La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LE PONT-LONG
Les débuts de l'Aviation

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ais pourquoi les frères WRIGHT sont-ils venus à PAU pour effectuer le premier vol du 3 février 1908 et former la première école de pilotage du monde ?

   Il est vrai qu'après des essais peu concluants au Mans dans la Sarthe, sous des deux trop capricieux et tourmentés, les frères WRIGHT Wilbur et Orville arrivèrent à PAU avec leur sœur Katharine le 12 janvier 1908. En plus d'un accueil des plus élogieux et installés dans des conditions très favorables, ils découvrirent le site idéal pour leurs manœuvres et leurs travaux.
    C'est le 3 février 1908, en début d'après-midi, que Wilbur WRIGHT s'élança et arracha son FLYER du sol. La foule poussa des cris d’admiration devant ce spectacle. Ils se transformèrent en acclamations au fur et à mesure que la machine s'éleva avec des virages et des évolutions d'une audace extraordinaire. Son vol dura exactement 5 minutes et 57 secondes puis il revint se poser à côté de son pylône de départ. Le public l'acclama avec un extrême enthousiasme.
    Ces questions trouvent leurs racines profondes dans la tradition de séjour des Anglo-saxons à Pau. Au début du XXème siècle, un homme eut une idée de génie, c'est le maire de PAU, Alfred LASSENCE, aidé de Paul TISSANDIER aéronaute, natif de Jurançon. Ils firent venir dans le Béarn des aviateurs en créant un Comité d'Aviation chargé de faire la promotion de la cité béarnaise.
    Ces hommes courageux, aventuriers et passionnés de vol, trouvèrent ici un « champ d'expérience » unique et vantèrent les mérites topographiques et atmosphériques de la zone du Pont-Long.
   Après cet exploit, le Roi d'Espagne ALPHONSE XIII arriva à PAU le 20 février. S'en suivra la venue du Ministre Louis BARTHOU, qui fit avec Wilbur son deuxième vol, le 22 février. Le Roi d'Angleterre EDOUARD V assista à trois vols successifs le 17 mars 1909.
    Wilbur WRIGHT restera très modeste et réservé,il n'aimait pas prendre la parole. Pour illustrer son propos, il disait : « Dans la création, je ne connais qu'un oiseau qui parle, c'est le perroquet. J'ai observé qu'il volait très mal. Moi, je ne parle pas mais je vole. »

    Les journalistes de l'époque ne comprenaient pas pourquoi ces Américains se retrouvaient en France, et qui plus est à PAU !!
    Les frères WRIGHT leur déclarèrent avec leur pragmatisme anglo-saxon que les propositions du Comité d'Aviation Béarnais, qui leur permettait de financer les expériences et les essais susceptibles d'améliorer les résultats de leurs problèmes de vol, était une opportunité qu'ils avaient su saisir.
    Cette période glorieuse, chargée d'exploits, a déclenché la mise en place d'ateliers de réparation pour les appareils lors des essais et la création des premières écoles de pilotage avant le premier conflit mondial. Par la suite, viendront s'installer des ateliers de mécanique qui ont conduit aujourd'hui à tout un réseau d'entreprises aéronautiques sur tout le bassin de l'Adour. N'oublions pas les écoles militaires qui, à partir de 1945, ont organisé l'installation d'un centre de formation des parachutistes à PAU sur le terrain même des exploits des frères WRIGHT : l’École des Troupes Aéroportées (ETAP).
   Citons aussi le 5ème régiment d'hélicoptères de combat (5ème RHC) avec ses fameux « Tigres » ultramodernes, témoins de l'évolution technologique de l'Aviation depuis le premier vol de Wilbur WRIGHT au PONT-LONG.

    Dès le mois de décembre 1908, Alfred de Lassence, maire de Pau, demanda au Syndicat du haut Ossau, la location d’un terrain situé à l’angle sud-ouest du Pont-Long pour y installer un champ d’aviation.
   Larregain et surtout Henri Sallenave servirent d’entremetteurs. De Lassence et Gros-Ossau, président du Syndicat, signèrent le mois suivant un bail stipulant la location de 79 hectares situés au quartier Poey, moyennant 3 000 F annuels.
   L’Indépendant se réjouit de cet accord passé et signala que le Comité d’aviation de Pau, présidé par G. de Tuite, allait aménager, à l’intention des frères Wilbur et Orville Wright, une maisonnette de 60 m2 comprenant une chambre à coucher, un bureau salon et trois petites chambres pour les mécaniciens ainsi qu’un vaste hangar de 210 m2 pour les appareils.
   Le journal précisait aussi que ce serait la première et seule école d’aviation de France et qu’Alphonse XIII y viendrait apprendre à conduire les deux aéroplanes qu’il venait d’acheter. Grande satisfaction également pour les membres du tout jeune Aéro-club de Béarn, présidé par Paul Tissandier et fondé le 14 décembre 1908.
   Au mois de février 1909, de Lassence sollicita la location d’un deuxième champ d’expérience près de la route de Bordeaux pour installer Blériot et Voisin. C’était, disait le premier magistrat de la ville de Pau, « assurer à notre pays la première place de l’aviation et rendre un immense service à nos stations d’hiver et d’été des Pyrénées ».
    L’année suivante, au mois de juillet, Jean-Baptiste Gros-Ossau passa, suivant un acte préparé par Henri Belin, avoué à Pau, un autre traité avec Edouard Daubrée, administrateur-délégué de la Compagnie aérienne du Sud-Ouest pour un terrain de 80 hectares de thuyas situé entre l’aérodrome de Blériot et la route de Bordeaux ou en face de la station du dirigeable, moyennant 8 550 F par an.
    Des problèmes surgirent très vite entre la Commission syndicale et Henri Belin, devenu directeur de l’aérodrome de Pau. Gros-Ossau somma ce dernier de régler les trimestres impayés. Sinon, il ne lui restait plus « qu’à vider les lieux ».
    Enfin, le 18 février 1911, le maire de Pau demanda encore la location de 110 hectares de terrain pour l’installation d’un champ d’aviation militaire au quartier Aygue-Longue (80 F l’hectare). En reconnaissance de cette autorisation, la ville de Pau rétrocéda au Syndicat le droit de pacage et le droit de vendre la tuie sur le champ d’aviation n° 1 appelé aérodrome Wright.
   Il faut savoir que toutes les communes du canton souscrivirent en 1912 à l’achat d’un avion départemental pour, le 18e corps d’armée et que la vallée d’Ossau a bien failli posséder un terrain d’aviation :
   la commune de Laruns ne donna-t-elle pas son accord en 1909 à l’Aéro-club du Béarn pour la réalisation d’un terrain d’atterrissage au Port de Gélo, dans le bois de Gourzy ?

   Quant à l’aviateur Alfred Leblanc, il baptisa son avion, « Ossau ».

   Toutes les ressources que le Syndicat du haut Ossau tirait de l’exploitation des landes du Pont-Long, ressources que nous venons d’énumérer, permettaient de satisfaire à des dépenses nombreuses et variées :
   salaire du secrétaire de la Commission ;
   frais de location de salle et de bureau ;
   salaire des deux gardes du Pont-Long et des gardes-champêtres,
   du marqueur de bétail, des mandes communs, du vétérinaire ;
   primes pour destruction de fauves ;
   procès ; entretiens des routes et chemins,
   travaux sur les biens généraux ;
   dividende alloué aux communes,
   subvention pour le comice agricole, etc.

    Concernant la salle du Syndicat, la mairie de Laruns ne put, à partir de 1889-1890, disposer d’une salle ; on en loua une à Armand Sanchette, propriétaire à Laruns et secrétaire du Syndicat, pour y tenir les séances de la Commission et y renfermer ses archives.
   Les gardes du Pont-Long, eux, étaient au nombre de deux ; ils étaient chargés de la surveillance des pâturages, ajoncs, fougères et bois, et de l’entretien des fossés et barrières qui séparaient le domaine d’Ossau de la route de Bordeaux ; ils devaient également planter quarante arbres par an avec des plants fournis par le Syndicat et prêter leur concours au marquage et au comptage du bétail ; ils recevaient 650 F de salaire annuel et logeaient à la case d’Ossau, Elle fut construite en 1878 dans deux appartements dotés d’une basse-cour, d’un hangar, d’un jardin et d’un champ.
   Ils bénéficiaient enfin du bois de chauffage.
    Les deux gardes eurent un uniforme à partir de 1894 : pantalon en drap bleu, comme le gilet muni du chiffre du Syndicat, une blouse en toile, un béret et un sac en cuir avec une plaque au nom du Syndicat.
    De 1890 à 1914, les gardes furent Pierre Capdevielle, garde-champêtre à Laruns, qui remplaça Félix Arros, décédé en 1887, et Jean-Baptiste Montaut qui fut remplacé par Gros de Laruns.
   Au vu des archives du Syndicat, les gardes ossalois ne semblaient guère avares de procès-verbaux.
   Ainsi, « l’année 1899, et le 24 juillet à 5 h du matin, nous, Jean-Baptiste Montaut, demeurant à Lons, case d'Ossau garde-champêtre des landes du Pont-Long pour la vallée d’Ossau, territoire du canton de Lescar, revêtu des insignes de mes fonctions et dûment assermenté, ai pris 38 vaches en contravention sur une étendue de 30 ha de terrain, nouvellement fauchés, en train de manger la première pousse de la croissance de la tuie ». Le berger négligent s’appelait Mathieu Capdevielle qui était alors le pâtre commun de la commune de Caubios-Loos. Tous les contrevenants n’étaient pas aussi sages que le pauvre Mathieu ; comme cette fois-là * :
    « L’an mil neuf cent et le trente novembre, vers deux heures de l’après-midi, Je soussigné Pierre Capdevielle, garde-champêtre de la vallée d’Ossau, en résidence à la Case d’Ossau, commune de Lons, Canton de Lescar. Certifie que, faisant ma tournée sur la lande du Pont-Long, au quartier Arras, sur le n° 53, du Plan appartenant à la vallée d’Ossau, duement revêtu des insignes de mes fonctions. J’ai trouvé dix têtes de vaches qui pacageaient sur ladite lande, à mon approche, j’ai aperçu le pâtre qui les gardaient, s’enfuir vers un groupe d’ouvriers qui étaient occupés à faucher des tuies. Je me suis mis à sa poursuite et arrivé près d’eux, le pâtre s’est sauvé plus loin.
    Ayant alors demandé à ces ouvriers s’ils connaissaient ledit pâtre, ils m’ont répondu négativement. Pendant ce temps, le nommé Lacoste Péllette, âgé d’environ quinze ans, domestique chez M. Minvielle François, propriétaire à Lescar, s’emparait des vaches et les entraînaient dans la direction de Lescar. Je me mis immédiatement à sa poursuite et après une course précipitée de plus de deux kilomètres je pus le rejoindre mais à mon approche il se sauva à toutes jambes. Alors je m’emparai des dites vaches et les dirigeai vers Lescar dans l’intention de les mettre en fourrière, mais en route survint un homme âgé d’environ trente ans, qui s’empara des vaches malgré moi, en proférant des menaces que si je m’y opposai, il allait me faire un mauvais parti.
    Sommé de me donner son nom il s’y refuse formellement ; pour éviter un conflit qui aurait pu avoir des conséquences graves, je le laissai partir mais le suivant à distance, je fis la rencontre de Messieurs Bidou Pierre, et Sempre Pierre, propriétaires à Lescar, qui me déclarèrent que celui qui emmenaient les vaches était le nommé Carrère Jacoulet, propriétaire à Lescar.
    En conséquence, j’ai dressé le présent procès-verbal pour servir et valoir ce que de droit, que j’ai clos à Lons, case d’Ossau, le treize décembre et an que dessus. »
    Malgré tout, Pierre Capdevielle ne semblait pas faire, en tant que garde du Syndicat, l’unanimité dans la population larunsoise : ainsi, cette savoureuse lettre datant du 22 septembre 1903 que je reproduis in-extenso* :
    « Monsieur J. Sanchette
        Secrétaire du Syndic
    Nous voudrions vous prier de faire savoir aux membres du Syndics du haut Ossau si le Sieur Capdevielle garde du Pont-Long va gagner sa solde à Laruns. Pour nous il doit être au Pont-Long inutile d’en parler au président puisqu’il est son parent et plus il l’a choisit sur un grand nombre, il doit croire qu’il peut garder d’ici étant. Nous croyons que vous serez assez bon à leur faire savoir. Ou sinon nous serons obligé de nous adresser plus haut. Nous vous saluons très respectueusement nous nous ferons connaître plus tard pour cette fois nous nous signons pas. »
    Quant à la surveillance des montagnes générales, elle était effectuée par trois gardes-champêtres (un pour Bious, un autre pour Pombie, et un troisième pour Arre et Seüs) qui recevaient pour cela 50 F par an.
    Enfin, il faut savoir que les revenus du Pont-Long permirent toujours un budget excédentaire : après avoir préservé un fond de réserve, le bénéfice était partagé entre toutes les communes du canton qui recevaient un dividende en fonction des feux qui existaient dans chaque commune en 1090 :
   Laruns (avec Geteu), 127 feux ou parts ;
   Bielle, 77 ;
   Bilhères, 55 ;
   Béost, 29 ;
   Aste-Béon, 27 ;
   Gère-Bélesten, 27 ;
   Eaux-Bonnes (Aas et Assouste), 19
   et Louvie-Soubiron, 11 feux.
   Ces dividendes étaient variables et allaient de 20 à 30 F par feu. En 1914, il était de 80 F.

   Pour conclure cette partie, concernant le Syndicat du haut Ossau et le Pont-Long, il faut souligner qu’avant 1914, pas un mètre carré de terrain de ces 1 100 hectares de landes ne fut vendu. La Commission, présidée d’abord par Bonnecase de Bilhères (jusqu’en 1896) et par Gros-Ossau de Laruns, sut préserver les intérêts du canton. Sans fléchir.
   Et lorsque’il s’agissait de s'adresser au président du puissant Syndicat, les généraux et les maires des communes quémandeuses, fusse celle de Pau, y mettaient les formes. Mais, et cela présageait peut-être une époque différente le 14 novembre 1914, la Société Giraud Frères, concessionnaire de Chemin de fer d’intérêt local se contentait d’écrire une lettre laconique à Gros-Ossau, lui annonçant qu’elle prenait possession des terrains du Pont-Long nécessaires à la construction de la ligne de Sault-de-Navailles à Pau et ce à dater du 15 novembre 1914, suite à un décret d’utilité publique : le démantèlement de ce que les Ossalois avaient, par volonté farouche, défendu contre vents et marées ne commençait-il pas à l’aube de la guerre ?

   Sources

  • René ARRIPE, Ossau 1900, le canton de Laruns, Éditions LOUBATIÈRE, 1987
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