epuis nombre d'années déjà, la Compagnie des Chemins de fer du Midi travaille à électrifier son réseau.
Désireuse de s'affranchir du lourd fardeau financier que représentait et que représente pour elle l’achat d'énormes quantités de charbon, elle a demandé aux chutes d'eau pyrénéennes l'énergie nécessaire à la traction des trains qui circulent sur ses voies.
Sa politique d'électrification, que tous les techniciens s'accordent à déclarer admirable, l'a amenée à réaliser des aménagements d'une rare perfection :
Il n'en est sans doute pas de plus beau que celui de la vallée d'Ossau.
Il nous a semblé que l'utilisation industrielle de cette vallée méritait d'être étudiée ici, d'autant plus qu'elle paraît bien avoir été l'une des œuvres de prédilection de la Compagnie du Midi en ce domaine.
1 - Les conditions de l'aménagement de la vallée d'Ossau
On donne le nom de « vallée d'Ossau » à un ensemble de vallées béarnaises comprises entre la vallée d'Aspe à l'Ouest et celle d'Arrens à l'Est.
Affluent du gave de Pau, le gave d'Ossau n'a pas une, mais plusieurs sources.
La principale paraît être le gave de Brousset qui naît au pied du pic de Mahourat, à quelque trois kilomètres au Sud du pic du Midi d'Ossau, et se dirige vers le Nord ; tout près de lui, à peine plus à l'Ouest, le gave de Bious, né au bas du col du même nom, va le rejoindre un peu en amont de Gabas.
Plus au Nord, un gros ruisseau né au col d'Izeye, le Bitet, va, à hauteur de Miégebat, s'unir au Brousset, lequel reçoit ainsi sur sa gauche deux affluents importants sans parler de divers menus ruisseaux. Cependant, sur sa rive droite, entre Miégebat et Gabas, le Soussouéou lui est arrivé de la région du lac d'Artouste.
La réunion de ces quatre tronçons fluviaux constitue le gave d'Ossau qu'entre les Eaux-Chaudes et Laruns un nouveau tributaire, le Valentin, collecteur de la vallée des Eaux-Bonnes, viendra renforcer.
C'est à Arudy que le gave renoncera à la direction Sud-Nord, et, tournant vers le Nord-Ouest, parviendra à Oloron, où la rencontre de ses eaux avec celle du gave d'Aspe donnera naissance au gave d'Oloron.
Au point de vue du relief, ce complexe de vallées offrait à l'aménagement hydroélectrique de tentantes facilités.
Il en était déjà ainsi pour la vallée affluente du Valentin où se blottit la petite station thermale des Eaux-Bonnes.
Sans doute, observe-t-on sur les pentes un épais manteau morainique, parfois prédisposé au foirage, qui en atténue les ressauts. Mais les dispositions génétiques n'en sont pas moins favorables dans l'ensemble. En effet, les schistes dévoniens dans lesquels est taillée cette vallée sont lardés de filons de quartz et de labradorite.
Telle conjoncture devait engendrer des ruptures de pente ; de fait, il en existe plusieurs qui, antérieures sans doute à l'époque glaciaire, ont été accentuées par le travail du glacier descendu du Pic du Ger.
Par ailleurs, les dépôts morainiques ont été vigoureusement entaillés par les torrents, et, sans aucun doute, l'érosion subaérienne est actuellement très active. Enfin, l'amont de la vallée : surtout à l'Est du confluent du Valentin et de la Sourde est encadré par des crêtes au profil vigoureux taillées dans les calcaires sénoniens : à 2 kilomètres au Nord-Est des Eaux-Bonnes, on trouve la cote 1394 ; au Sud-Est, la crête de Bouy monte à 1583 mètres, soit une dénivellation de 600 mètres entre elle et le village.
Mais c'est surtout la vallée d'Ossau proprement dite qui devait attirer l'attention des ingénieurs. Non certes, toutefois, la basse ni la moyenne vallées.
Pourtant, entre Arudy et Oloron, la rivière est certainement très jeune, surimposée qu'elle est dans le cénomanien depuis l'aveuglement de son ancienne vallée Buzy-Oloron par une puissante moraine qui se rattache au complexe glaciaire d'Arudy.
Cette surimposition doit être un phénomène récent comme en témoignent les beaux méandres encaissés que dessine le gave dans cette section. Pourtant, la pente n'est pas très forte, et l'idée d'établir là des usines hydroélectriques n'a paru que tout récemment.
