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Est-il rien sur la terre Qui soit plus surprenant Que la grande misère Du pauvre juif errant Que son sort malheureux Paraît triste et fâcheux !
Un jour, près de la ville De Bruxelles, en Brabant, Des bourgeois fort dociles L'accostèrent en passant ; Jamais ils n'avaient vu Un homme si barbu.
Son habit très difforme Était mal arrangé, Faisait croire que cet homme Était un étranger, Portant en ouvrier Un simple tablier.
Un lui dit: « Bonjour, maître, De grâce accordez-nous La satisfaction d'être Un moment avec nous : Ne nous refusez pas.
Monsieur, je vous proteste Que j'ai bien du malheur Jamais je ne m'arrête, Ni ici, ni ailleurs. Par beau ou mauvais temps,
Je marche constamment.
Entrez dans cette auberge, Vénérable vieillard, D'un pot de bière fraiche Vous prendrez votre part, Nous vous régalerons
Du mieux que nous pourrons. J'accepterai de boire
Deux coups avec vous ; Mais je ne puis m'asseoir, Je dois rester debout : Je suis en vérité, Confus de vos bontés.
La vieillesse me gêne, J'ai plus de dix-huit cents ans. Chose sûre et certaine, Je passe de douze ans : J'avais douze ans passés Quand Jésus-Christ est né
N'êtes-vous point cet homme De qui l'on parle tant, Que l'écriture nomme Isaac, Juif errant ? De grâce, dites-nous.
Si c'est sûrement vous ?
Isaac Leden Pour nom me fut donné; Né à Jérusalem, Ville bien renommée; Oui c'est moi, mes enfants, Qui suis le Juif errant. »
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