CHAPITRE VIII
Gaston VII—Ses guerres—Son dernier acte—Fin de ta maison de Moncade.
’ÉTAIT l’époque de la lutte entre la France et l’Angleterre, et saint Louis était assis sur
le trône des Capétiens. S'immisçant pour la première fois aux démêlés des deux grandes nations, le Béarn embrassa d’abord la cause de l’Angleterre. Aussi contraire aux intérêts qu’aux aspirations de la vicomté, cette union ne pouvait pas durer longtemps, et quoique Gaston eût bâti à Orthez le château de Moncade avec les sterlings anglais, la rupture ne se fit pas trop attendre. Irrité de cette défection inattendue, le sénéchal de Gascogne ordonna à Gaston de comparaître devant lui à Saint-Sever. Gaston refusa, et le sénéchal lança un arrêt de saisie sur ses terres. Cependant il devint indispensable qu’Edouard Ier, roi d’Angleterre, se rendit lui-même en Gascogne pour appuyer par la force la sentence de son sénéchal.
Sa première démarche est néanmoins conciliatrice : il dépêche à Gaston un chevalier pour le sommer d’obéir. Mais les habitants d’Orthez se soulèvent à l’arrivée de cet ambassadeur, et ils poussent l’oubli du droit des gens jusqu’à le faire prisonnier.
Alors Edouard, furieux, se met en marche avec ses troupes. Gaston va le trouver, s’obligeant à reconnaître la compétence des tribunaux anglais en tout ce qui ne regarderait pas sa souveraineté indépendante et fière du Béarn. Edouard, loin d’agréercette proposition, viole à son tour le droit des gens, et fait jeter Gaston par surprise dans une forteresseoùillegardeprisonnier.
Ah ! décidément la fortune trahissait Gaston VII.Il n’obtint sa libération qu’en perdant ce château de Moncade qui lui était si cher, ce château noble qui devait être pendant trois cents ans la résidence favorite de nos souverains.
Rendu à la liberté, il se hâta d'émettre une protestation contre des actes que la violence lui avait arrachés. Une nouvelle procédure commença, suivie de diverses vicissitudes. Le vicomte, assiégé dans son château de Saint-Boès parle roi d’Angleterre, le provoqua en duel : il offrit de lui prouver en champ-clos et par jugement de Dieu qu’il était roi traître et juge
félon. A ce moment de la querelle, le roi de France interposa sa médiation pacifique, et le roi d'Angleterre se laissa condamner par Saint-Louis à payer à Gaston VII une pension de 2,900 livres sur les douanes de Bordeaux. Il ne sera pas inutile de remarquer que le vicomte béarnais était un grand personnage.
Il traitait sur le pied de la plus parfaite égalité avec les plus puissants monarques de son époque, et ses quatre nièces
étaient mariées au roi des Romains, au roi de Sicile, au roi d’Angleterre et au roi de France. Pour ne parler que d’elle seule, assise avec Saint-Louis sur le plus beau trône de la terre après celui du ciel, Marguerite de Provence portait à son oncle la plus touchante et la plus douce affection.
Fier de sa parenté, Gaston VII songea vers la fin de sa vie à régler entre ses filles l’ordre de la succession à la vicomté de Béarn (1286). La cour générale fut réunie à Morlàas. Du haut de son lit de justicer Gaston donna entre vifs le pays de Béarn à Marguerite de Béarn, comtesse de Foix, et les comtes de Foix devinrent ainsi nos Seigneurs particuliers, les pays de Foix et de Béarn unissant sans se confondre dans leur indépendance et leur autonomie. La cour de Béarn
confirma, séance tenante, cette donation. Le 26 avril 1290, Gaston VII mourut à Sauveterre, entouré de ses filles éplorées.
Dans son testament, il fonde une messe à dire tous les jours à la cathédrale d’Oloron pour le repos de son âme ; il lègue 1,000 sols à l’hôpital de Gabas, 1,000 sols à l’hôpital d’Aubertin, 300 sols à l’hôpital de Mifaget, 1,000 sols pour marier les filles et les veuves pauvres de Sauveterre, 500 pour celles d’Oloron, 500 pour celles de Navarrenx et 500 aux frères mineurs d’Oloron. Le corps de ce prince fut solennellement porté à Orthez où il reposa dans l’église des Frères-Prêcheurs, devenue depuis lors le Saint-Denis des vicomtes de Béarn.
La maison de Moncade était éteinte.
Avec la maison de Foix allait commencer la plus brillante période de notre histoire ; car, non contents
de ce que leur pays restait distinct du pays de Foix, dont il était devenu cependant inséparable, les Béarnais surent obtenir encore que Roger-Bernard, l’époux de Marguerite, viendrait résider à Orthez. Il le fît, et fit bien.
Si les vaches de Béarn, ces vaches fécondes et grasses comme la terre qui les nourrit, s’unissaient dans nos armes aux pals de Foix, ce ne devait pas être pour nuire à notre grandeur ni même à notre vanité.
Délimitation du Béarn — Administration de la justice
Sources
- L'Abbé Lacoste curé de Féas, PETITE HISTOIRE, Librairie L.RIBAUT, Pau, 1875.
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