Même chose entre Arudy et Laruns. Le gave y traverse, par une ample vallée, la série de chaînes calcaires qui s'allongent entre Lourdes et le pays d'Aspe. Sans doute, ici encore, l'action glaciaire est partout visible ; un peu partout, la moraine s'accroche aux pentes des plateaux étroits, des crêtes étirées qui encadrent le cours du torrent. Mais la déclivité du profil en long demeure relativement faible : à juste titre, M. Sorre a pu écrire qu'en aval de Laruns « c'en est fini de la période héroïque du gave »
En effet, saisissant est le contraste entre la basse et la haute vallée. En amont de Laruns, c'est un autre monde qui commence.
Du creusement du bassin de Laruns, le glacier n'est pas seul responsable: un autre glacier, apparemment beaucoup plus puissant, le rejoignait vers le Sud ; et c'est à son action érosive qu'il faut, en bonne part, attribuer l'actuelle physionomie de la haute vallée.
Que remarquons-nous donc lorsque, sortant de Laruns, nous remontons le cours du gave ? D'abord, un splendide verrou glaciaire, celui du Hourat, à travers lequel la vallée n'est qu' « un trait de scie »
Dans cette gorge aussi étroite que profonde, aux flancs de laquelle foisonnent les exemples d'érosion tourbillonnaire, la route a dû être taillée dans le roc, ou même jetée par-dessus le torrent en viaduc : c'est dire la jeunesse de cette vallée. Un peu en amont elle est plus large et présente un profil transversal en V assez régulier. Le fait peut surprendre de prime abord, mais quiconque considère, au pied des pentes, les amas détritiques agglomérés en poudingues ou en brèches devine que, très probablement, les parois de la vallée présenteraient une forme assez proche de l'auge, n'était le revêtement d'éboulis et de dépôts glaciaires qui les masque.
Entre les Eaux-Chaudes et Miégebat, le paysage ne change pas beaucoup; c'est toujours, dominée par un bel abrupt calcaire, une gorge puissante taillée dans le granite : ça et là, des traces de poli glaciaire sur la roche en place ; partout des éboulis et des moraines.
De Laruns à Miégebat, la route, par une montée régulière, s'est élevée de 500 à 735 mètres. Mais voici qu'un palier s'affirme. L'arrivée du gave de Bitet, conjuguant ses efforts avec ceux du gave d'Ossau, a déblayé les sédiments secondaires, et ouvert une vallée plus large, et de pente beaucoup plus douce, entre les hauteurs de Gourzy et de la Bouchouse à l'Ouest, et celles de Bouerzy et Sesques à l'Est : le glacier, jadis, a profité de cet état de choses et l'a accentué. Mais ce palier est de peu d'étendue.
Bientôt, la montée vers le Sud reprend. La vallée, plus largement ouverte, reste cependant dans le granite, sans doute en raison de la disparition prochaine de la couverture calcaire.
A Gabas, dans un ample bassin granitique, on est à 974 mètres. A 2 kilomètres en amont de ce hameau, au pied de la Sagette de Busy, un deuxième palier se dessine dont l'altitude est d'environ 1140 mètres. Cette région de Gabas indique très grossièrement le point de convergence des trois branches qui constituent le gave d'Ossau. La plus occidentale celle où roule le gave de Bious tantôt extrêmement resserrée, tantôt légèrement dilatée en tout petits bassins à travers les schistes permiens, monte très rapidement vers la frontière entre le pic du Midi d'Ossau et les lacs d'Ayous et de Bersaü, s'élevant, par exemple, de 150 mètres en 1500 mètres.
Celle du milieu la vallée du Brousset mène au col du Pourtalet. Taillée dans les roches homogènes et relativement tendres schistes et calcaires dévoniens, terrains houillers qui contrastent avec les roches plus dures des alentours granite, andésite elle présente un magnifique spécimen de morphologie glaciaire quasi respectée par l'érosion actuelle.
Au-dessus d'elle, sculptée dans l'andésite, se dresse la double pointe, audacieuse et solitaire, du Pic du Midi. « vestige imposant d'éruptions très anciennes ». Mais c'est la plus orientale de ces vallées, celle du Soussouéou, qui retient le plus l'attention. Nous la voyons, au pont de l'Hourc, rejoindre celle du Brousset par un défilé sauvage, les blocs rocheux encombrant le lit du gave ; plus en amont, au contraire, nous sommes frappés par sa largeur, la douceur de son profil transversal, et le peu de tension de son profil longitudinal: « plaine du Soussouéou », dit la carte d’état-major ; une fois de plus, nous surprenons ici la trace d'un ancien glacier.
