La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LE COMBAT DE LA CAZE
DE BROUSSETTE8



e 14 avril, le département promet 25 fusils et le district (Oloron), 25 autres ; mais on verra que le 26 avril, la moitié seulement des armes promises ont été fournies.
    Le 31 mars, Junker transmet au 3eme bataillon des Hautes-Pyrénées alors alors à Navarrenx, l’ordre de se porter dans la vallée :
     Cinq compagnies à Arudy, quatre à Laruns, détachant 50 hommes aux Eaux-Chaudes, autant à Gabas. On le voit, c’est la neige qui garde le port puisque Broussette n’est pas occupée. Mais, dès le 15 avril, le Conseil Général du département rend compte du départ de ce bataillon et signale :
    « Le patriotisme des habitants de cette vallée (Ossau) qui, de leur propre mouvement, ont placé un poste dans la gorge de Laruns. Nous leur avons donné le citoyen Raynaud pour les commander. Le Conseil demandait l'autorisation de payer les gardes nationaux en service « comme les autres troupes de la République », ce qui fut accordé le 21 avril par les représentants en mission Neuveu et Isabeau, et le commandant en chef ordonna de régler leur solde aux gardes désignés par les autorités comme « ayant fait le service depuis l’époque du 1er avril et de mettre en état de réquisition permanente non plus 150, mais 300 Valléens divisés en deux compagnies organisées de suite et postées militairement, d’après les ordres ou renseignements du citoyen Junker adjoint à l’Etat-Major de l’armée. »

     Le département écrit le 26 avril au Citoyen Raynaud : « L’armement de votre troupe sera difficile, vous n’avez que 75 fusils de guerre. En attendant mieux, il faudra armer vos Gardes Nationaux comme vous pourrez, requérir le district d'Oloron de vous fournir des armes provenant du désarmement et subsidiairement des piques. »
    Il annonçait en outre l’arrivée de 6 canons, de 12 canonniers et incessamment de troupes réglées.
     La municipalité d’Arudy se plaint des difficultés et des lenteurs de l'organisation des trois cents hommes en deux compagnies et, le 29 avril, le Conseil Général du département prévient Servan de l'envoi dans la vallée de « deux commissaires qui informeront sur les faits contenus dans le procès verbal et qui mettront en état d’arrestation toutes les personnes suspectes qui auraient coopéré directement ou indirectement aux troubles dont il s'agit. Les Commissaires surveillent d’ailleurs la levée des trois cents hommes dans la vallée. »

     Enfin, le 31 avril, part de Pau pour Laruns, une compagnie franche forte de 95 hommes qui s’est formée dans le district de Pau en dehors du contingent levé en exécution de la loi du 24 février et « s’est organisée elle même dans l’absence des agents militaires (entendez sans doute les commissaires des guerres). Elle n’a pas une existence légale, mais elle existe et ce n’est pas le moment de s’embarrasser de formes quand il faut sauver la patrie ». On comprend facilement par là l'origine des malentendus entre les autorités civiles et militaires. Le Conseil demande, d’ailleurs, que la situation de cette compagnie soit régularisée et réclame des renforts :
     « Vous sentez, ajoute-t-il, que les mesures prises par la défense de la vallée de Laruns ne doivent pas être incertaines. Jusqu’à présent, elles ont toujours eu ce caractère et ont été insuffisantes. Si vous pouviez nous envoyer au moins deux compagnies de volontaires, il y aurait provisoirement avec les habitants du pays et la compagnie que nous allons envoyer nous-même, une force suffisante pour tranquilliser la vallée et la mettre à l’abri d’une invasion de Miquelets. Il y a d’ailleurs ce grand avantage sous les rapports politiques que la garde d’un pays quelconque ne doit pas être confiée aux habitants de ce pays même (ceci était nouveau et contraire à toutes les traditions locales, mais expliqué comme suit) et surtout dans une extrême frontière bordée du côté de nos ennemis, de nos émigrés et de nos prêtres réfractaires qui conservent des relations intimes dans l’intérieur. »
     Le Conseil concluait : « Nous faisons ce que nous pouvons et nous sommes bien convaincus d'avance que vous ferez aussi tout ce que vous pourrez. Nous vous le demandons avec instance. C'est par des efforts mutuels, c'est par le concert le plus actif des mesures administratives et militaires que nous parviendrons à nous mettre sur un pied défensif et peut-être même offensif considérable. »
     On avait envoyé à Laruns 600 cartouches de calibre, 50 livres de balles de petit calibre, 30 livres de poudre, 100 fusils de guerre.
     A Pau, pendant ce temps, les autorités, débordées par l’afflux de volontaires de la levée des 300.000 hommes, essayaient de nourrir, d’organiser, d'instruire, d'armer cette cohue, mal habillée, à peu près démunie de tout. De longtemps, ce rassemblement pourra difficilement fournir des renforts utilisables pour combattre.
     En avril, le Colonel D. Benito Pardo commandant les forces espagnoles de Sallent, avait ordonné d’incendier la Caze il ne semble pas qu'il y ait réussi. Mais c’est peut-être l’origine de l’alerte du 10 de ce mois. Le 25 mai, le commandant de l'armée d’Aragon avait ordonné « d’occuper les postes d'El Loradé et El Aneu situés à une demi-lieue à l’intérieur de la France ».
     La carte au 50.000 espagnole porte un pic El Oradé, situé sur la crête frontière. Il n’est pas nommé sur notre carte d’Etat-Major, mais figure sur le guide du Dr. G. Boisson sous le nom de Pic de l’Ouradé prolongé par le Val de l'Ouradé et puisque le rapport espagnol signale que ce poste était expose à la mousqueterie et même au canon du Mont Pombie, l’acurage devait donc être assez bas sur les pentes, sans doute sur celles qui dominent du sud, le ruisseau de Peyrelu, ou celui d’Estremère, mais l’emplacement exact n’est pas connu. C’est le poste dit de Peyrelu dans le rapport du Capitaine Bordenave, cité plus loin.
     Le poste espagnol d’El Aneu était, dit la Gazette, à une demi-heure de la Caze, sans doute dans la région de ce que le docteur Boisson appelle « la croupe médiane séparatrice du plateau d'Aneu vers le Turoun d’ou on surveille le Col de Bious et d’où on commande à courte distance le délilé de Tourmont.
    C’est le poste dit aussi d’Aneou, dans le rapport de Bordenave.

