La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LE COMBAT DE LA CAZE
DE BROUSSETTE1


LA HAUTE VALLEE D’OSSAU, LE CAMP DE LA CAZE DE BROUSSETTE


e gave d ’Ossau est formé par la réunion en amont de Gabas des gaves de Bious et de Broussette, bordant le premier à l'ouest, le second à l'est, le massif du pic du Midi d’Ossau. La vallée du gave de Broussette s’épanouit en son sommet en un immense cirque dit d’Aneu.
    Celui-ci abaisse vers le nord une vaste étendue d'ondulations herbeuses, accrochées très haut à la crête frontière des pics d’Ouradé, 2644 ; d ’Estrémère, 2116 ; au col du Pourtalet, 1795 ; au Capéran d ’Aneu, au pic Canaourouge, 2345 ; de la Gradillière, 2274 ; au col de Bious et aux contreforts du pic du Midi.
     Ces pelouses vallonnées, percées par places de dents calcaires, sont marquées par quelques ravinements peu profonds, mais plus accentués que les autres vallons. Une longue croupe où s’ouvre le gouffre aux corneilles divise en deux parties à peu près égales la région à l’ouest du Gave.
     Ce cirque aboutit au défilé de Turmont (environ 1 500 m d’altitude), étranglement où le Gave a fouillé dans le calcaire une trouée étroite et tourmentée entre les contreforts des pics d’Estrémère et de Peyrelu, et ceux du massif des pics Moustardé et de Pombie ou Turouns Bouchous (hauts et bas). Au nord et au-dessus de ce défilé, la vallée du Gave présente de part et d ’autre du torrent une large étendue gazonnée encadrée de deux bandes de taillis, puis de bois de hêtres.
     Avec sa gamme de pentes si appréciée des skieurs, le cirque ne présente en aucun point d’obstacle insurmontable à une troupe tant soit peu libre de sa direction.
     Rien ne s’opposait à la progression d’essaims de tirailleurs et de leurs renforts en colonnes serrées, formation habituelle des troupes légères. Il était facile à un bon manœuvrier de former, en bien des endroits, plus de quatre compagnies en ligne sur trois rangs, et mieux encore de choisir pour une colonne d’attaque ayant le front normal d’une demi compagnie, une direction de marche où rien ne romprait gravement l ’élan et la cohésion des assaillants.
     Le site des Turouns Bouchous n’est reporté ni sur la carte d’état-major, ni sur le cadastre, ni sur le guide du docteur Boisson. Il est décrit par M. G. Laplace Jauretche d ’après des indications données sur place par les bergers :
    « La vieille piste muletière continuant le long de la rive droite, traversait les étendues herbeuses de Soques », le lieu dit : « Caze du Brousset » (sic) ou « Las Taillades », pour affronter une éminence boisée, où le buis croit en abondance.
    C’est là le Turoun Bouchous de bach (le piton abrupt couvert de buis du bas) que la route gravissait en lacets rapides, pour dévaler, tandis qu’un sentier s'élevait vers Aneü, l’obstacle franchi jusqu'au gave de Brousset passé à gué, un peu en aval du pont de l 'Ouradé. De là, elle monte plein sud pour gagner l'Espagne le col du de Peyrelu ou Port Vieux de Sallent, à 1847 mètres. Presque au sommet Turoun Bouchous de bach, vers 1450 à 1500 m d’altitude, où l'antique voie muletière s’encaisse, faisant un coude brusque sur sa bordure nord, à gauche en montant, fut érigée la « sépulture » donnée par les pâtres comme la tombe d’un colonel espagnol, mais reconnue pour un dolmen.
     De très importants vestiges de la Caze de Broussette subsistent encore. Ils sont faciles à trouver, sur la rive gauche du gave de Broussette, au nord-ouest de la cote 1382 de la carte au 80/50000e.
     La Caze ne figure pas sur le plan cadastral de la commune de Laruns dressé à la fin de l’Empire. Dans son édition de 1862, Joanne signale qu’elle venait d’être brûlée récemment. Russell y passa après le sinistre. Chausenque l’avait, en 1837, trouvé ouverte, rebâtie après l’incendie de 1793 : « Cette auberge de montagne appartenant à la commune de Laruns est plus propre et mieux pourvue que je ne m'y attendais. Au lieu de lits de camps ordinaires, on y trouve de vrais lits, et les provisions, comme les produits de la laiterie, y sont abondants, particulièrement le Breuil, cet espèce de fromage de brebis porté chaque jour des coueïas (cujalas) voisins, onctueux et nourrissant qui, au besoin, pourrait servir d'aliment unique... A deux heures de Gabas, à trois de Salient, il n’est point d’habitation intermédiaire ».

