La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LE COMBAT DE LA CAZE
DE BROUSSETTE0



a campagne de 1793 aux Pyrénées est bien connue pour les théâtres d'opérations des deux extrémités de la chaîne. L'étude des activités du secteur des Pyrénées Centrales correspondant au Nord à celui de la division des Vallées, au Midi à celui de l'armée d'Aragon, a été, au contraire, généralement délaissée par les historiens et les mémorialistes, Le prince de la paix, Godoy, n'a que deux lignes pour cette armée dans les cinq volumes de ses mémoires. Le général D. José Gomez de Arteche traite longuement la campagne et le combat d'après un article de la Gazetta analysé plus loin.
    Marcillac, émigré français employé pendant cette guerre à l'état major du général Caro et généralement bien informé des choses d'Espagne s'excuse : « Nous n'avons pas parlé de l'armée défensive placée sur les frontières d'Aragon : elle était peu nombreuse et ses opérations se sont réduites à la défense de quelques défilés » Trois lignes sur trois cent soixante sept pages, ce n'est guère.

    Beaulac écrit, et de nombreux historiens ont repris l'affirmation et le chiffre, erroné, comme nous le verrons : « Dans la vallée d'Ossau, environ quatre cents gardes nationaux postés à la Caze de Brosset (sic) furent taillés en pièces le 1er juillet 1793 ».

     Thiers et l'anecdotique Victoires et Conquêtes ne sont guère plus prolixes sur le secteur et sont muets sur l'événement : « Quatre ou cinq mille hommes, écrit le premier, furent laissés à la garde de l'Aragon, quinze ou dix-huit mille, moitié troupes réglées moitié de milice, durent guerroyer sous le Général Caro dans les Pyrénées Occidentales ; enfin le Général Ricardos avec vingt-quatre mille hommes, fut chargé d'attaquer sérieusement le Roussillon ».
     Le 24 juillet 1793, Santilly écrivait : « La prétendue armée d’Aragon n’est pas à beaucoup près suffisante pour garder ses frontières. J ’en fis hier le relevé qui consiste en 7122 hommes tant bons que mauvais. On y compte 500 hommes de cavalerie qui ne peuvent servir à rien, des paysans armés, des recrues, des enfants. » Or, cette armée venait d'envoyer trois bataillons à celle du Roussillon et elle « engagera à Lescun plus de 6000 hommes de troupes de ligne. 1000 paysans, 1500 miliciens, le 6 septembre 1794. »
     Les chiffres de Thiers sont, on le voit rapidement, au-dessous de la réalité, même si on se borne à compter les troupes de ligne.
     Le vainqueur, prince de Castel Franco, tint à célébrer son succès. La Gazette de Madrid du 9 juillet 1793, publia son rapport dont le style semblait calqué sur celui de César. Modèle adopté aussi par Ségur et cher à tous les soldats du temps des Humanités.
     En France, à ma connaissance, personne n'a traité en détail l 'histoire de la division des Vallées, ni le gros coup de main de Broussette. Les archives de la guerre ne conservent aucun rapport sur cet événement. Il faut rechercher dans les dossiers du personnel les seuls textes où on en parle. Ce sont des notes succinctes, volontairement obscures pour la plupart.
     Les documents relatifs à la division des vallées et à l'occupation des Pyrénées Centrales avant l’organisation de cette unité, ou, mieux, de ce commandement, sont répartis entre trois subdivisions des Archives de la Guerre :
     — La première : Archives historiques de la guerre (A.H.G.) conserve les registres de correspondance expédiée ou reçue par le général en chef de l'armée des Pyrénées et son chef d’état-major, des cartons où sont classés à leur date, les lettres, rapports, etc., reçus par diverses autorités.
     — La seconde est la réunion de copies exécutées par ordre du ministre au début du siècle, des textes intéressant l’histoire militaire conservés par des particuliers ou des établissements publics et connue sous le nom d'Archives de province. (A.P.)
     Ces copies, classées par régions et garnisons de réunion, sont rangées par ordre chronologique. Les cartons Pau et Bayonne de la XVIIIe région ont été utilisés. On y trouve la correspondance du Directoire des Basses-Pyrénées dont les originaux, autrefois conservés à Pau, ont été en partie détruits par un incendie.
     — La troisième : Archives administratives de la guerre (A.A.G.) conserve les dossiers du personnel, les pièces concernant un même personnage étant réunies dans une chemise pour les principaux d’entre eux, notamment les généraux, ou rangées dans le classement alphabétique général.
     Pour ne pas alourdir cette étude, nous n'indiquerons pas de façon détaillée l’origine des pièces provenant des deux premières subdivisions, aisément reconnaissables dans le texte.
     La correspondance d'un garde national du Gers détaché à Oloron et celle d’un officier des gardes Wallonnes, ont permis d'ajouter quelques notes d'ambiance sur les combattants des deux versants. L’officier des gardes était le chevalier de Sobirats, un comtadin au service d’Espagne dès avant la Révolution, dans le régiment des gardes Wallonnes, et resté à Madrid au dépôt en 1793 ; chargé ensuite de diverses missions en Italie, il devint un familier de la comtesse d’Albany, belle-sœur de son colonel.
     Ses correspondants étaient divers officiers des gardes et surtout le lieutenant-colonel Jean de Santilly, gentilhomme bourguignon au service d’Espagne depuis 1775, dans le régiment des Gardes Wallonnes et adjudant-major de son bataillon, puis employé comme aide major à l’état-major de l’armée d ’Aragon. Il commandait la citadelle de Barcelone, en 1808, lorsqu’elle fut enlevée par surprise sur l ’ordre de Duhesme, par le général italien Lechi.

     L’amertume désinvolte des correspondants de Sobirats ne doit pas faire illusion. Ils ne sont pas descendus de leurs talons rouges pour avoir pris l’uniforme des gardes et leur incisive ironie n ’a rien perdu de son mordant, pour s’épanouir sur la terre de Cervantès. Pourtant, ils souffrent le drame poignant des émigrés. Venus servir un roi Bourbon et une nation alliée, ils doivent à présent combattre contre leur pays où leurs familles sont exposées à cause d' eux, aux plus graves périls.
     La résignation désabusée du « philosophe » Santilly répond sans doute d’abord à son tempérament, mais fait quelquefois songer à Vauvenargue.

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   Sources

  • Bernard DRUENE, Les débuts de la campagne de 1793 aux Pyrénées centrales, et le combat de la Caze de Broussette
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