     L'emplacement occupé par le détachement de 90 hommes chargés de couvrir les travailleurs des Turouns Bouchous est, certainement un avant poste retranché différent du camp. Peut-être était-il sur le verrou calcaire du défilé de Turmont, sur la rive gauche, a peu près à la hauteur du coude très prononcé de la route actuelle.
     Tous ces postes pouvaient être formés soit de levées de terre faciles à réaliser et à maintenir, puisque du côté français les bois proches pouvaient fournir aux clayonnages, soit en murettes de pierres sèches recouvertes de gazon, du type bien connu en montagne et dont les débris sont visibles plus haut vers la ligne de partage des eaux.
     Le secteur était peu animé au rapport du citoyen Raynaud. « Depuis que vous m’avez confié la garde de cette partie de la frontière, les Espagnols n’y avaient fait aucune tentative que le 17 de ce mois (juin). Un détachement de 90 hommes que j’avais posté à Broussette distant d’une lieue d’Espagne pour couvrir 60 travailleurs qui étaient à préparer des bois pour construire des petites barraques sur les hauteurs de ce lieu dit Lous Turouns Bouchaous (sic), parallèle aux hauteurs qu’occupent les Espagnols, dont il est très facile de déloger (sic) mais il est impossible de les garder par l’éloignement des bois. Ce n'est qu un roc vif.
     Notre patrouille s’étant rencontrée avec celle de l’ennemi, ils se lâchèrent quelques bordées de fusillade. L’ennemi était supérieur en nombre.
     J’en fus averti à temps. J’ai fait de suite avancer 190 hommes. Je fis prévenir toutes les communes de tenir prêtes les gardes nationales pour qu'à la première réquisition que je leur en ferai, elles eussent à se joindre à moi. Le tocsin sonna contre mes ordres. Les femmes commirent les plus grands désordres. Les Gardes Nationales se mirent en route, sans ordre de moi, commirent partout des désordres, pillèrent les effets de ma troupe du poste de Gabas, semèrent partout la division, l'insubordination. Je les renvoyai chez eux et j’ai continué à faire les travaux de mon petit camp.
     Les troupes sont restées (sic) nuit et jour à la belle étoile parmi les neiges. Aujourd’hui, j’ai des barraques et compte les faire relever jeudi prochain.
     Je m'occupe dans ce moment, de faire un poste à Bious, de l’autre côté des montagnes. Poste important qui correspond à Gabas et au camp des Turouns Bouchous. Par ce moyen, toutes les avenues d’Espagne seront à couvert, ainsi, que les paccages, les troupeaux et les pasteurs (sauf cependant l'immense cirque d’Aneu où en temps normal, les gens d’Ossau envoient leur bétail).
     Mais les ennemis du bien public ôtent la confiance aux simples montagnards, leur inspirent de la méfiance. D’autres cherchent la désorganisation des troupes de nouvelle levée. Avant cette alerte, les troupes étaient soumises. Je viens de faire arrêter un soldat qui a fait une pétition que je vous fais passer. Une partie de la troupe a voulu abandonner les lignes du camp. Ils ne connaissent plus de chef. Une partie m’ont dit qu’ils ne voulaient plus servir, qu’ils s’en iraient malgré qui que ce soit. Cinq ont déserté.
     J’en ai fait arrêter un par les gendarmes. La fomentation, la désorganisation et l’insubordination ont été inspirées par Carrère, auteur de la pétition à engager (sic) les autres à « sauve qui peut ». Je l'envoie avec le déserteur Graissinet qui a déserté devant l'ennemi. Je vous demande, citoyen représentant du peuple, qu’il soit jugé d’après les lois du Code Pénal militaire, que surtout Carrère ne soit point épargné parce que c’est un envoyé des ci-devants. Les troupes de nouvelle levée ont besoin d’être contenues sans quoi l’édifice ne se parachèverait point. J’en ai fait rentrer une partie dans l'ordre. Trente deux ne veulent point se soumettre. Ils savent manœuvrer.
     Je vous prierai de les faire porter loin de leurs foyers, où personne ne pourra les catéchiser, soit à Bayonne ou à St-Jean.
     L'on m’a envoyé un renfort de 300 hommes qui ne savent pas manœuvrer. J'ai reçu 2 républicaines. Il en faut 4 de plus. J’ai reçu un autre canon de huit mal monté, que je vais faire placer à Hourat. Je vous prierai Citoyen représentant, d’ordonner au Commissaire Eury ou à un autre, de venir passer une revue, car il y a trois mois que j’attends de même qu 'aux fournisseurs des étapes, boucherie et pain, qu’ils fournissent à ma troupe comme à celles de la République, car il en coûte 19 sous 6 deniers à ceux que je levai, pour vivre et à ceux qui sont ici rien que 7 sous 6 deniers. Ceci mérite quelque considération. »
     Nous avons vu par l’exemple de Ladrix quel désordre administratif régnait dans les corps de nouvelle levée, quelle indiscipline et quel esprit. Mais la lettre de Raynaud appelle quelques reserves. D’abord l’escarmouche, cause de ce désordre, n'a donné lieu à aucune notice dans la Gaceta, ni dans les lettres qui nous sont parvenues de Santilly, attentif pourtant aux plus petits événements.
     Enfin, les femmes de Laruns donnent de leur intervention une version honorable et curieuse, entérinée par les autorités locales.