     Le Memorial des Pyrénées du 5 octobre 1843 donnait d ’autres détails :
         De temps immémorial cette maison fut établie par la Communauté de Laruns pour donner asile soit aux habitants de la vallée, soit aux voyageurs. C’est là qu'une partie des pasteurs déposent leurs fromages où on le leur prépare (sic) dans un beau saloir disposé à cet effet moyennant une redevance du dixième (Chausenque en vit mille huit cents). C’est ordinairement des débris de bois que les avalanches déposent dans les environs que l’on fait les provisions de l ’année à la Caze de Broussette et par les tas énormes qu’on aperçoit devant la porte, on peut se faire une idée de la consommation... La cheminée de la cuisine de cette maison est remarquable par sa forme.
     Son intérieur est un grand carré où peuvent s’asseoir une vingtaine d'individus (cheminée du type très commun en Aragon, notamment dans la cuisine de la Casa de Viu à Torla, bien connue des pyrénéistes, au Parador d’Ordessa, au musée de Huesca, encore en service dans beaucoup de maisons du Haut Aragon. Le manteau carré établi au centre de la pièce ainsi qu’une immense hotte, supporte une sorte de hutte conique terminée par une cheminée cylindrique couverte, percée en son sommet d’une série de fentes comme des créneaux de tourelle. On voit un beau modèle de ces cheminées à l'hospice de Vieilla à l’extrémité sud du tunnel de la route du Val d’Aran. Le tirage est parfois défectueux et peu d'engins sont plus propres à vous enfumer parfaitement. En revanche, cela écarte les mouches et les moustiques. Le foyer est placé au milieu de l’édifice à l’aplomb du trou central).
     « L'office était toujours bien approvisionné car pendant six mois les communications étaient impossibles hors aux piétons et on y vit jusqu’à 60 ou 80 personnes bloquées pendant quinze jours. Ils (les tenanciers) ont vu des bandes de cinquante Aragonnais aux prises, se battre avec acharnement et ces hommes furieux, tout briser et les maltraiter après les bienfaits qu’ils avaient reçus d’eux. Pierre Lassalle Gassiole, chef de cette famille (des tenanciers) a sauvé au risque de son existence plus de trente personnes... parmi ceux-ci deux préposés des douanes... dans l’espace de vint-quatre ans, plus de 120 personnes ont péri au port de Gabas... »
     Comme l'houstau des Chevaliers de Saint-Jean à Gavarnie, l'hôpital de Rieumajou, ou le monastère de Sainte-Christine, ou la maison de Peyrenere, la Caze est une hôtellerie et un refuge. Son originalité était d’être confiée à des laïques. Peut-être d'ailleurs parce qu'il y avait à Gabas un autre hospice moins aventuré relié au monastère de Sainte-Christine et tenu par les moines.
     Le docteur Maurice Heïd a bien voulu me communiquer la minute de la carte de Cassini relative à la haute vallée d 'Ossau, levée en 1772, par l’ingénieur géographe Flamichon Boudeville, et conservée, aux Archives des cartes du Service géographique national. La Caze y figure sous le signe des auberges :
     Les bois s’arrêtent au nord de la Caze ; sur la rive est du Gave ils ne dépassent pas le ruisseau de Pombie et sur la rive ouest, ils sont arrêtés au ravin d’Eslurien. Soit que le topographe ait négligé des taillis peu importants à ses yeux, soit que le passage ait été profondément modifié depuis les levés, notamment par les travaux de reboisement signalés par Dralet.

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   Sources

  • Colonel Bernard DRUENE, Les débuts de la campagne de 1793 aux Pyrénées centrales, et le combat de la Caze de Broussette
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