La vallée d'Ossau :             
                Culture et Mémoire




PHINE HÉMNE d'AÙSSAÙ



LA fin de novembre, Peyrot Casadebat, un camarade de régiment de Firmin qui habitait le village voisin et venait de rentrer du front, se présenta chez Phine.
     Il était de la même classe que le cantonnier et ils avaient été mobilisés le même jour.
    Ensemble ils avaient voyagé de Pau à Bordeaux.
    Ensemble ils avaient été conduits au même dépôt où ils avaient vécu la même vie.
    Ensemble ils étaient partis pour la gare régulatrice où, côte à côte, ils avaient été employés aux mêmes besognes.
    Avec Firmin encore, celui-ci rentré à peine depuis quelques heures de sa permission, ils avaient été envoyés en renfort. Ils étaient montés dans le même compartiment, mangeant fraternellement le contenu des deux musettes du permissionnaire. Au matin on les avait fait descendre à Bar-le-Duc où des camions
les attendaient pour les répartir tout le long de la route qui montait à Verdun : la « Voie sacrée ».
    Le trajet avait été interminable : les chiffres du fourrier qui accompagnait le convoi ne concordaient pas avec les chiffres des fourriers qui, à chaque secteur de la route, attendaient des renforts ; ils se disputaient les hommes comme ils se seraient disputés des sacs de farine ou des caisses de cartouches. Au soir seulement le dernier camion où se trouvait Firmin et les camarades s'était arrêté à quelques kilomètres de Verdun ; un dernier fourrier, après une dernière dispute, avait pris charge de ce reliquat d'hommes qui ne correspondait pas à son compte puis il les avait conduits à leur gîte, la cave d'une maison démolie par les obus. Ils avaient mangé de la soupe froide et dormi dans la boue.
    Avant l'aube, on leur avait distribué des pioches, des pelles, des râteaux, des masques à gaz, un bidon de vin et une boule de pain par homme, un repas froid pour le milieu de la journée.
    On ne les avait pas armés de fusils ni de carabines, ces articles ne figurant pas dans les nomenclatures du Petit et du Grand Equipement à livrer aux soldats des unités non combattantes.
    Le lieutenant leur avait expliqué la besogne qui était simple : il n'y avait qu'à entretenir la route, ranger sur les bas côtés les cailloux et la terre qu'apporteraient les camions, les jeter sur la chaussée dès qu'un affaissement ou un trou se produirait, pousser au fossé les voitures tombant en panne ou accidentées. Avant tout, il fallait maintenir, coûte que coûte, le passage libre pour les camions montant en renfort les hommes et le matériel.
    Ils partirent, contents de cette besogne, simple, Firmin surtout, heureux de retrouver son métier. En arrivant, ils déchantèrent. Plus de cinquante automobiles de toutes marques et de tous usages, camions, ambulances, tracteurs, tanks, voitures de tourisme jonchaient les fossés et les champs environnants ; quelques-unes pleines de rouille devaient y être depuis des mois, certaines, au contraire, semblaient avoir été abandonnées la veille. Le sergent qui attendait la corvée les avertit : c'était un mauvais coin, la bifurcation des deux routes de Bar-le-Duc et de Châlons avant Verdun.
    Tout ce qui montait à Verdun passait là et les Boches qui le savaient
    — il n'y avait qu'à lire la carte
    — marmitaient copieusement ce nœud de communications.
    La consigne était de continuer la besogne quoiqu'il arrivât sans essayer de se protéger en s'écartant à droite ou à gauche pendant les bombardements.
    L'ennemi usait surtout de tirs de harcèlement : un obus isolé tombait, puis plus rien pendant une demi-heure ; tout d'un coup, toutes les trente secondes, par rafales de cinq, arrivaient d'énormes marmites, puis, après une accalmie de 5 minutes ou de 2 heures, cela recommençait. Il y avait aussi les raids d'avions avec des appareils venant soit directement et tout exprès, du nord-est, au-dessus de la route soit, par accident, du Sud ou de l'Est quand n'ayant pu remplir leur mission sur l'arrière, ils utilisaient leurs dernières bombes en les déversant sur un objectif quelconque avant de rentrer dans leurs lignes.
