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Aussitôt que l'année
A redoré mes coteaux,
Je commence ma journée
En visitant mes tonneaux.
Ravi de revoir l'aurore
Le verre en main je lui dis :
« Il faut que tu admires encore
Mon bien beau nez de rubis. »
Le plus grand roi de la terre,
Quand je suis dans un repas,
S'il me déclarait la guerre
Ne m'ébranlerait pas.
À table, rien ne m'étonne,
Et je pense quand je bois :
Si là-haut Barican tonne
C'est qu'il a bien peur de moi.
Quand j'aurai la quarantaine,
Cent ivrognes m'ont promis
De venir la tasse pleine
Boire où l'on m'aura mis.
Pour me faire une hécatombe
Qui signale mon destin
Ils arroseront ma tombe
De plus de cent brocs de vin.
De marbre ni de porphyre
Qu'on ne fasse mon tombeau :
Pour cercueil je ne désire
Que le bon fût d'un tonneau.
Je veux qu'on y peigne ma trogne
Avec ce vers à tout autour :
Ci-gît le plus grand ivrogne
Qui ait jamais vu le jour.
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