousset, pourrait aujourd’hui qu’il passe dans cette localité des voyageurs d’une classe aisée prendre des notes : 1. Pour y approprier au moins une chambre devenue indispensable.
2. (marqué puis barré) pour la construction d’un petit moulin destiné à moudre du maïs ».
Nous pouvons supposer que la chanson intitulée « Le trente mars » date de cette époque. Un couplet nous renseigne sur les pratiques hospitalières du gérant :
« A Brousset devons arriver, jusqu’à cette Caze, où les gens sont forts considérés, s’ils savent bien payer ! »
Malgré cela, l’affaire se termine donc bien, et en 1844, la confiance lui est accordée à
nouveau puisque il poursuit son affermage avec un nouveau bail de 9 années.
La Caze de Brousset : poste de secours avancé !
Il reçu d’ailleurs pour cela, une publicité médiatique, à travers un article du journal régional « Le Mémorial des Pyrénées ». Sous la signature d’un certain Fabre, on peut lire :
« Il serait trop long d’énumérer les traits de dévouement et de témérité de Pierre Lassalle-Gassiolle, chef de famille ; je dirai seulement que depuis 1818 jusqu’à ce jour (1843), il a sauvé, au risque de son existence, plus de 30 personnes dont la vie se trouvait dans le plus imminent danger, notamment les sieurs Braydius d’Izeste, Borde de Sévignac, Cazajus de Louvie-de-Bas, Darnaud et Hayet préposés des douanes.
Jamais les actes de courage et de vertu ne sont prônés trop haut, non jamais trop de publicité ne peut leur être donnée.
Honneur ! à ces hommes qui se dévouent pour leurs semblables ; ils seront toujours honorés sur la terre et récompensés par Dieu !
Honneur aussi au pays qui les a vu naître ! »
Comme Pierre Lassalle-Gassiolle l’avait proposé lui-même dans les moments difficiles il « s’obligera à approprier un des appartements de La Caze à l’usage des voyageurs de distinction qui pourraient s ’y arrêter, c’est-à-dire qu’il le garnira de tous les meubles nécessaires qui lui seront indiqués par M Cazaux adjoint au maire de Laruns et y réunira les commodités convenables pour que chacun puisse y trouver une hospitalité en rapport avec ses habitudes. ».
Il s’engageait aussi à verser 250 francs par trimestre, soit 1 000 francs par an au percepteur-receveur durant les neuf années, c’est-à-dire jusqu’en 1853. Il bénéficiera de quelques réductions pour diverses raisons. Ainsi en 1845 : « une forte avalanche s’abattit sur la maison La Caze ce printemps dernier qui lui causa de forts dommages tant dans la maison qu’à la prairie », résulta : 300 francs de moins. En 1847, la Caze est frappée par les intempéries :
« 300 francs est allouée au dit Lassalle Gassiolle à titre d’une indemnité pour lui tenir lieu des grosses réparations à faire tant à la maison La Caze qu’au canal de prise d’eau pour l’irrigation de la prairie ». En 1851, 318 francs lui sont accordés pour payer les réparations urgentes qu’il du faire en urgence.
En septembre 1852, le montant de l’affermage est estimé trop élevé par le fermier Pierre Lassalle-Gassiolle. Il annonce son intention de quitter les immeubles affermés le 1er janvier 1853. Pierre Lassalle-Gassiolle met donc un terme à un affermage de La Caze de Brousset commencé en 1818 par son frère Jean, soit 36 ans tenu par la même famille.
Le dernier fermier.
Un nouveau bail est proposé pour 6 ans, c’est Pierre Loumiet qui l’obtient. Le montant du loyer n’est plus que de 600 francs par an.
Dès son entrée en fonction, le fermier va se préoccuper des cabanes des pasteurs de Laruns. «Il est d’usage immémorial que la commune fournisse en payant au fermier de La Caze de Brousset, les planches nécessaires pour la construction des cabanes destinées aux pasteurs qui font pacager leur bétail sur les montagnes de Laruns et qui font saler leurs fromages dans les bâtiments de La Caze de Brousset.
Il a été constaté que les cabanes existantes sont dans un état absolu de délabrement, l’intérêt de la commune tout comme dans celui du fermier il est urgent que les cabanes soient réparées, afin que les pasteurs continuent à se servir du saloir du fermier, qui trouve dans ce genre d’industrie la principale ressource pour payer le prix de la ferme à la commune ». Dix sapins sont nécessaires ; ces arbres seront coupés à Gioulet, quartier proche des lieux où les cabanes seront reconstruites.
En juin de la même année (1853), l’administration préfectorale demande à la commune de Laruns, une participation pour l’ouverture d’un chemin de moyenne communication à partir de Gabas jusqu’à La Caze Brousset. La commune s’engage à concéder gratuitement le terrain nécessaire au tracé qui sera établi sur la rive gauche du gave, elle fournira aussi « gratuitement le boisage qui sera jugé nécessaire pour la construction des ponceaux qui devront être établis sur le dit chemin ».
De nouveaux travaux sont entrepris au bâtiment par Casanave : un canal est construit, des déblais sont enlevés derrière le mur du chai pour empêcher l’humidité, toutes les gouttières sont réparées, des chevrons sont remplacés à l’appentis qui sera couvert d’ardoises ainsi que les latrines.
