La vallée d'Ossau :                       
                         Culture, et Mémoire.



J'AIME LE SON DU COR
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J'aime le son du cor, le soir au fond des bois
Toi qui chante les pleurs, de la biche aux abois
Ou l’adieu du chasseur, que l’écho faible accueille
Et que le vent du nord, porte de feuille en feuille. (bis)

Que de fois seul dans l’ombre, à minuit demeuré
J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré
Car je croyais ouïr, de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort, des paladins antiques. (bis)

Ô montagnes d’azur ô ! pays adorés
Rocs de la Phrazona cirque du Marboré
Cascades qui tombez des neiges entraînées
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées. (bis)

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons
Dont le front est de glace, et le pied de gazon
C’est là qu’il faut s’asseoir, c’est là qu’il faut entendre
Le son lointain d’un cor, mélancolique et tendre. (bis)

Souvent un voyageur, lorsque l’air est sans bruits
De cette voix d’airain fait retentir la nuit
A son chant cadencé, autour de lui se mêle
L’harmonieux grelot d’un jeune agneau qui bêle. (bis)

Une biche attentive, au lieu de se cacher
Se suspend immobile au sommet d’un rocher
Et la cascade unit dans une chute immense
Son éternelle plainte au chant de la romance.

Ame des chevaliers, revenez-vous encore
Est-ce vous qui chantez, avec la voix du cor
Roncevaux, Roncevaux dans ta sombre vallée
L’âme du grand Roland, n’est donc pas consolée.

Tous les preux étaient morts, mais aucun n’avaient fuit
Il reste seul debout, Olivier près de lui
L’Afrique sur les monts l’entoure et tremble encore
Roland tu vas mourir : rends-toi criait le maure.

Tous tes pairs sont couchés, dans le lit du torrent
Il rugit comme un tigre et dit : Si je me rends
Africain ce sera lorsque les Pyrénées
Sur l’onde avec leurs corps roulerons entraînés.

Rends-toi donc répondit ou meurs car les voilà
Et du plus haut des monts, un grand rocher roula
Il bondit, il roula jusqu’au font de l’abîme
Et de ces pins dans l’onde, il vient briser la cime.

Merci cria Roland : tu mas fait un chemin
Et jusqu’au pied des monts le roulant d’une main
Sur le roc affermi, comme un géant s’élance
Et prête à fuir, l’armée à ce seul pas balance.

Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux
Descendaient la montagne et se parlaient entre eux.
A l'horizon déjà, par leurs eaux signalées,
De Luz et d'Argelès se montraient les vallées.

L'armée applaudissait. Le luth du troubadour
S'accordait pour chanter les saules de l'Adour ;
Le vin français coulait dans la coupe étrangère ;
Le soldat, en riant, parlait à la bergère.

Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi.
Assis nonchalamment sur un noir palefroi
Qui marchait revêtu de housses violettes,
Turpin disait, tenant les saintes amulettes :

"Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ;
"Suspendez votre marche; il ne faut tenter Dieu.
"Par monsieur saint Denis, certes ce sont des âmes
"Qui passent dans les airs sur ces vapeurs de flammes.

"Deux éclairs ont relui, puis deux autres encore."
Ici l'on entendit le son lointain du Cor.
L’Empereur étonné, se jetant en arrière,
Suspend du destrier la marche aventurière.

"Entendez-vous ! dit-il. - Oui, ce sont des pasteurs
"Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs,
"Répondit l'archevêque, ou la voix étouffée
"Du nain vert Obéron qui parle avec sa Fée."

Et l'Empereur poursuit ; mais son front soucieux
Est plus sombre et plus noir que l'orage des cieux.
Il craint la trahison, et, tandis qu'il y songe,
Le Cor éclate et meurt, renaît et se prolonge.
"Malheur ! c'est mon neveu ! malheur! car si Roland
"Appelle à son secours, ce doit être en mourant.
"Arrière, chevaliers, repassons la montagne !
"Tremble encore sous nos pieds, sol trompeur de l'Espagne !

Sur le plus haut des monts s'arrêtent les chevaux ;
L'écume les blanchit ; sous leurs pieds, Roncevaux
Des feux mourants du jour à peine se colore.
A l'horizon lointain fuit l'étendard du More.

"Turpin, n'as-tu rien vu dans le fond du torrent ?
"J'y vois deux chevaliers : l'un mort, l'autre expirant
"Tous deux sont écrasés sous une roche noire ;
"Le plus fort, dans sa main, élève un Cor d'ivoire,
"Son âme en s'exhalant nous appela deux fois."

Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois !


puce    Sources

Alfred de VIGNY (1797-1863)
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