La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE
en vallée d'Ossau


Aménagement de chutes d'eaux pour la traction électrique.

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e réseau des lignes de chemin de fer qui sont exploitées par la Compagnie du Midi, ou lui sont concédées, se développe en grande partie sur le versant nord de la chaine des pyrénées et comporte, par suite, beaucoup de sections à profil très accidenté.
   Il est aisé de comprendre, dans ces conditions, que la Compagnie ait songé, depuis longtemps déjà, à recourir à la traction électrique de ses trains, pour les lignes en exploitation dans les parties où la traction par la vapeur présente des difficultés particulières. Tel est, par exemple ;le cas de la section de la ligne de Bayonne à Toulouse comprise entre les deux stations de Tournay et de Capvern où, pour passer du bassin de l'Adour dans celui de la Garonne, la voie s'élève de 324 mètres sur une longeur de 12 kilomètres et comporte des rampes de 32 et 33 millimètres par mètres.
   Sur plusieurs lignes en construction ou à l'étude, on peut même dire que la traction électrique seule peut être employée, puisque sur les transpyrénéens d'Oloron à Canfranc et d'Ax à Ripoll, les rampes atteindront 42 millimètres par mètre. Aussi la Compagnie a-t-elle tout naturellement décidé que pour la production de l'énergie, elle recourrait aux chutes d'eau que, l'on peut aménager dans la région pyrénéenne.
   Une loi du 4 mars 1903, déclarant d'utilité publique les travaux de construction de la ligne à voie de 1 mètre de Villefranche-de-Conflent à Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), a spécifié que la traction des trains se ferait par l'électricité. Le Génie Civil a décrit en détail cette première ligne, en service depuis 1911, et a donné, d'autre part, des renseignements circonstanciés sur le mode de traction électrique ; adopté par la Compagnie du Midi sur les autres lignes à électrifier (courant monophasé à 12000volts, utilisé sur des automotrices, pour les trains légers, et sur des locomotives de 1 200 chevaux, pour les trains de fort tonnage).
    Deux lois postérieures ont prononce la déclaration d'utilité publique des travaux d'établissement d'une série de lignes nouvelles à traction hydro-électrique. Enfin, un décret du 8 juin 1910 a autorisé les travaux nécessaires en vue de la production de l'énergie électrique destinée à l'exploitation de lignes et de sections de lignes anciennes.
    Dans les prévisions primitives, les lignes à électrifier formaient deux groupes distincts, dont l'un, celui de l'Est, s'étend sur le territoire des départements de l'Ariège et des Pyrénées-Orientales, et l'autre, celui de l'Ouest, sur les territoires de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées et des Basses-Pyrénées.
   Les avantages reconnus de la traction électrique, en même temps que l'élévation du prix du charbon, qui étend par cela même la zone d'emploi de l'électricité produite par la houille blanche, ont conduit à augmenter considérablement ces prévisions.
    Aujourd'hui, on envisage une électrification encore plus considérable et portant sur un programme qui nécessite la création d'un nombre assez considérable d'usines puissantes.
    Avant de passer aux indications sur les usines, il est utile de dire que M. Paul, Directeur de la Compagnie du Midi, a décidé en principe que tous les armements devaient être semblables pour les usines en construction ou en projet.
    Tous les groupes turbo-alternateurs seront composés d'une turbine de 5.ooo chevaux sur l'axe, tournant à 500 tours et entraînant un alternateur triphasé de 3.6oo kilowatts, 5o périodes, dont le courant sera élevé, par les transformateurs, à une tension de 120 000 volts. C'est donc sous ces caractéristiques que se fera finalement le transport de l'énergie qui sera ensuite transformée suivant les divers modes d'utilisation.
    On ne saurait trop louer une pareille décision qui, en dehors des avantages d'interchangeabilité du matériel électrique, permet un couplage plus facile des diverses usines et des divers groupes d'usines. Il faut remarquer, d'ailleurs, que le courant produit rentre dans la catégorie de ceux que les diverses Sociétés s'occupant d'électricité ont définis comme courants normaux.
    Nous donnerons aujourd'hui quelques renseignements sur les usines qui ont été déjà construites ou suffisamment définies.