La cheminée de la cuisine est refaite, des portes et fenêtres sont faites avec leurs châssis (certaines ont des vitres) ainsi que des contrevents et des serrures adéquates. Nous pouvons juger de l’importance de ces travaux (604 francs), dont le montant équivaut au prix de l’affermage annuel.
Malheureusement, la nuit du 27 au 28 juillet 1858, un troisième incendie réduit en cendres le bâtiment. Les causes du sinistre resteront inconnues, mais il est établi néanmoins, que le fermier, n’a aucun tort à se reprocher.
La compagnie générale contre l’incendie versera : 6820,73 francs à la commune. Avant la fin de l’année le conseil municipal dit « qu’il y a urgence à ce que ce bâtiment soit reconstruit ». On prévoit un devis et on cherche en même temps un industriel qui se chargerait de la construction contre un bail à ferme à long terme.
En attendant, on accorde à Pierre Lassalle Gassiolle, l’autorisation de construire « une baraque qui servirait d’abri aux voyageurs surtout pendant la saison rigoureuse ». Il devra la céder sitôt qu’un entrepreneur sera désigné pour la reconstruction. Tout se complique pour la reconstruction de La Caze, sur les 68 m3 de bois demandés, l’administration n’en accorde que 13. Cette réduction du cubage nécessite un devis supplémentaire pour faire face à l’augmentation de la dépense.
Aussi, en 1860, l’absence de bâtiment se fait lourdement ressentir : « plusieurs accidents ayant occasionné la mort, ont été constatés ;
... c’est le seul passage du commerce de la vallée d’Ossau vers l ’Espagne ; le commerce qui est considérable s’est beaucoup ralenti ;
... c’est même une œuvre d’humanité, de reconstruire La Case de Brousset au plus tôt ; les plans et devis présentés jusqu’aujourd’hui, n’ont pas été approuvés parce qu’ils ne remplissaient pas le but qu’on se propose ;
... rien de ce qui existe aujourd’hui ne peut servir ; qu’il est urgent de faire faire de nouveaux plans et devis ;
... dans un pays aussi éloigné et dans une altitude aussi élevée, il faut se pourvoir aussitôt que le printemps reviendra afin de terminer les travaux avant l’époque rigoureuse de l’hiver ;
... à proximité de la construction à faire, il se trouve de la pierre à chaux, une carrière d’ardoise, le bois et les matériaux pour la reconstruction ;
Le conseil municipal est d’avis à l’unanimité ;
De demander à Monsieur le Préfet, d’autoriser la commune dès le printemps :
- 1 à construire un four à chaux.
- 2 à ouvrir une carrière d’ardoise, extraire des pierres et à demander à l’administration forestière de marquer les bois portés sur le devis pour la reconstruction.
- 3 à mettre en adjudication les divers travaux avant la reconstruction de la Case, si les plans et devis ne sont pas terminés et approuvés au printemps, afin que l’entrepreneur qui s’engagerait à rebâtir avant l’hiver prochain la Case de Brousset, n’éprouve aucun retard indépendant de sa volonté ».
Oui mais, plus rien ne sera construit ! La Caze de Brousset est morte la nuit du 27 au 28 juillet 1858 ; plus d’auberge, plus de saloir.
Quand le Pyrénéiste Russell décrit le secteur en 1866, il note :
« Repassant sur le rive gauche vous trouverez les ruines de la Case à Broussette ». Dorénavant, les bergers affineront leurs fromages à Gabas, lieu habité le plus proche.
Les temps changent. Dans les années 1880, c’est encore par un sentier muletier de 4 kilomètres que l’on rejoint l’Espagne depuis le pont de Louradé.
En 1897, Louis Barthou, ministre de l’intérieur, en visite à Laruns, déclara que cela faisait huit ans qu’il travaillait pour la réalisation de la route depuis le pont de Louradé jusqu’au col du Pourtalet et il était heureux que ses efforts soient en passe d’aboutir.
En novembre 1901, la route était terminée. La nécessité d’une auberge à Brousset devenait moins évidente.
Toutefois, les pierres de ces murs en ruines serviront encore pour les bergers du XXe siècle. Certainement trop nombreux au cujala de « Las Taillades » situé à proximité, certains d’entre eux vont aménager sommairement une petite cabane pour leur séjour estival. Les murs sont encore visibles, les dimensions intérieures sont de 3,10 m x 2,5 m. Une niche dans le mur nord permettait de poser quelques objets indispensables. Dans les dernières années où elle fut occupée, les bergers y amenèrent deux lits métalliques, mais certains se souviennent encore qu’ils couchaient sur un lit de branchages et de fougères.
Parmi les derniers à y venir, on peut citer : « Alexis Mongaugé-Vignes, Jean-Baptiste Laborde-Bouchet, son fils Roger, Jean-Simon Cauhapé qui s’est marqué sur une lavasse en 1960. Medevielle Simon, si l’on en croit une inscription sur une autre lavasse à l’angle nord-est. »
Voilà résumé deux siècles d’histoire de l’auberge de La Caze de Brousset, deux siècles qui font revivre les pierres, les fermiers, les voyageurs, les batailles et les incendies de ce lieu presque oublié.
Sources
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