La vallée d'Ossau :
Culture et Mémoire
Sauts et Branles d'Ossau.
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n Ossau, les danses peuvent se diviser en trois genres. Nous ne pouvons les examiner que de façon sommaire car nos connaissances en matière de chorégraphie sont des plus pauvres.
Les danses d'Ossau nous sont parvenues presque intactes depuis le Moyen Âge et le XVIe siècle.
Pour mieux les admirer, les apprécier, et se convaincre de leur effet esthétique, le mieux est de les voir dansées par les ossalois eux mêmes.
C'est encore possible aujourd'hui en assistant aux fêtes traditionnelles de la région:
- À Béost, pour les fêtes de la St Jacques le 25 juillet.
- À Laruns, pour les fêtes du 15 août.
- À Bielle, pour ses fêtes le 20 août.
Ce qui contribue pour beaucoup à la physionomie pittoresque de ces vieilles danses d'Ossau, c'est l'accompagnement, la sauvage et originale musique de la flûte et du tambourin.
La structure du bal ossalois
Les musiciens sont situés au centre du dispositif souvent sur une estrade. (Lou Taulé)
Les danseurs vont tourner autour des musiciens.
Pour annoncer le début du bal ossalois, les musiciens jouent souvent un air du répertoire des chansons ossaloises.
Ils peuvent faire de même au cours du bal pour créer une pause.
Les musiciens doivent s’efforcer de ne pas rejouer le même branle (ou le même saut) au cours d’un même bal.
Il faudrait aussi éviter que certains branles qui sont très rarement joués tombent dans l’oubli.
Il existe une controverse sur l’ordonnancement des danses lors de la fête patronale. Faut-il commencer par les sauts ou par le Bach ?
Force est de constater que les deux variantes ont existé au cours des années. « pour des raisons d'organisations, et, de fluidité, le cortège étant formé par couples à la sortie de la messe il est plus simple et pratiques de commencer par celui-ci »
Tout bal se termine en principe par le branle « Foutets me lou camp canalhes. »
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Lou Bach
Dans son document « Essai sur les Chants et les Danses de la Vallée d’Ossau » paru en 1936, Robert Bréfeil présente cette danse : « Lou Bach » est un pas spécial aux solennités, aux réjouissances qui accompagnent les moments importants de la vie campagnarde, les noces, les baptêmes, les fêtes patronales.
Danseurs et danseuses se tiennent par la main en une ronde non fermée.
Au son du petit flûtet de buis et du ronronnant tambourin, cette sorte de farandole se met en marche menée par un conducteur…
Jean-Michel Guilcher décrit le Bach de manière plus précise : « Le branlou bach est dansé par un nombre quelconque de couples, hommes et femmes alternés se tenant par les mains. Le meneur est le cavalier placé à l’extrémité gauche de la chaîne (l’extrémité droite est occupée par une femme). Il demeure à ce poste aussi longtemps que dure la danse. Chaque homme a sa danseuse à sa droite. On tient levée à hauteur d’épaule la main que l’on donne à son propre partenaire. On laisse pendre le bras qui vous relie à l’autre voisin ou voisine.
La disposition d’ensemble est circulaire, mais la chaîne ne se ferme pas en ronde : entre ses deux extrémités demeure un espace libre, où d’autre couples peuvent continuer à s’ajouter en queue. Le branle tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Le tempo est très légèrement plus rapide que celui d’une marche ordinaire. »
Pas composé du « Bach »
Le pas composé de la danse fait alterner régulièrement deux motifs équivalents de quatre temps :
Trois petits pas marchés : Gauche (temps 1), Droite (temps 2), Gauche (temps 3) puis suspension du pied droit (temps 4) ;
Trois petits pas marchés : Droit (temps 1), Gauche (temps 2), Droit (temps 3) puis suspension du pied gauche (temps 4).
L’alternance des deux motifs se poursuit tout au long de la danse.
Une ritournelle sur deux, les hommes font face à leur danseuses et ils se déplacent à reculons.