    Etant donné la précision très approximative de ces tirs à très longue portée ou par avion, il n'y avait pas plus de chance d'être tué au centre du carrefour que dans un cercle de cent ou deux cents mètres de rayon. Au moment des grandes attaques le bombardement s'intensifiait et ce terrain de quelques hectares était aussi dangereux qu'une tranchée de première ligne ; les hommes y disparaissaient avec les
cailloux dans les trous des bombes et des obus.
    Heureusement, depuis une huitaine de jours, tout était calme.
    Ils s'étaient mis au travail, la gorge serrée d'abord, puis, peu à peu accoutumés. Une escadrille ennemie les survola : des gouttes de sueur leur perlèrent sur le front, mais l'escadrille s'éloigna semblant ne pas les avoir vus.
    Une autre passa encore et, de même, les dédaigna. Une troisième pointa à l'horizon. Ils ne levèrent même pas la tête, tout à leur besogne.
    Du premier avion cependant, s'était détaché un point noir qui grossissait. Un sifflement. Une gerbe de flammes. La bombe était tombée au milieu de l'escouade, pulvérisant tous les hommes.
     Si Peyrot n'avait pas été tué, c'est parce que, le manche de sa pelle venant de se briser, il était allé en chercher une autre dans le champ voisin.
    Tandis que, horrifié, il regardait ce spectacle et que les brancardiers accouraient, une rafale d'obus asphyxiants était tombée répandant des fumées vertes et jaunes. Peyrot qui, gêné dans son travail par le masque, l'avait enlevé, avait senti une brûlure dans la gorge et les poumons.
    Il avait couru droit devant lui tant qu'il pouvait et était tombé en travers de
la chaussée.
    Le conducteur du premier camion qui était passé après dégagement du carrefour
s'était arrêté pour tirer au fossé cet obstacle.
    Remarquant que l'homme respirait, il l'avait chargé dans sa voiture et transporté à l'hôpital à Bar-le-Duc. Au bout de quelques jours l'Hôpital l'avait évacué sur une formation sanitaire, spécialisée pour les gazés pulmonaires, à Arcachon. Sa bronchite ne guérissant pas malgré le climat et les soins, on l'avait conservé là jusqu'à l'armistice.
    Quand les équipes de secours avaient enfin pu arriver, il ne restait plus des territoriaux de corvée que des débris éparpillés, informes, qu'on ne pouvait identifier ni même dénombrer. Personne n'étant rentré le soir on avait porté comme morts les huit soldats de l'escouade et on avait réparti les restes, ramenés dans une toile de tente, dans huit cercueils en complétant avec de la terre pour faire le poids.
    Peyrot ayant disparu au même moment que les autres avait été considéré comme mort et on l'avait enterré comme les autres.
    Sauf ce dernier incident qu'il ignorait, le soldat avait raconté son histoire sans phrase, sans commentaire, sans plainte, puis il avait ajouté quelques mots sur lui. Il s'excusait de ne pas être venu plus tôt donner ces nouvelles, mais lors de sa dernière permission  — la seule qu'il avait eue depuis la mort de Firmin — sa femme venait de mourir. Son fils unique avait été peu de temps après tué dans la Somme.
    Comme il n'y avait pas de parent proche, il avait fallu en hâte vendre le bétail et les récoltes.
     Quand il était rentré de la guerre, il avait trouvé la maison, les écuries et les greniers vides. Il allait remettre tout cela en état, mais il n'avait plus les forces d'autrefois ; une toux continuelle le harcelait.
    Phine raconta à son tour l'incendie de l'auberge du Portalet. Il y avait eu du malheur pour tout le monde pendant cette guerre maudite.
    Un long silence avait suivi.
    Honnêtement, Phine l'invita à dîner et tailla la soupe. Devant le feu clair, il se chauffa. De temps en temps l'un ou l'autre prononçait une phrase. L'autre, au bout d'un moment, répondait. Ils s'attablèrent. Après la soupe, elle servit une omelette avec des rondelles de saucisson. De l'armoire, elle sortit un fromage de brebis et des pommes.