Même lorsque la « plaine » disparaît, c'est pour faire place à une vallée relativement évasée et de déclivité assez médiocre. Il faut arriver bien près de la source du Soussouéou pour voir la pente se faire très rapide. A quelques centaines de mètres de cette source, une cuvette très profonde, d'origine évidemment glaciaire, se niche dans le granite : c'est le beau lac d'Artouste, que domine le Palas, et dont le niveau n'est pas très loin de 2.000 mètres.
Ainsi, le relief de la vallée d'Ossau devait attirer les regards des ingénieurs en quête de chutes d'eau à aménager.
La nature avait préparé là trois paliers :
celui de Gabas,
celui de Miégebat,
celui de Laruns ; nous aurions dit quatre si nous osions donner le nom de « palier » au bassin d'Artouste.
Disposition antérieure, sans doute, à la grande période glaciaire : l'action des glaces, en tout cas, a vigoureusement accentué et souligné cette organisation morphologique si remarquable du point de vue qui nous occupe.
Du lac d'Artouste à Gabas, la chute nette pouvait être de 773 mètres ; de Gabas à Miégebat, de 380 mètres ; de Miégebat au Hourat, de 204 mètres.
Peu de vallées pyrénéennes offraient des conditions de relief aussi favorables. Mais en était-il de même pour l'hydrologie ?
Oui, à coup sûr. A la vérité, touchant l'importance des pluies et des chutes de neige, nous sommes aussi mal renseignés que possible, vu l'absence de pluviomètres dans la région. Du moins, le Service des Forces Hydrauliques s'est intéressé aux débits des cours d'eau ; nous possédons des mesures de jaugeage relativement nombreuses, qui ont permis à M. Jean Fischer de faire une place au gave d'Ossau dans sa belle étude sur le régime de l'Adour et de ses affluents. De ces mesures, il ressort que les conditions hydrologiques autorisaient pleinement un aménagement hydroélectrique de la vallée.
Non point toutefois en ce qui concernait le Valentin. Le bassin de ce cours d'eau, qui coule à peu près de l'Est à l'Ouest, est très bien exposé aux vents humides de l'Océan ; aussi son alimentation est-elle très abondante ; à la station de Lhey, « le module est de 0 m3 91 pour un bassin versant de 16 km2, soit un débit relatif de 55 L .8 par km2 » à celle des Eaux-Bonnes, il est de 1 m3 632 pour un bassin versant de 25 km2, soit environ 64 litres par seconde et par km2.
Ces chiffres étaient encourageants.
Malheureusement, en approchant de Laruns, le Valentin s'appauvrit gravement. Sa vallée est ici presque entièrement établie dans la nappe calcaire du Pic du Ger, et, à travers les fissures de la roche, une bonne partie des eaux va se perdre sous terre. Elle reparaît, il est vrai, en aval de Laruns, sous forme de sources nombreuses, mais le débit de celles-ci n'est pas moins perdu pour le Valentin. Cette constatation a dissuadé la Compagnie du Midi d'établir une usine hydroélectrique dans la vallée des Eaux-Bonnes.
Le cas de la vallée d'Ossau proprement dite n'est pas le même, bien qu'ici aussi l'existence de cette nappe calcaire qui prend une si grande extension dans le massif des Eaux-Chaudes soit un facteur essentiel à considérer. Le défilé des Eaux-Chaudes n'est pas sans évoquer le souvenir des grands cañons en pays calcaires ; aussi bien en est-il un.
Sur le soubassement granitique se sont étalées, bizarrement tordues et reployées, à la faveur des charriages, des couches de trias, de dévonien et de crétacé, les premières et les secondes surmontant les troisièmes. A la surface, c'est un véritable paysage karstique de dolines, d'avens plus ou moins reliés à la grotte des Eaux-Chaudes : les habitants des Eaux-Chaudes ne se plaignaient-ils pas naguère de la pollution de leurs sources par des cadavres de bestiaux que jetaient dans les avens du plateau supérieur de peu scrupuleux bergers ?
L'extension de cette zone perméable dans le bassin du gave d'Ossau ne peut pas ne pas avoir de graves conséquences hydrologiques.
