epuis nombre d'années déjà, la Compagnie des Chemins de fer du Midi travaille à électrifier son réseau.
Désireuse de s'affranchir du lourd fardeau financier que représentait et que représente pour elle l’achat d'énormes quantités de charbon, elle a demandé aux chutes d'eau pyrénéennes l'énergie nécessaire à la traction des trains qui circulent sur ses voies.
Sa politique d'électrification, que tous les techniciens s'accordent à déclarer admirable, l'a amenée à réaliser des aménagements d'une rare perfection : il n'en est sans doute pas de plus beau que celui de la vallée d'Ossau.
Il nous a semblé que l'utilisation industrielle de cette vallée méritait d'être étudiée ici, d'autant plus qu'elle paraît bien avoir été l'une des œuvres de prédilection de la Compagnie du Midi en ce domaine.
2 - L’Aménagement.
Ce fut le service constructeur des transpyrénéens qui eut les premières vues sur la question : aucune tentative ne devança celle de la Compagnie. Celle-ci, au début, ne songeait à rien d'autre qu'à produire de l'énergie en vue de l'électrification de son réseau.
A l'origine, les ingénieurs envisagèrent un aménagement limité à la chute de 670 mètres environ comprise entre la plaine du Soussouéou et Miégebat. Mais bien vite la disposition en paliers dont nous avons parlé plus haut s'imposa à leur attention, de même que la nécessité d'ériger le lac d'Artouste en réservoir saisonnier.
Aussi la Compagnie négocia-t-elle activement l'achat des terrains nécessaires aux installations projetées.
Du côté des Eaux et Forêts, ce fut facile : le prix des bois coupés se régla au fur et à mesure de l’abattage. Quant aux particuliers, ils se laissèrent indemniser à l'amiable ; il en fut de même à propos des communaux et des terrains appartenant à des syndicats.
Il n'y eut que quatre servitudes d'irrigation à sauvegarder : une aux Eaux-Chaudes, deux au Hourcq et une à Gabas.
Tout cela, au total, se fit sans trop de peine ; les pourparlers durèrent à peine deux ans (1920-1921). Avec une belle crânerie, sans même attendre qu'ils fussent terminés, la Compagnie, dès 1920, commençait la construction des trois usines rêvées, mais celle d'Artouste ne devant avoir qu'un rôle de soutien, ce furent les travaux du Hourat, puis ceux de Miégebat qui furent poussés le plus activement.
Ainsi que nous avons cherché à le montrer, la morphologie de la vallée dictait l'emplacement des usines.
Celle du Hourat s'établit un peu en aval du verrou, sur la rive gauche.
Son installation ne connut pas de difficultés graves, hormis la nécessité d'en consolider l'angle Nord-Ouest par une plateforme en rails et béton.
Mais le canal du Hourat dut être percé à travers un sol calcaire excessivement caverneux où, de place en place, s'ouvraient des fissures capables de livrer passage à un homme.
En un sens, le travail en était facilité il suffisait de tailler des couloirs reliant ces grottes les unes aux autres, mais cette perméabilité du terrain, qui laissait suinter une véritable nappe d'eau, inquiétait nombre de gens : « Ce canal fuit », disait-on volontiers au directeur des travaux. Aussi bien, pour le passage voisin de la grotte des Eaux-Chaudes, fut-il jugé sage de doter ce canal, sur une longueur de 250 mètres, de parois en ciment armé.
Il en fut de même pour la traversée de la route nationale à Miégebat, laquelle dut se faire par un anneau en ciment armé. Mais tous les obstacles furent surmontés et, le 7 mai 1925, l'usine du Hourat entra en service.
Le canal de Miégebat, sur les 500 mètres qui précèdent son arrivée à la chambre d'eau, a dû se creuser dans le calcaire, et la tâche n'a pas toujours été facile. Mais, plus en amont, il a été percé, à travers un granite d'excellente qualité ; là, du moins, le terrain ne donna pas de mécomptes.
Par ailleurs, l'établissement de l'usine de Miégebat a été relativement aisé : moins de deux ans après les débuts du Hourat le 22 février 1927 elle commençait à fonctionner.
La tâche la plus délicate restait à accomplir.
