La vallée d'Ossau :                       
                         Culture, et Mémoire.



COMPLAINTE DU JUIF ERRANT
 1

Est-il rien sur la terre
Qui soit plus surprenant
Que la grande misère
Du pauvre juif errant
Que son sort malheureux
Paraît triste et fâcheux !

Un jour, près de la ville
De Bruxelles, en Brabant,
Des bourgeois fort dociles
L'accostèrent en passant ;
Jamais ils n'avaient vu
Un homme si barbu.

Son habit très difforme
Était mal arrangé,
Faisait croire que cet homme
Était un étranger,
Portant en ouvrier
Un simple tablier.

Un lui dit: « Bonjour, maître,
De grâce accordez-nous
La satisfaction d'être
Un moment avec nous :
Ne nous refusez pas.

Monsieur, je vous proteste
Que j'ai bien du malheur
Jamais je ne m'arrête,
Ni ici, ni ailleurs.
Par beau ou mauvais temps,
Je marche constamment.

Entrez dans cette auberge,
Vénérable vieillard,
D'un pot de bière fraiche
Vous prendrez votre part,
Nous vous régalerons
Du mieux que nous pourrons.
J'accepterai de boire

Deux coups avec vous ;
Mais je ne puis m'asseoir,
Je dois rester debout :
Je suis en vérité,
Confus de vos bontés.

La vieillesse me gêne,
J'ai plus de dix-huit cents ans.
Chose sûre et certaine,
Je passe de douze ans :
J'avais douze ans passés
Quand Jésus-Christ est né

N'êtes-vous point cet homme
De qui l'on parle tant,
Que l'écriture nomme
Isaac, Juif errant ?
De grâce, dites-nous.
Si c'est sûrement vous ?

Isaac Leden
Pour nom me fut donné;
Né à Jérusalem,
Ville bien renommée;
Oui c'est moi, mes enfants,
Qui suis le Juif errant. »


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