De fait, le débit de ce gave est intérieur à ce que l'on pourrait escompter en considérant ceux des cours d'eau qui le constituent. Le gave de Bious, à en croire une série d'observations s'étendant de 1909 à 1929, a un module de 1 m3 162 pour un bassin versant de 20 km2 64, soit un débit relatif de 56 litres par seconde et par km2. Celui du Brousset dont le bassin est beaucoup plus grand, puisqu'à la station du Pont-de-Camps les calculs portent sur un bassin versant de 46 km2 24 roule à cette station un module de 2 m3 527, soit environ 55 litres par seconde et par km2.
Le chiffre peut ne pas paraître très élevé, mais il ne faut pas oublier que le col du Pourtalet n'a que 1790 mètres d'altitude, et que, par cette brèche, passent sans se condenser bon nombre de nuages que les vents du Nord-Ouest entraînent sur l'Espagne. Toujours est-il qu'à Gabas la réunion du Bious et du Brousset qu'on peut déjà dénommer gave d'Ossau, roule, selon des observations allant de 1912 à 1925, un module de 5 m3 35, correspondant à une alimentation de 49 litres 5 par seconde et par km2.
Mais cela n'est rien à côté du débit du Soussouéou. Ce torrent, né au voisinage des lacs d'Artouste et d'Arrémoulit, vient d'un bassin dont l'altitude dépasse presque partout 2000 mètres, et dont le cadre montagneux méridional ( les crêtes ont ici près de 3000 mètres ) est bien fait pour arrêter et condenser les masses nuageuses qui, poussées par les vents océaniques, viennent s'engouffrer dans ce cul-de-sac.
Ce bassin versant du lac d'Artouste reçoit en moyenne 21 millions de mètres cubes d'eau, ce qui représente un débit relatif dépassant légèrement 90 litres par km2. En d'autres termes, dit M. Fischer, « une lame de pluie écoulée de 2 m. 87... une lame d'eau tombée de près de 3 m. 20. »
Ce chiffre n'est nullement invraisemblable on en connaît dans les Pyrénées de presque équivalents : il n'en est pas moins énorme, et, de ce fait, on s'attendrait à voir le gave d'Ossau rouler, à partir du pont de l'Hourc, où le rejoint le Soussouéou, un volume beaucoup plus fort qu'à Gabas. En fait, aux Eaux-Chaudes, le module est bien de 10 m3 35 au lieu de 5 m3 35, mais le débit par seconde et par km2 de bassin versant n'est plus que de 48 litres 5 au lieu de 49 litres 5, et cela est d'autant plus déconcertant qu'outre quelques minces ruisseaux comme le Gaziès, le gave d'Ossau a reçu, entre temps, à Miégebat, le gave de Bitet dont le module est de 1 m3 379.
L'explication de l'énigme est sans doute dans ce fait qu'une partie des eaux disparaît dans les calcaires : on a souvent remarqué que, dans son cours inférieur, le Soussouéou paraît beaucoup moins abondant qu'au voisinage du lac d'Artouste.
Il est probable que cette eau s'en va sous terre rejoindre les grottes du massif des Eaux-Chaudes. Et, plus en aval, cette déperdition continue, toujours du fait de la grande nappe calcaire du pic du Ger et des Eaux-Chaudes.
Nous ne possédons pas de chiffres concernant le débit du gave à Laruns ; sans doute est-il un peu renforcé par l'arrivée du Valentin. Mais à Arudy, si le module est de 18 m3 985, le débit relatif n'est plus que de 44 litres 2, alors que, non loin de là, celui du gave d'Aspe est d'environ 45 litres. Ce déficit s'explique par de graves infiltrations à travers les calcaires de la région, et surtout, peut-être, à travers l'ancienne moraine de Bescat.
Le régime du gave devait-il, par ailleurs, donner des inquiétudes quant à la régularité de la marche des usines ?
Sans doute, il présente des variations saisonnières très accentuées. La période des hautes eaux trait commun à toutes les rivières pyrénéennes coïncide avec la fonte des neiges : au mois de mai, le torrent roule à Gabas 14 m3 8, aux Eaux-Chaudes 29 m3 38, à Arudy 38 m3 7.
En juin, le flot est encore gros, mais tend déjà à s'amoindrir ; la baisse s'accentue rapidement en juillet, plus encore en août et septembre : au rebours du bassin du gave de Gavarnie, celui d'Ossau ne possède, pour ainsi dire, aucune réserve glaciaire pour les mois d'été : en août-septembre, à Gabas, le débit n'est plus que de 2 m3 17 et le débit relatif de 20 L.1 au km2 contre 127 ; aux Eaux-Chaudes, de 3 m3 9, soit 18 L.contre 137 : à Arudy de 7 m 335, soit 17 L. 4 contre 91.