     « La municipalité de Laruns assemblée le 4 août, pour dresser procès verbal de ce qu'elle savait de ce qui s’est passé dans la vallée, à propos de l'événement de Broussette admit divers témoins et relate » qu’il s’est présenté un nombre prodigieux de femmes, desquelles ont été admises seulement l’épouse de Sallenave, chirurgien, celle de Pouyée, de Rey Petit, Jeanneton âgée de 52 ans, la citoyenne Mirassou, l’épouse du citoyen Cadet Boutigue.
    Les femmes susdites et autres, ont déclaré n’avoir vu lors de l'affaire de Broussette, d’autre commandant à Laruns que le citoyen Raynaud (sic) qu'elles se sont transportées chez lui pour le faire lever du lit et qu’elles ont été mises en prison par ordre du dit citoyen Raynaud, en punition de l'affront qu'elles lui avaient fait, l’allant trouver dans son lit. Une d'elles, épouse de Sallenave, âgée de 64 ans, déclare avoir reçu un soufflet et avoir bien reconnu la main de Raynaud.
    Ces femmes, par suite de l’interrogatoire, avouent que leur emprisonnement, leur démarche pour tirer le citoyen Raynaud de son lit, regardent une affaire precedente.
    C'est évidemment de celle du 17 juin qu'il s’agit, et ce témoignage met le citoyen Raynaud en fâcheuse posture. Peut-être qu’avec plus d’activité, et en se tenant plus près de sa troupe au contact avec l’ennemi, ou seulement en exploitant à temps les renseignements qui lui parvinrent, aurait-il pu éventer la surprise et éviter l’échec. Peut-être aurait-il pu prévenir le passage de la crête par l’ennemi, en portant, le premier, ses postes et ses patrouilles sur les cimes.
    La neige n’était point en telle quantité qu' elle ait arrêté les Espagnols. Il pouvait donc passer. Il semble s’être trop facilement résigné à une attitude passive. Il a trop légèrement toléré ces postes qu’il prétend lui même « faciles de déloger ».
    Peut-être aussi sa troupe, dont nous avons vu les faiblesses, rendait ces actions difficiles.

     Sur l’opération elle-même, le récit espagnol parait véridique. On peut seulement le contrôler par le proces-verbal déjà cité de la Municipalité de Lescun, et quelques renseignements tirés des dossiers du personnel des officiers rescapés.

      Suite...9/11

   Sources

  • Colonel Bernard DRUENE, Les débuts de la campagne de 1793 aux Pyrénées centrales, et le combat de la Caze de Broussette
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