La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LE COMBAT DE LA CAZE
DE BROUSSETTE6



   ue de bénédictions j’ai reçues dans la route de tous les prêtres et de toutes les bonnes femmes : jamais soldat wallon ne s’est vu si bien reçu de ses hôtes. Comment rétrograder aujourd’hui sans porter les trophées de la victoire : Nous dirons qu’on a fui devant nous. »
     L'expédition n’avait pas été dramatique : « Dans cette campagne de Graus, nous avons couru de grands dangers. Les mulets des Pyrénées sont extrêmement vifs. Surita (sic) enseigne de ma compagnie que bien tu connais, a montré le plus grand sang froid dans les dangers. Entre quatre chûtes qu’il a faites avec aisance, on peut en remarquer une qui l’a précipité dans une ornière : il en sortit, sans émotion et continua la route à pied. En arrivant à Huesca, un ordre de la cour l’a déclaré aide de camp. » Les gardes rentrés à Huesca avec le quartier général sont « comme l’oiseau sur la branche, » mais voués à l’inaction. « Comme armée d’observation nous observons continuellement depuis notre retour dans cette ville et si mes vœux sont exaucés, nous observerons longtemps. »
     Santilly est plus occupé : « Le diable a voulu tenter la probité des gardes Wallonnes et y a réussi. Ils se sont donné l’air de voler à droite et à gauche etc... j’instrumente à force mon métier de tiran pour faire caresser les épaules de quelques-uns de ces Messieurs. »
     Est-ce conséquence de ces peccadilles, attitude politique, jalousie, dédain de l'étranger mercenaire, du Gabacho parlant français, toujours est-il que Huesca ne réserve pas un très chaleureux accueil aux gardes.
     « Nous n’avons pas encore vu le feu de l'ennemi, mais bien les pierres et les sabres des citoyens de Huesca. C'est sûrement cela qu'aura voulu écrire le Pluvier (surnom d'un officier non identifié) car en sortant de la banque (le jeu était et demeura longtemps une véritable passion pour les officiers) un soir, il se sentit les flancs caressés par une grêle de pierres qui le fit courir jusque chez lui plus vite qu’il n’aurait voulu. Tu n’as pas d 'idée des gens de ces pays et un soir que nous revenions, d’un concert, Alphonse d'Aigremont et Tuzey ( ?) et moi, d'Aigremont s’amusait à jouer du violon tout en marchant, vint (sic) à nous dix à douze gaillards qui sautèrent sur Alphonse qui tenait l’instrument, pour le lui arracher. Alors nous voyant insultés ainsi, nous commençâmes à tirer nos épées. Nous fumes pas plus étonnés (sic) quand nous vimes reluire derrière nous des sabres.
    Nous fîmes cependant bonne contenance. Cela les intimida un peu et ils n'avancèrent pas. Mais nous ne fûmes pas plus tôt à dix pas que nous nous sentîmes caressés par des pierres. Et voilà jusqu' a présent, les combats que nous avons eus à soutenir (sic) ; et depuis ce temps là, il y a presque tous les jours des personnes à qui on jette des pierres ».
     A la fin d’avril, le 3e bataillon des gardes Wallones rejoint l’armée d’Aragon et le prince Castel Franco porte son quartier de Huesca à Jaca. Dès le début mai, Santilly annonce l’entrée en campagne imminente de l'armée d’Aragon. « Je crois que nous ne tarderons pas, et que dans toutes les chances, nous pénétrerons les premiers. Si les armées des ailes continuent à avancer, une diversion au centre est indispensable pour mettre plus de confusion ; si, au contraire, elles sont menacées d’une attaque, nous devons également appeler l'attention de l’ennemi sur nous, et si aucune de ces deux hypothèses n ’a lieu, nous avons tant et tant besoin de faire parler la gazette en notre faveur, que nous irons au moins brûler une demi douzaine de villages, ainsi attendez-vous à recevoir une de mes missives datée de France ».
     Dans le secteur calme de l’armée d’Aragon, entre les lignes, en bien des endroits, règne une espèce de zone neutre. « Après avoir parcouru les différents postes de notre frontière du côté de Navarre, dit Santilly, je fus tenté de voir une vallée de trois lieues de largeur sur plusieurs d’étendue que l ’on a sottement abandonnée depuis la guerre. J'arrivai, dit-il, à voir la borne qui divise les deux royaumes. Figurez-vous une des plus belles forêts de l’univers entrecoupées de petites prairies émaillées de fleurs, et où l’herbe couvre presque les genoux. Ce territoire également respecté par les deux parties, n’a été foulé depuis plusieurs mois que par le passage des ours et autres habitants des bois. »
     Il signale, le 14, que les Français dans ce quartier, ont enlevé un troupeau de moutons aventuré hors des limites, malgré les consignes et que cela « a fait courir le 4e bataillon à qui le voisinage de la République cause de la désertion ». Il écrira, d’ailleurs, le 2 septembre, à propos d’une retraite : « Je la couvris avec un corps de véritables sans culottes. Quels propos j'ai entendus : Quelle espèce de sauvages, nous sommes obligés d ’employer : l'excrément des prisons, des hommes qui ne respirent que le carnage et le pillage, à qui j’ai vu porter en triomphe les lambeaux des cadavres ennemis. La raison et la nature réprouvent de pareils excès, et on frémit en pensant que des nations prétendues civilisées conservent encore un tel fond de barbarie. O maudite révolution : que tu as retardé la félicité que tu nous avais promise ».
     Ce passage éclaire d’un jour cru la qualité des soldats mercenaires qui n’avaient pour la plupart, de Wallon que le nom et dont cent cinquante déserteront à l’attaque de Lescun.
     Ceci explique aussi pourquoi, face à des troupes de nouvelle levée et à des Gardes nationales on ne peut plus mal armés, l’armée d’Aragon reste sur la défensive ci cette conclusion désabusée écrite plus tard par le philosophe Santilly : « Il n’est guère au pouvoir de notre chef de nous faire jouer un rôle brillant. Le dépourvu où on le tient est causé par une main puissante et il ne gagnerait sûrement rien à montrer les dents. Je sais qu’on se console aisément à Madrid de son absence et qu'en même temps, il y gagne infiniment plus qu’on ne pourrait lui donner ici ».