En octobre et novembre, les pluies provoquent une remontée des eaux, mais elle est d'un ordre modeste : à Arudy, par exemple, le gave ne présente qu'un débit de 19 m3, à peine plus que son débit annuel moyen en ce lieu ; et, pour les stations de Lhey, de Gabas et d'Arudy, M. J. Fischer calcule que la moyenne de novembre est uniformément de 45 litres par km2
C'est dire que ce « second maximum » est à peine marqué. Après quoi, le débit baisse à nouveau c'est l'effet de la rétention nivale et l'étiage d'hiver se produit, soit en janvier, soit en février. Pour être très accusé, il l'est un peu moins que celui d'été, le débit relatif de janvier est, à Gabas, de 22 L. 5 ; celui de février est, aux Eaux-Chaudes, de 19 L. 5. Il faut aller dans les parties les plus élevées du bassin pour trouver en raison de la forte rétention nivale un étiage d'hiver plus creux que celui d'été.
Mais, au total, ce régime nivo-pluvial assurait au gave, en toute saison, un débit suffisant pour que l'idée d’un aménagement hydroélectrique de sa vallée séduisit les ingénieurs. Assez fâcheuses, par contre, devaient leur paraître les variations annuelles : « on constate, en effet, qu'à Gabas, les débits annuels peuvent varier dans la proportion du simple au double » ; même chose aux Eaux-Chaudes ; à Arudy, la différence peut être encore plus accentuée. En somme, le problème qui se posait était celui-ci :
« Etant donné que la présence d'une très épaisse et très perméable nappe calcaire dans la région du Pic du Ger et des Eaux-Chaudes occasionne des pertes souterraines considérables, que, d'autre part, il existe sur le gave un étiage d'hiver et surtout un étiage d'été très accusés, et qu'enfin le débit moyen est loin d'être rigoureusement constant d'une année à l'autre, il est indispensable de trouver un surcroît de ressources en eau pour le cas où l'alimentation normale viendrait à fléchir dangereusement.
Cette alimentation supplémentaire doit évidemment être cherchée en amont, au-dessus de Gabas. Où la trouver ? »
L'examen des lieux imposait la solution. A la naissance de la vallée du Soussouéou, la magnifique cuvette du lac d'Artouste. « une des plus belles pièces d'eau des Pyrénées », pas très vaste, mais très profonde, semblait désignée d'avance par la nature pour constituer un réservoir saisonnier. Au prix d'une vidange pratiquée en temps de basses eaux, le débit d'étiage du gave serait énergiquement soutenu, et dès lors, les conditions hydrologiques naturelles très heureusement modifiées s'uniraient aux conditions de relief pour inciter aux plus beaux espoirs. « L'utilisation du lac d'Artouste comme régulateur annuel, a écrit M. J. Leclerc du Sablon, est à la base de l'aménagement hydroélectrique de la vallée d'Ossau. »
Encore fallait-il obtenir des riverains l'autorisation d'aménager le gave, et l'on sait que pendant longtemps, « le misonéisme des communautés pyrénéennes » accueillit de fort mauvaise grâce de semblables demandes.
Heureusement, au lendemain de la grande guerre, les conditions économiques et l'état des esprits n'étaient plus les mêmes. Au demeurant, dans la haute vallée la seule qui alors intéressât les ingénieurs l'eau du gave n'était presque pas utilisée par les hommes.
La population y est numériquement insignifiante.
Du Hourat à la frontière, pas l'ombre de vie agricole : la question de l'irrigation des champs ne se pose pas.
De vie industrielle, point « ou si peu que c'est ne rien dire » le zinc et le plomb argentifère de Soussouéou sont inexploités : quant à la fabrication des grains de chapelet que fit naître la qualité des buis des forêts de Gabas, elle n'avait que faire de la force motrice du gave. En somme, il n'est dans ce pays que deux ressources : le bois et le bétail.
A l'herbe comme à l'arbre, l'eau du ciel suffit ; d'ailleurs, vu l'encaissement du gave, il serait, dans la majorité des cas, impossible de pratiquer l'irrigation des prairies.
L'eau du torrent et la force qu'elle représente constituaient donc des richesses inemployées :
La Compagnie du Midi ne devait guère avoir de peine à obtenir des Ossalois la permission de s'en servir.
Sources
- Jorré Georges. L'aménagement hydroélectrique de la Vallée d'Ossau. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest,
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