     — Ensemble des usines de la vallée d'Ossau.

    — Cet ensemble, situé dans la haute vallée d'Ossau, comprendra trois usines et a déjà été décrit dans une étude publiée par MM. Eydoux et Causse.
    Le principe a été de régulariser la quantité d'énergie fournie dans le cours de l'année par une usine haute fonctionnant sur un lac aménagé et venant en aide aux usines d'aval quand le débit naturel des cours d'eau devient trop faible. Cette aide se manifeste d'ailleurs dans le cas présent, de deux façons : d'abord par l'énergie fournie directement par l'usine haute et, comme les diverses usines seront établies en échelons sur le même cours d'eau, par le supplément d'eau fourni par le canal de fuite de l'usine haute et qui passe successivement dans les usines d'aval.
    Nous n'entrerons pas, renvoyant pour cela à l'article précité, dans l'étude des calculs et des épures à faire pour étudier ces conjugaisons d'usines et nous nous contenterons d'indiquer la situation géographique et la consistance prévue pour cet ensemble.

    ÉTUDE HYDRAULIQUE DE LA HAUTE VALLÉE D'OSSAU.

    — La haute vallée d'Ossau est comprise entre les gorges du Hourat, un peu en amont du village de Laruns, et la frontière franco-espagnole.
    Elle est limitée au Sud, à l'Est et à l'Ouest par des crêtes dont l'altitude moyenne dépasse 2 300 mètres.
    Le Gave d'Ossau, qui coule dans cette vallée, est formé, au hameau de Gabas, par la jonction du Gave de Brousset, qui prend naissance aux environs du col du Pourtalet, et du Gave de Bious, qui a sa source près du col des Moines. Sur la rive droite, son seul affluent important est le Gave du Sousouéou, qui prend sa source au lac d'Artouste à la cote 1 968,60.
    Ce lac de haute altitude, de 45 hectares de superficie, est alimenté lui-même par un bassin versant de 7 kilomètres carrés, extrêmement favorisé au point de vue des précipitations atmosphériques en raison de son orientation et de la ceinture de hautes montagnes qui l'entoure. Nous verrons par la suite quel parti on peut en tirer comme réservoir régulateur.
   La haute vallée d'Ossau est, au point de vue qui nous occupe, constituée par les bassins partiels définis ci-après :
   1° Bassin de Brousset. Superficie au-dessus de la cote (1.130,00), 54 kilomètres carrés ;
   2° Bassin de Bious. Superficie au-dessus de la cote (1.132,00), 37 kilomètres carrés ;
   3° Bassin d'Artouste. Superficie au-dessus de la cote (1.968,68), 7 kilomètres carrés ;
   4° Bassin du Sousouéou. Superficie au-dessus de la cote (1.130,00) et, déduction faite du bassin d'Artouste, 36 kilomètres carrés ;
   5° Bassin inférieur de l'Ossau. Superficie au-dessus de la cote (730,00) et déduction faite des bassins précédents, 50 kilomètres carrés.

    Hydraulogie des bassins versants.

   — Il y a lieu, tout d'abord, de définir les débits moyens utilisables que l'on peut escompter pour chacune de ces usines.
    Nous avons eu recours pour cela aux renseignements qui nous ont été fournis par le Service des grandes forces motrices hydrauliques de la région des Pyrénées. Ce service possède, en effet, différentes stations de jaugeage dans la région qui nous intéresse ; ce sont celles :

    1° Du pont de Camps (cote 1.283) sur le Gave de Brousset ;
    2° De Bious (cote 1.546) sur le Gave de Bious ;
    3° De Gabas (cote 1.030) sur le Gave de Bious ;
    4° De Cabas (cote 1oa5) sur le Gave d'Ossau ;
    5" Des Eaux-Chaudes (cote 680) sur le Gave d'Ossau.
    En outre, nous avons pu nous procurer auprès du service constructeur du Transpyrénéen par le Somport des renseignements de même nature relatifs aux débits du lac d'Artouste, mesurés à l'émissaire même du lac, et du Gave de Sousouéou mesurés directement sur ce Gave.
    Il a alors été possible de calculer, pour chaque mois de la période considérée, le débit moyen, par seconde et par kilomètre carré du bassin versant, correspondant à chacune des stations de jaugeage précitées, et d'obtenir, également pour chaque mois, le débit total moyen correspondant au bassin versant de chaque usine

        RÉPARTITION ET CONSISTANCE DES USINES.