Tout d'abord, où placer l'usine d'Artouste ?
Son cas était très particulier.
On ne pouvait la bâtir au bord du lac, puisqu'il s'agissait de la situer à l'extrémité du canal de vidange saisonnière.
Il fallait donc la placer derrière la crête montagneuse qui sépare le bassin d'Artouste de celui de Gabas.
Serait-ce sur la rive droite du Soussouéou ? Impossible.
La vallée du col de Taouseilla était un empêchement prohibitif : l'usine ne pouvait s'élever que sur la rive gauche.
Mais sa place dépendait de celle de la chambre d'eau qui devait être au niveau du lac, à 8 mètres près : c'est dire qu'on ne pouvait aller plus loin que le col de la Sagette.
Comme on ne peut, dans ce genre de travaux, franchir une crête séparative qu'autant qu'on est plus bas qu'elle, on se décida à commencer la percée du canal aussi loin que possible du lac sans perdre de dénivellation en d'autres termes, à se plier aux conditions naturelles de relief avec la plus complète docilité et à construire au voisinage presque immédiat de Gabas l'usine dite d'Artouste.
D'autre part, une fois cette question tranchée, il s'agissait de réaliser la percée du lac.
Le canal, dans sa partie aval, dut traverser des schistes déplorablement friables : du moins, dans sa partie amont, retrouva-t-il l'excellent granite dans lequel s'est creusé l'ombilic glaciaire qu'occupe aujourd'hui le lac.
Cependant, ce fut surtout au voisinage de ce dernier que le travail devint épineux.
La capacité de 23 millions de mètres cubes que l'on désirait donner au réservoir pouvait être obtenue dans de bonnes conditions en perçant le lac à 49.50 mètres en dessous de son niveau normal et en relevant ce niveau de 22 mètres au moyen d'un barrage...
Il eût été possible de pratiquer directement la percée à la cote voulue : étant donnée la charge d'eau considérable correspondante et les difficultés qui en pouvaient résulter, il fut décidé de pratiquer 2 galeries auxiliaires, de manière à ne pas dépasser une charge de 20 mètres sur l'orifice.
Ces galeries, d'une hauteur de 1 mètre.80 et d'une largeur égale, progressèrent au moyen de volées de 13 à 14 trous de mine.
L'avance de la première eut à souffrir de forts suintements et même de graves venues d'eau aux abords du lac, ainsi que de la présence de poches de glaise qui, parfois, annulèrent presque complètement l'effet des explosifs.
La seconde fut plus facilement forée et assura dans d'excellentes conditions l'écoulement de la tranche d'eau située au-dessus de son débouché dans le lac : la troisième qui devint la galerie de prise définitive fut percée pendant la campagne d'été 1925 à une vitesse qui atteignit parfois 3 mètres par jour.
Le 13 novembre 1925, l'explosion d'un fourneau de 275 kilos de dynamite provoqua la percée définitive. Il était temps : un froid très vif, prématurément survenu, rendait pénible la continuation des travaux, et le ravitaillement se devait faire à dos d'homme, le sentier de 9 kilomètres construit pour le service du chantier étant devenu impraticable aux mulets eux-mêmes.
Au printemps de 1926, on constata que la pénétration de l'eau dans la galerie était sérieusement gênée par un seuil rocheux ; on s'efforça tout de suite de le détruire, mais la ténacité de sa résistance n'en permit le dérasement complet qu'au début de l'hiver 1927-1928.
Dès lors, la percée du lac était achevée, et sa vidange assurée au mieux. Cependant, l'usine d'Artouste se construisait sans incident notable.
A son tour, le 17 février 1929, elle entrait en service.
A cette date, aucune autre installation, aucun perfectionnement de détail n'étant envisagés, l'aménagement de la vallée devait être regardé comme terminé. La Compagnie du Midi fera-t-elle un sort aux lacs d'Ayous ? Cela est extrêmement douteux. Toutefois, s'il a été question naguère que leurs eaux fussent détournées vers la vallée d'Aspe, ce projet semble actuellement abandonné.
Sources
- Jorré Georges. L'aménagement hydroélectrique de la Vallée d'Ossau. Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest,
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