DUCHESSE DE BERRY
(l8 JUILLET–31 SEPTEMBRE 1828)
A PAU, PATRIE d’HENRI IV !
n cette soirée du 19 juillet 1828, escortée du général Janin et de son brillant état-major Une coïncidence curieuse voudra que ce même général Janin, qui en 1828 caracole joyeusement auprès de la calèche de la Duchesse de Berry, soit appelé, en 1832, en sa qualité de commandant de la place, à prendre les mesures de sécurité indispensables à la surveillance et à la mise au secret de la Princesse qui vient d’être arrêtée à Nantes et que la frégate la Capricieuse conduit en captivité à la citadelle de Blaye (voir monographie de la ville de Blaye, par G.Loirette, archiviste de la Gironde, collection « Villes du Sud-Ouest », éditée par Chabas, 1933 enivrée des acclamations reçues tout au long du parcours, Marie-Caroline, duchesse de Berry, fait son entrée dans la ville de Pau.
Sa calèche découverte, sur sa recommandation expresse, marche à petit pas, afin que chacun puisse mieux contempler son souriant visage. Ce n’est pas au château qu’elle se rend tout d’abord, l’état de délabrement et d’abandon dans lequel présentement il se trouve, l’oblige à descendre à la Préfecture.
Après une nuit de repos bien gagnée, le lendemain qui est un dimanche, la Duchesse de Berry se rend à l’église Saint-Jacques afin d’y entendre la messe que
célèbre pour elle Mgr d’Astros, évêque de Bayonne, spécialement venu à cet effet. Ensuite, par la grand’rue, toujours en voiture découverte, la Princesse se dirige vers le Château qu’elle visite avec l’émotion qu’on devine.
A vrai dire son cœur se serre à la vue de « ce vieux et noble monument où toutes les grandeurs ont passé sans laisser d’autres vestiges que les bustes mutilés des princes du Béarn et des armoiries à demi effacées.....On n’y trouve que le temps qui démolit insensiblement les tours gothiques, les créneaux, les ogives, sans qu’on paraisse s’occuper d’en prémunir ou d’en retarder du moins les ravages : le berceau d’Henri IV, épargné par la Révolution et le temps, reste seul pour redire la gloire de cette antique demeure. »
Impressionnée par tant de délabrement, Marie-Caroline prend la résolution de demander au roi de sauvegarder par d’urgentes restaurations ce grand souvenir historique.
Et son pèlerinage se poursuit par une visite à la maison de Lassenaa, où Henri IV fut placé en nourrice. Dans cette plaine de Billère qui longe le Gave, une surprise
l’attend. (sic)
M. de la Villegille, colonel commandant le 6e de ligne, a fait préparer « une feuiliée », fête à la fois champêtre et militaire. « Au milieu de la vaste plaine, et non loin du Parc Royal, des militaires du 6e avaient construit une tente de forme oblongue d’environ vingt pieds de haut, revêtue dans toute la partie extérieure de
mousse à travers laquelle serpentaient, comme par hasard, des pampres de vigne et de lierre.
De vastes fleurs, des orangers, étaient dispersés çà et là ; aux deux extrémités de la tente, sur des tables aussi revêtues de mousse, on avait placé les plus beaux fruits. Pour augmenter le charme de ce tableau, la scène avait lieu sur le bord d'un ruisseau rapide qui murmurait à travers les saules et si l'on pouvait se décider à chercher d'autres objets loin de ces bords enchantés, d'un côté l'on découvrait la
maison où fut nourri Henri IV, et comme un amphithéâtre, couverts de spectateurs, le parc et une partie du château, de l'autre, le cours sinueux du Gave, le riant coteau de Jurançon et la chaîne immense des Pyrénées.
Madame a daigné témoigner à M. le colonel combien elle était satisfaite des soins et du goût qui avaient présidé à ces préparatifs. Elle a mangé un fruit et après être restée assise pendant quelques instants sur le bord du ruisseau, S. A. R. est sortie de la tente pour passer en revue la Garde Nationale (commandée par M. Lavielle) et les troupes du 6e de ligne qui étaient rangées en bataille à peu de distance. Pendant la scène, une population immense de la ville et des environs ne cessait de se porter sur les pas de Madame et de l'accompagner de ses acclamations....