    Après le dîner, malgré la toux qui, par moment, le secouait, il alluma une pipe. Phine mit des chataîgnes dans une poële et, sur la table, une bouteille de vin blanc qu'elle remplaça quand elle fut vide. Ils burent.
    Dehors la pluie faisait rage. Après le vin blanc, elle offrit le café et plaça devant lui la bouteille d'armagnac. Devant la cheminée, il s'engourdissait dans un doux bien-être, sans penser à rien. Elle, les yeux fixés sur la flamme, songeait à ce qu'il lui avait dit de la mort de Firmin. Toute idée devait, pour entrer dans son esprit, se traduire par une image matérielle : son père mort, c'était un cadavre sur un lit, un enterrement, une fosse ouverte dans laquelle on descend le cercueil avec des cordes ; c'était, au cimetière, une tombe que la famille entretient et devant laquelle on va à la sortie de la messe. Mais Firmin ? Ainsi non seulement il n'y avait pas de place pour lui au cimetière du village, mais encore il avait disparu subitement dans un éclatement comme ce petit ballon que le Bazar Terré, à Pau, lui avait donné un jour où elle y était allée avec sa nièce.
    Une piqûre d'épingle avait fait éclater le ballon et la gamine n'ayant plus au bout de sa ficelle qu'une baudruche avait pleuré. Encore, de Firmin, ne restait-il même pas la baudruche. Il avait disparu intégralement, instantanément.
    Ce n'était pas une mort, une vraie mort. Pour Phine, c'était un peu comme s'il n'avait jamais existé.
    La pluie faisait rage de plus en plus. De plus en plus ils s'assoupissaient. Sans que rien fut convenu entre eux, sans qu'ils aient échangé une parole de demande ou d'acceptation, il resta.
    Quand Phine qui avait dormi tout d'un trait et sans un rêve — elle rêvait rarement — se réveilla, elle fut toute étonnée de trouver un homme dans son lit.     Discrètement elle se leva, alluma le feu, alla traire la vache. Quand elle rentra, il était levé, habillé et il cirait ses brodequins. Elle servit le café au lait. Pour remercier, il demanda s'il ne pouvait aider à quelque travail.
    Justement il y avait un tas de bûches que, malgré sa robustesse masculine, elle n'avait pu équarrir. Il se mit à la besogne et fendit des bûches, la provision pour quelques jours. Etant venu faire un tour à la cuisine, il vit qu'elle avait préparé la grande soupière, un litre de vin, deux couverts. Il retourna à ses bûches. Ils déjeunèrent. Il reprit son travail. Le soir il resta encore.

    Le lendemain elle lui montra la belle chambre et il fut tout étonné d'y trouver le
gramophone, la lampe et l'outil nickelé. Elle lui dit l'envoi et, à son tour, il expliqua l'origine des objets.
    Un jour, dans l'intérieur de la gare régulatrice, à quelques centaines de mètres du wagon qu'ils occupaient, un express avait télescopé un train de ravitaillement américain.
    L'express était indemne et même il avait pu repartir avec quelques heures de retard, mais le train de marchandises était en piteux état : voitures renversées, caisses éventrées laissant échapper leur contenu. Immédiatement on avait employé ces territoriaux qui étaient sur place à remettre de l'ordre, ramasser ce qui traînait, reclouer les caisses, les recharger. Il y en avait eu pour huit jours.
    Huit jours pendant lesquels ils récupérèrent, pour le compte du Gouvernement américain, les marchandises éparpillées et aussi, pour le compte des pauvres poilus français qu'ils étaient, tout ce qui peut être utile à des militaires en campagne.
    Dans les caisses, toutes marquées Y.M.C.A. il y avait surtout un matériel sanitaire et hygiénique avec parfois des objets inattendus. Il y avait des ballons de foot-ball, des raquettes de tennis, toutes sortes de jeux qu'ils dédaignèrent, des bras et des jambes de bois, des bouteilles de toutes tailles qu'ils abandonnèrent quand ils apprirent que les Américains ne buvant — officiellement — jamais d'alcool elles ne pouvaient contenir que des médicaments, des jus de fruits ou des limonades ; il y avait aussi des boîtes contenant des sortes de doigts de caoutchouc bizarres, trop grands même pour leurs gros doigts et qu'ils utilisèrent, après en avoir coupé l'extrémité, en garnissant les manches de leurs pelles-bêches et de leurs pioches, ce qui empêchait les mains de glisser quand l'outil était mouillé, des boîtes à musique, mais celle qu'ils prirent ne leur donna pas grande joie.