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Les sauts ossalois :
Dans son document « Essai sur les Chants et les Danses de la Vallée d’Ossau » paru en 1936, Robert Bréfeil décrit les sauts de la manière suivante :
Les Sauts sont dansés par les hommes seulement. Ils exigent un grand déploiement de force et une agilité peu commune...
Il y a quatre sortes de sauts. Monein et Moutchicou d’origine basque qui se ressemblent à peu de choses près, la Crabo où en plus des pas ordinaires sont exécutés des ciseaux d’allure vraiment acrobatique et, enfin, Peyroutou commun à la fois au Béarn, aux Landes et à l’Agenais.
Gibandrier est aussi un saut très complexe qui a disparu du répertoire ossalois après la 1er Guerre Mondiale.
Jean-Michel Guilcher décrit de manière très précise les sauts basco-béarnais. Les particularités liées aux sauts ossalois sont mentionnées, cependant certaines ne sont pas traitées ou approfondies comme le reste du document ?
Le saut « Peyroutou » en vallée d’Ossau est associé à la « Matelote »
L’unité Coupa merca (ou Coupa e merca) n’est pas identifiée. Elle est remplacée par l’unité Coupa
?
Les camades sont brièvement décrites : sauts en ciseaux exécutés par plusieurs danseurs ?
Le « Saut » n’est pas identifié comme une unité de danse.
Dans la mesure du possible, le vocabulaire de Jean-Michel Guilcher est utilisé dans ce document : unité de danse, pulsation, etc…
Jean-Michel Guilcher écrit : ‘Les participants se disposent les uns derrière les autres en file régulièrement circulaire. Jamais ils ne se tiennent en aucune manière. Les bras pendent librement le long du corps. Les danseurs décrivent sur le cercle, alternativement dans un sens et dans l’autre, des arcs dont la longueur varie, comme varie la durée des fragments musicaux qui les accompagnent.
Comme les branles, les sauts ossalois sont des danses collectives. Tous les sauts débutent dans le sens inverse des aiguilles de la montre. Le premier pas d’une unité est toujours du pied extérieur au cercle. Le premier pas du saut est donc un pied droit.
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Lous Branlous.
C’est Robert Bréfeil qui décrit sûrement le mieux les branles ossalois. Il écrit : L’exploitation faite par la musique instrumentale, des thèmes vocaux originaux et frustres, est véritablement ahurissante. Il faut avoir une longue pratique, et une expérience consommée, pour découvrir dans le branle exécuté sur la flûte et le tambourin, la ligne mélodique de la chanson qui porte le même titre.
Celle-ci constitue un canevas, sur lequel des générations d’instrumentistes ont brodé des ritournelles qui leur sont propres, et qui ont été retransmises avec des ritournelles de ritournelles, enchevêtrement dans lequel un non initié ne se reconnaîtra jamais. …
Le Branle d’Ossau est la danse la plus mouvante qui soit. Chaque danse a un nom qui lui est donné par son air initial… En somme, le branle est une danse savante, qui comporte un cérémonial précis et des règles….
Jean-Michel Guilcher décrit la forme des branles :
Jusqu’à la fin du XIXem siècle au moins, le branlou ayréjan s’est dansé en chaîne ouverte circulaire admettant les danseurs en quelque nombre qu’ils se présentent. La chaîne est conduite par son extrémité gauche. Le déplacement d’ensemble se fait dans le sens des aiguilles d’une montre. Les danseurs se tiennent par la main. Chaque homme a pour partenaire la femme placée à sa droite. Cette disposition est la seule dont fassent mention les documents anciens. …
Comme il est fréquent dans cette sorte de danse, la tête du branle est un poste envié, qu’aucun garçon bien appris ne doit accaparer trop longtemps. La permutation des meneurs est de règle. Après avoir conduit quelques temps, le couple de tête passe en queue, et le second mène à son tour, avant de laisser la place au troisième...
Même si la configuration en couple s’est généralisée depuis les années 1930, le branle ossalois demeure une danse collective : les couples se suivent dans un cercle autour des musiciens. Le mouvement s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre. Lorsqu’il y a du monde, des cercles concentriques se forment.