Au milieu de cet appareil guerrier, elle se montre grande, majestueuse, comme il convient à la fille d'un héros François Ier, roi des Deux-Siciles, père de Marie-Caroline-Ferdinande-Louise de Bourbon, n'avait cependant rien d'un héros !... Voyez-la maintenant au milieu de ces bons paysans de Billère, comme elle est bonne, simple, affectueuse ! Elle sourit à l'un, encourage l'autre, joue avec le bâton qui servait à Henri IV dans son enfance. Le curé de cette commune lui présente une pétition pour lui exposer, sans doute, les besoins de sa modeste église, la Princesse reçoit avec bienveillance sa supplique et se retire à l'écart pour la lire. Des jeunes paysannes viennent lui offrir un bouquet de modestes fleurs qu'on trouve au village ; Son Altesse s'informe avec empressement si elles ont été cueillies dans le jardin qui vit les premiers pas du Béarnais, et quand elle en a acquis la certitude : « Ah, tant mieux ! dit-elle, je garderai ces fleurs pour les envoyer à mes enfants ! ».
Malgré la chaleur du jour, c'est à pied qu'elle veut parcourir les allées du Parc Royal, se plaisant à se recueillir sur l'emplacement où se dressaient, naguère, les
ruines du petit pavillon dans lequel, selon la tradition, Jeanne d'Albret venait, loin des bruits de la Cour, surveiller l'éducation de ses enfants. « Madame est montée par un sentier rapide, à peine tracé, jusqu'à l'allée qui se trouve en haut de cette promenade d'où l'on découvre une vue magnifique et les sites les plus variés. »
Une audience aux notabilités paloises termine l'après-midi.
Le soir, Madame se rend place Royale afin d'assister de ce belvédère à un féerique spectacle : une ligne de feu a été disposée sur les coteaux qui, en plissements gradués et successifs, atteignent les montagnes. L'ensemble est réussi, réellement digne d'un conte de fée. Les feux se joignent aux innombrables maisons ou fermes, elles aussi illuminées, et le château de Gélos se distingue entre tous par son éclairage brillant qui en fait « un palais magnifique ».
Mais la journée ne sera close qu'après le bal auquel Marie-Caroline a été conviée à l'Hôtel-de-Ville et auquel elle danse avec MM. de Perpigna, maire de Pau, le comte de Gontaut-Biron, et Lavielle, commandant la garde nationale.
Le 21 juillet, la marquise de Gonlaut, belle-sœur delà gouvernante des enfants de Madame, a prié celle-ci de lui faire l'honneur de déjeuner chez elle. Entre temps Marie-Caroline visite la propriété de M. de Catarède, « un des plus beaux sites des environs ». Au cours de cette promenade faite à pied, on rapporte qu'elle ramassa une petite pierre de couleur curieusement veinée, déclarant à M. de Maucor qui lui faisait escorte : « Je garderai précieusement ce souvenir des coteaux béarnais afin de le rapporter à mes enfants. »
Tout d'ailleurs ici lui rappelle son fils, jusqu'à cette inscription qui timbre l'arc
de triomphe sous lequel elle vient de passer : Dap lou maynadou que tournets !
Revenez avec votre enfant !
Une soirée intime ayant été organisée chez la marquise de Gontaut, « la brillante illumination qu'on voit de l'extérieur dit assez tout l'éclat de cette fête. Madame y a paru en costume très simple, elle avait exigé qu'on ne lui réservât pas de place d'honneur, et comme malgré ses injonctions on lui présentait un fauteuil plus élevé, elle voulut que Mme la marquise de Gontaut, qui était malade, l'occupât.
La Princesse n'a pas borné là ses aimables attentions, elle avait quelque chose de bienveillant à dire à toutes les personnes qui avaient le bonheur de l'approcher.
Ayant aperçu Mlle de Nays, qui lui avait présenté une corbeille de fleurs artificielles au nom de la Ville : « Vous voyez, Mademoiselle, les fleurs que vous m'avez données me sont précieuses, je m'en suis parée ce soir. »
Au cours de cette réception on joua une pièce de M. de Gayrosse, inspirée par les circonstances, et une chanson béarnaise composée par M. de Lagrèze obtint un très vif succès. « Le maire de la ville de Pau eut l'honneur de remettre à Madame la médaille « des deux Henri » portant d'un côté l'effigie de Henri IV, et de l'autre celle du jeune Duc de Bordeaux, avec ces mots pour exergue :
« A la mère du jeune Henri, Pau, le 20 juillet 1828. »
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Sources
- Gorsse (de) Pierre. Deux mois dans les Pyrénées avec Marie-Caroline de Naples, duchesse de Berry (18 juillet - 21 septembre
1828)
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