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Moun dous amic s’en ba party,
S'en ba tà La Rouchelle ; Qué herèy you soulette acy ! Oh ! milice cruelle ! Qué herèy you ? qué’m baü moury
Louein dé moun cô fidèle.
Beütat, esprit, lou mé pastou B’en abè d’impourtance ;
Bère tailhe et boune fayçou Quoan sé targabe en danse, Deüs beryès eth qu’ère la flou, N’abè pariou en France.
Lou maty qui aü sort cadou, Eth mé disè : « béroye, Dé serbi lou Rey moun Seignou
B’en aüry la grand joye, Si n’ère la toue doulou
Qui’m hè moury de roye.»
En m’embrassan eth mé digou, Lous ouelhs tous plés dé larmes : Soubién-té dé toun serbidou Qui ba pourta las armes, Enta merita toun amou. Diü ! las tristés alarmes !
Lou plus aymable deüs galans You l’èy pergut, praübette ; Qué baü passa mouns plus bèts ans Chens plasés ni amourette. Adichat flous, adiü ribans, You demouri soulette.
Lous ciseüs qué l’amic m’a dats Et la bague daürade, Dessus moun sé seran plaçats En aqueste journade,
De mouns plous séran arrousats
Dinque qu'em sie sécade.
Gran Diü qui bédét moun turmen,
Qui counéchét ma peine, Hèt-mé rébédé soulamen L’oubyèt qui’m encadène ;
Après, sat béye, prountemen Hèt moury Matalène.
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Mon doux ami va partir, Il va à La Rochelle; Que ferai-je seule ici ! Oh ! milice cruelle ! Que ferai-je ? Je vais mourir «Loin de mon coeur fidèle.
Beauté, esprit, mon pasteur En avait infiniment ; Belle taille et bonne façon. Quand il se pavanait en danse, Des bergers il était la fleur, Il n'avait pas son pareil en France.
Le matin où il tomba au sort,
Il me disait : « belle, De servir le Roi mon Seigneur J'aurais grande joie, Si ce n'était ta douleur Qui me fait mourir de désespoir. »
En m'embrassant il me dit, Les yeux tout pleins de larmes : Souviens-toi de ton serviteur Qui va porter les armes, Pour mériter ton amour. Dieu ! les tristes alarmes !
Le plus aimable des amans Je l’ai perdu, malheureuse ; Je vais passer mes plus belles années Sans plaisirs ni amour. Adieu fleurs, adieu rubans, Je demeure seule.
Les ciseaux que l’ami m‘a donnés Et la bague d'or, Sur mon sein seront placés Dans cette journée, Et de mes pleurs seront arrosés Jusqu'à ce que j'aie séché de douleur.
Grand Dieu qui voyez mon tourment, Qui connaissez ma peine, Faites-moi revoir seulement L’objet qui m‘enchaîne ; Ensuite, peu m’importe, promptement
Faites mourir Madelaine.
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