    Il y avait aussi des objets qu'on ne s'attendait pas à trouver dans des trains destinés aux armées : des caisses pleines de layettes et de couvertures de berceaux ; ils en firent une ample rafle, les chaudes couvertures de pure laine doublant celles, un peu minces, de l'Intendance ; les brassières leur servirent de bonnets de coton pour la nuit et ils rirent beaucoup le premier soir en voyant leurs faces hirsutes surmontées des douillets lainages bleus, roses ou verts.
    Une caisse en bois ciré contenait des instruments de chirurgie. Les scalpels ne pouvant servir à couper la barbaque, ils allaient la refermer, quand Julien, le cuistot, avisa un outil bizarre, en forme de bec de canard, avec un double manche, tout en nickel. Chez un cousin qui habitait la ville, on servait le gigot au bout d'un instrument qui, en plus petit, ressemblait à cela. Julien qui souvent se brûlait les doigts en essayant de retirer de la marmite un jarret de bœuf ou quelque morceau analogue, déclara que cela ferait tout à fait son affaire et en effet, engageant l'extrémité de l'os dans le bec de canard qu'il tenait par les pinces, il put dorénavant tout à son aise sortir la viande et la découper.
Quelques jours plus tard, un vieux médecin de la coloniale chargé de voir si, dans ces gourbis improvisés il y avait un minimum d'hygiène, arriva au moment où les territoriaux mangeaient la soupe. Dès qu'il vit les galons, le caporal cria : « Fixe ! » et, suivant les prescriptions du Service intérieur, ils s'immobilisèrent dans leur geste, l'un coupant du pain, l'autre portant sa cuiller à la bouche.
Quand il arriva au quatrième, à Julien, le major s'arrêta stupéfait. Avec des yeux ronds, il regardait l'outil que l'homme avait entre les mains.
    — Montre, dit-il, en écartant les doigts du cuisinier.
    Aucun doute n'était possible. Il fallait se rendre à l'évidence : le soldat Vignerte Julien, cuisinier à la 13me escouade tenait son os à moelle avec un spéculum.
    Terminant brusquement sa revue, l'officier était parti pour ne pas éclater de rire devant ses hommes et n'avoir pas à demander l'origine certainement suspecte et fautive d'un tel objet entre les mains d'un soldat de deuxième classe.
    Après son départ, les hommes se regardèrent, n'ayant rien compris à la scène. Mais sur les conseils du Caporal, se méfiant que cet objet bizarre n'attirat quelque vilaine histoire, on le cacha dans un coin et on l'y laissa en partant pour Verdun.
    Phine et Séraphin regardèrent à nouveau, tous les deux, l'objet, le retournèrent, le soupesèrent, firent tourner la vis, tombant d'accord pour reconnaître qu'ils ne savaient à quoi cela pouvait servir, mais que cela devait valoir cher. Le brillant du nickel les impressionnait. Finalement, Phine le reposa à sa place, sous le bénitier.

    Pour la lampe, c'était une autre histoire et Séraphin se fit d'abord prier pour la conter.
    Quand les soldats sont depuis longtemps loin de leurs foyers et privés de leurs femmes, ils s'ennuient et — Phine devait bien le savoir — il y a des maisons tout exprès pour les desennuyer. L'escouade y allait parfois. Un soir des soldats américains étaient arrivés. A propos d'une femme une dispute avait éclaté et l'un des étrangers avait boxé un vieux territorial, lui écrasant le nez d'un coup de poing Les camarades du blessé s'étaient levés pour le venger.
    La patronne, au comptoir, avait poussé des cris aigus, puis avait sauté sur le téléphone pour demander à la place l'envoi en toute hâte d'une patrouille. Une patrouille ? Une patrouille américaine... avec les coups de nerf de bœuf, l'arrestation, le rapport au Colonel et les trente jours de prison qui suivraient...