    — Sur ces données, et en se servant des épures et calculs dont nous avons parlé, on est arrivé aux résultats que nous allons indiquer :

    1° Usine supérieure ou d'Artouste.

    — Installée à la cote 1 200 mètres environ, en amont du hameau de Gabas, près de la route nationale n° 134 bis, elle utilisera les eaux de l'émissaire du lac d'Artouste, aménagé en réservoir annuel d'une capacité totale utilisable de 16 millions de mètres cubes.

    La chute nette (pertes de charge déduites) sera de 773 mètres. L'eau sera conduite du lac à la chambre de mise en charge par un canal d'amenée à écoulement libre de 8700 mètres de longueur. La chambre de mise en charge elle-même aura une capacité permettant de faire face à des pointes de courte durée. La puissance continue de 24 heures (ordonnée moyenne de la courbe de consommation) devant être au maximum de 17000 poncelets sur les aubes des turbines, l'armement sera, toujours en vue des pointes, de cinq groupes turbo alternateurs du type déjà défini.

    2° Usine intermédiaire ou de Miegebat.

    — Installée au lieu dit « Miegebat », près de la route nationale n° 134 bis, à 6 Kilomètres 500 environ en aval du hameau de Gabas. elle utilisera :
    a) Les eaux du canal de fuite de l'usine supérieure :
    b) Les eaux du bassin de Bious ;
    c) Les eaux du bassin de Brousset ;
    d) Les eaux du bassin de Sousouéou.
    La chute nette est de 38o mètres. La puissance continue de 24 heures doit être au maximum de 20 500 poncelets sur les aubes des turbines. Pour permettre de faire face aux pointes, on doit établir un grand réservoir journalier permettant d'emmagasiner le débit pendant 6 heures de nuit. Par raison d'économie et de commodités d'exploitation, ce réservoir établi à la prise d'eau sera relié à l'usine par un canal d'amenée en charge et des conduites forcées.
    A la jonction de ces deux ouvrages et pour empêcher la propagation des coups de bélier dans le canal, on a prévu la construction d'une cheminée d'équilibre.
    L'armement de l'usine sera de huit groupes turbo-alternateurs du type unifié.

    3° Usine inférieure ou du Hourat.

    — Installée au pied des gorges du Hourat, près de la route nationale n° 134 bis, à 1 kilomètre environ en amont du village de Laruns, elle utilisera :
    a) Les eaux du canal de fuite de l'usine intermédiaire ;
    b) Les eaux du bassin moyen du Gave d'Ossau tel qu'il a été défini ci-dessus.
    La chute nette est de 208 mètres. Du même type que l'usine de Miegebat, elle comprendra aussi un réservoir journalier qui s'ajoute au réservoir précédent dont l'effet utile se fait aussi sentir sur l'usine d'aval. Elle sera également du type avec canal d'amenée en charge et cheminée d'équilibre à l'extrémité amont des conduites forcées proprement dites.
    La puissance continue demandée sera au maximum de 17000 poncelets et l'armement sera formé de sept groupes.
    L'ensemble représente une puissance constante continue pendant toute l'année de 36000 poncelets sur les aubes des turbines avec un armement total de vingt groupes, soit 72000 kilowatts aux bornes des alternateurs. Il peut en plus fournir des chevaux de hautes eaux.
   Ces chiffres suffisent à donner une idée de son importance.


   Sources

  • Le génie Civil, Hydraulique, pour la traction élestrique des chemins de fer du Midi. N°1884 année 1918
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