Les couples rentrent dans la danse quand ils le veulent mais sans perturber les autres couples. Les couplent se suivent sans se doubler.
Il est possible de faire tourner sa cavalière et les vieux danseurs faisaient même sauter leur cavalières.
De nos jours et notamment lors du dernier branle ‘Foutets mé lou camp canalhes’, la chaîne des couples se recompose.
Ci-dessous la liste des branles les plus connus.
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Lou Bach
(Danse de Cérémonie)
L'Aulhade
(Branle rétourcut) Branle rétourcut (irrégulier) Robert Bréfeil introduit la notion de branles « rétourcuts » : ... La Bielhe, l'Airéjan, Las Campanos de Paris, Allemande et Suisse, Coulourine de rose, l'Aulhade. Ce sont les branles dits rétourcuts destinés à faire honneur aux meilleurs danseurs. Les ritournelles « standard » sont de 8 temps ou 8 pulsations de danse. Les branles rétourcuts présentent des irrégularités rythmiques : certaines ritournelles sont plus courtes (7 temps) et parfois plus longues (9 temps). Cela ne pose pas de problème aux musiciens qui connaissent de mémoire les mélodies. Ils jouent ces irrégularités souvent sans le savoir.
Pour les danseurs, c´est différent car en exécutant le pas de branle « standard », ils vont se retrouver suivant les cas en avance ou en retard. Des oppositions de phase vont apparaitre dans un même couple ou entre les couples. En général, tout se recale à la prochaine ritournelle.
Jean-Michel Guilcher décrit cette particularité de la manière suivante : « Le rapport de la musique à la danse, le plus souvent satisfaisant, laisse parfois à désirer. Le nombre de mesures à l'intérieur des reprises n'est pas absolument constant, ni même toujours pair. Il devrait en résulter une gêne pour le danseur, dont les mouvements s'ordonnent uniformément en motifs de deux mesures (nota : quatre mesures dans notre cas). Pratiquement la façon de jouer masque en partie les irrégularités passagères de la forme. Le tambourin en accentuant régulièrement chaque temps de la mélodie (ordinairement avec une percussion plus faible sur la seconde moitié du temps) favorise la perception de la pulsation au détriment de celle du phrasé. Les « meilleurs » danseurs connaissent de manière très précise la mélodie de la danse. Ils peuvent ainsi anticiper ces irrégularités. Ils vont adapter leur pas et utiliser par exemple un pas chassé ou un autre subterfuge pour rester dans le rythme de la danse. Le Branle d'Aüssaü, qui est très souvent joué, est rétourcut. Le branle principal est composé de trois ritournelles. Les ritournelles s'enchainent de la manière suivante : ritournelle A : 8 pulsations puis 7 pulsations, ritournelle B : deux fois 8 pulsations, ritournelle C : 8 pulsations puis 9 pulsations, ritournelle A, etc.…
Pour les danseurs, il faut savoir que ces irrégularités existent. Il est important d'écouter le tambourin pour recaler son pas de danse si nécessaire. Pour les musiciens ossalois, il est essentiel de conserver ces particularités qui donnent toute leur authenticité et leur richesse aux branles ossalois. Il est parfois mentionné dans la littérature que les musiciens généraient des irrégularités pour perturber volontairement (ou pas ?) les danseurs.
L'Ayréjan
(Branle régulier) Branle « régulier » ou « simple » Un branle ossalois peut être considéré comme régulier (ou simple) lorsque toutes les ritournelles qui le composent sont « standards » avec 8 temps ou 8 pulsations de danse. La majorité des branles ossalois sont des branles réguliers : Lou Ségouné, La Marie Congo, Las Escloupétes, Bère Binagrère, Peyrot, Foutets mé lou camp canalhes, etc…
A l'entour du moulin (Branle arrépicat) Branle arrépicat : Jean-Michel Guilcher donne une description d'un branle arrépicat : Quel que soit l'air qui l'accompagne, le branlou ayréjan se danse avec le pas fondamental que nous avons analysé. Deux ou trois branles seulement y ajoutent quelques mouvements qui leur sont propres. …. Le branle de « la boulangère » après deux phrases de huit temps et un motif de quatre temps (mesures 9-10) dansés avec les mouvements habituels, comporte deux phrases d'un seul tenant (mesures 11-18) où le cavalier fait constamment face à sa danseuse, elle avançant, lui reculant.