    En un clin d'œil, les ennemis s'étaient réconciliés, les lampes électriques avaient volé en éclat, la lampe à pétrole de Madame qui éclairait son livre de compte sur le bureau avait été soufflée et, profitant de l'obscurité, tapant sur les femmes qui voulaient leur barrer la route, les Américains suivant les Français qui connaissaient les détours de la maison avaient sauté par la fenêtre dans un jardin, puis franchissant une murette, s'étaient trouvés dans une rue déserte de faubourg. Ils s'étaient égaillés ensuite au pas gymnastique.
    Quand, cinq minutes plus tard, la motocyclette américaine arriva dans la maison et quand le sergent donna téléphoniquement l'ordre à tous les quartiers de prendre les noms des hommes qui rentreraient, il réussit bien à faire pincer ses compatriotes, mais pas les territoriaux français qui, pour rentrer chez eux, n'avaient pas à passer devant une sentinelle et un poste de police, mais simplement
à franchir le débonnaire fil de fer qui sépare une route d'une voie ferrée.
    En arrivant, le Caporal alluma le gros fanal rouge, provenant du train tamponné qui ne leur donnait qu'une médiocre lumière.
    Alors Luquet, un petit déluré, qui avait été coiffeur à Oloron, entr'ouvrant sa capote, en sortit la lampe à pétrole de Madame, une belle lampe qui, jusqu'au départ, leur avait donné, avec une jolie lumière, l'illusion d'un intérieur luxueux.
    C'est précisément cette lampe qui était sur la cheminée de Phine. Il la reconnaissait bien...
    Ils l'y laissèrent.
    Quelques jours plus tard, Peyrot retourna chez lui, mais seulement pour reprendre du linge et des nippes qu'il mit dans l'armoire : d'un accord tacite, sans vaine parole, le veuf et la veuve s'étaient mis en ménage.
    Ce fut, dans le village, un scandale. Les jeunes gens organisèrent un charivari. Chaque soir, dès la nuit tombée, ils se réunissaient, soufflant dans des cornes de vaches, tapant sur des chaudrons, faisant tourner les crécelles de la Semaine Sainte.
    La maison restait toute noire, fenêtres, portes et volets clos comme si elle n'était pas habitée. Ils s'enhardirent, s'approchèrent. Derrière la porte de l'écurie où elle avait fait un trou avec une vrille, Phine guettait. Brusquement, le septième soir, elle ouvrit la porte et fonça, un bâton à la main, sur les fuyards. En deux sauts, elle en attrapa un qui avait encore le chaudron à la main. Ce fut alors une autre musique. Sous la grêle des coups le garçon hurlait, essayait en vain de se dégager de la solide étreinte, demandait grâce.
    Phine tapait plus fort encore, semblant s'exciter à chaque coup donné. Enfin elle le laissa pantelant, à demi évanoui, par terre où il resta vingt minutes avant que les autres aient osé venir le ramasser.
    Quelques jours plus tard, les gendarmes prévenus par la rumeur publique firent une enquête. Ils dressèrent à Phine un procès-verbal pour coups et blessures et au garçon un autre procès-verbal pour tapage nocturne.
    Le même jour, à la même heure, tous deux comparurent, dans la salle des audiences de Laruns, devant le même juge de paix qui les condamna chacun à un franc d'amende et aux dépens. Phine, après avoir été publiquement bafouée, le gars après avoir été copieusement rossé, ne retiraient, de la justice de leur pays, d'autre satisfaction que celle d'engraisser, à leur détriment, le Fisc.
    Ainsi, en pays d'Ossau et de nos jours, se vérifiait la justesse d'observation du fabuliste champenois qui, près de trois siècles plus tôt, avait écrit : L'Huître et les Plaideurs.
    Tout rentra alors dans le calme. Pour payer l'amende après avoir été rossé, il n'y
avait plus d'amateur au village.

     Suite../..

   Sources

  • L.Le Bondidier, de l'Académie de Béarn, édition de l'Échauguette, Château fort de Lourdes, 1939
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