    En attendant, les lettres de Santilly montrent que son chef désire entrer en action.
     « Tout nous annonce cependant des victoires faciles. Une lettre du général Courten datée du quartier général de Céret, me dit qu'on ne trouve pas de résistance dans le Roussillon. Celles de Navarre parlent de grands succès. On me mande de Jaca que nous n'y resterons pas longtemps et que le Général se désespère de toutes les contrariétés qu’il rencontre à chaque pas, que le ciel même parait vouloir s'opposer à nos projets et qu'il neige encore dans ces hauts parages. Mais rien ne nous arrêtera, à moins que la cour n’envoie des ordres positifs de garder la défensive, ce que je ne crois pas. »
     Au milieu de mai, les plaintes mesurées du général en chef n’obtiennent guère de résultats, au contraire. On lui enlève deux mille hommes. De Jaca, le 26, Santilly signale des difficultés de ravitaillement et aussi que des bataillons enlevés, dont l’un des gardes espagnoles, sont rendus à leur ancien chef et qu ’il ne désespère pas d ’être à Oloron (sic) dans une quinzaine de jours. Le 29 mai : « Tout est changé aujourd’hui et le général demande une décision catégorique de ce qu'il doit faire et en cela, il se conduit prudemment car on lui ferait sûrement un crime de toutes entreprises qui n ’auraient pas de succès ».

      Suite... 7/11

   Sources

  • Colonel Bernard DRUENE, Les débuts de la campagne de 1793 aux Pyrénées centrales, et le combat de la Caze de Broussette
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