Robert Bréfeil écrit : « Chaque danse a un nom qui lui est donné par son air initial, et qui lui donne aussi sa qualité de branle avançant ou reculant. Elle se compose de plusieurs chansons, cousues par des ritournelles lous arrépics. » Les branles « avançants » sont les branles réguliers décrits précédemment. Les branles « reculants » sont les branles arrépicats décrits dans cette section. Attention, Robert Bréfeil utilise le terme « arrépic » pour désigner des ritournelles clefs qui indiquent aux musiciens et aux danseurs les transitions entre les différentes parties d'un branle. Pour identifier les branles arrépicats, il faut bien écouter la mélodie. Certaines ritournelles sont plus longues que les ritournelles « standards ». Dans les branles ossalois instrumentaux, on trouve ainsi des ritournelles de 12 pulsations, 16 pulsations et 20 pulsations.
Pour la suite du document nous allons définir un arrépic comme un pas de danse de deux pulsations dans lequel le cavalier fait face à sa cavalière. Le branle « La boulangère » est le branle type du branle arrépicat. La deuxième ritournelle du branle principal contient 20 pulsations. La mélodie permet assez facilement d »identifier les pulsations concernées dont le motif se répète. Six arrépics viennent s »insérer au milieu du pas de branle standard.
Le branle « A l'Entour du moulin » est aussi arrépicat mais plus complexe. La première ritournelle du branle principal contient 12 pulsations, soit deux arrépics. Cette ritournelle est normalement répétée. La deuxième ritournelle du branle principal contient 16 pulsations, soit quatre arrépics. En principe, cette ritournelle n'est pas répétée sauf exceptionnellement lorsque le chef d'orchestre décide de tester l'attention des danseurs. Le branle « La Bastrangle » est arrépicat et il est parfois appelé « branle double. » La deuxième ritournelle du branle principal contient 16 pulsations, soit quatre arrépics. Il est facile de se tromper et certains danseurs doublent leur pas de base (deux fois huit pulsations) comme s'il s'agissait d'un branle régulier ou simple. Pour les musiciens ossalois, les branles arrépicats ne présentent aucune difficulté, ils sont très régulier en ce qui concernent leur rythme. Pour les danseurs ossalois, il est essentiel de pratiquer ces branles arrépicats qui permettent d' agrémenter la danse et de rompre avec le coté répétitif du branle régulier. Ils font partie de la richesse du patrimoine ossalois
Ah ! ça ira (Branle régulier)
Allemande et Suisse (Branle arrépicat)
Bère binagrère / Bère paloumète (Régulier)
Bire tas aüques (Branle régulier)
Branlou d'Aüssaü (Branle rétourcut)
Coulourine dé rose (Branle régulier)
Hilhote (Branle arrépicat)
La Bastrangue (Branle arrépicat)
La Boulangère (Branle arrépicat)
La damisèle deu Bournaü (Branle régulier)
La Bielhe (Branle régulier..?)
La Goalharde (Branle régulier)
La Lorraine (Branle arrépicat)
La Marie Congo (Branle régulier)
Las campanes dé Paris (Branle rétourcut)
Las escloupètes (Branle régulier)
Lirote (Branle rétourcut et arrépicat)
Lou Ségounè (Branle régulier)
Lous Castérets (Branle arrépicat)
Lous très sautets (Branle régulier)
Peyrot (Branle régulier)
Foutets me lou camp canailhes ( Branle Régulier)
C'est ce dernier branle qui clôture toutes les manifestations de ce genre.
Groupe d'Ossalois en coustumes. (15 août 1956)
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Sources
- Jean-Michel Guilcher - Robert Bréfeil - Francis Casaux-Porte
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