Certen Courbach, sus bèt nouguè, U roumatye en soun bec tienè, Deüs de Lanne, ardoun coum ûe lue: Et meste Renard aü bèt pè, Qui deü senti plasé prenè, Que sounyabe aü né hà qu'aüqu'ûe.
Quine casse, dise tout chouaü ! Aço n'ey biande de casaü. « Hola, s'eü cride : camarade ! Lechat-mi dà quaüque dentade. Debarat : qu'ey prés û lebraût ; Que partatyeram l'u et l'aut : Qu'eüs fricasseram chens padère ; Et la fé que heram gran chère. »
Lou Courbach pourtan hé deü sourd : Dab fripous de semblabe estère, Nou dise arre qu'ey lou mey court. Lou Renard qu'es grate l'aüreilhe; Cerque, bire, en trobe ûe mieilhe : Coumpay, s'eü dits, bous eth mey bèt, Mey lusen que nad aüt'aüsèt. Et, désegu si lou ramatye Ey aütà fi coum lou plumatye, Chens menti, suiban moun abis, De l'aüserailhe eth lou phénix.
Labels oùn lou prudè qu'eü grate; Eth tend l'aüreilhe : aco qu'eü flate ; Qu'eü semble que minye û capou ; Taüs fats l'encens ey toustem bou. Et lou pèc, chens aüte fayçou,· Tout bouffit déquet dous lengatye, