Voici une légende, d'origine historique, qui nous parle de l'invasion des Normands.
Plusieurs variantes de ce récit existent.
omme chaque pays a ses lieux révérés en objets de culte et de vénération, Ossau possède son oratoire de Layguelade.
La position en est charmante. Il s'élève au centre de la vallée, à quelques pas de Bielle, non loin du gothique donjon de Gaston Phoebus et de l'ancienne résidence du vicomte d'Ossau. De grands arbres l'entourent, le Gave impétueux y ralentit sa course comme pour lui rendre hommage et se détourne pour aller baigner ses murailles. La fondation de la chapelle rappelle un des plus brillants épisodes de la vieille histoire d'Ossau.
C'était vers le milieu du IXe siècle, peut-être en 840. Les Normands avaient alors envahi le Béarn, ivres de sang et toujours avides de richesses. Ils ne disparaissaient d'un pays que pour lui donner le temps de réparer ses pertes, pour leur offrir une nouvelle proie. D'Oloron, qu'ils venaient de réduire en cendres, ils firent plusieurs incursions dans la vallée d'Ossau. Après diverses tentatives pour s'emparer des troupeaux, ils assiégèrent le château de Bielle.
On ignore qui bâtit ce château. Peut-être fût-ce le fils de Clovis, l'aventureux Childebert, à son retour de
Saragosse, d'où l'auraient expulsé, d'après les chroniques, les miraculeuses reliques du diacre St-Vincent.
Quoiqu'il en soit, ce château se défendait avec succès. Le siège traînait en longueur et rien n'en
laissait prévoir la fin prochaine, lorsqu'un barbare à la taille colossale se présente seul devant le rempart. D'une voix formidable, il crie aux assiégés « que celui qui a du cœur sorte de derrière ces murailles et vienne se mesurer avec moi. » à cette provocation orgueilleuse, personne ne répond. Alors tirant de sa ceinture un collier auquel était suspendue une croix d'or, il continua à provoquer les Ossalois. « N'y a-t-il donc pas parmi vous un seul vaillant guerrier ? Qu'il sorte s'il y en a, voici le prix du combat. »
Le sieur de Béon ayant vu le collier, l'a reconnu tout de suite pour être celui de son épouse, la belle Marguerite.
« Je veux me mesurer avec toi, crie-t-il aussitôt au barbare, si le prix de la lutte doit être non ce
collier, mais celle à qui tu l'as dérobé. » Le géant y consent.
Bientôt il revient avec une femme d'une beauté ravissante et Béon aperçoit sa malheureuse femme. Il l'avait laissée loin de tout danger, au haut d'une montagne inaccessible ; mais l'imprudente en
était descendue avec quelques compagnes pour tomber ensemble au pouvoir des Sarrazins.
Marguerite est placée sur un tertre et le combat commence.
Levant sa lourde massue, le géant en assène un coup formidable à son adversaire qui heureusement l'évite. Alors furieux, écumant de rage et poussant d'effroyables vociférations, il recule jusqu'au pied du tertre pour s'élancer de nouveau sur son ennemi. C'en était fait du seigneur de Béon. Comment échapper à cette attaque terrible ? Mais tout en attendant le barbare avec courage, il invoquait tout bas l'intercession de la Sainte-Vierge et ce ne fut pas en vain.
Tout-à-coup, obéissant à une inspiration subite, Marguerite détache son tablier et en couvre la tête du géant. Surpris un instant de cette ruse, le géant se débarrasse bientôt du tablier, mais déjà son adversaire
l'a devancé et d'un coup de hache, il l'étend à ses pieds.
Arborée sur les remparts du château, la tête du barbare jeta la confusion parmi les Sarrazins qui levèrent le siège et disparurent pour ne plus revenir.
C'est en reconnaissance de la miraculeuse intervention de la Sainte-Vierge, que plus tard le seigneur de Béon éleva la chapelle de Layguelade.
Sources
- Michel de CHROUSCHOFF, Les Eaux-Bonnes et la Vallée d'Ossau, L Ribaut, Imprimeur, Pau, 1896
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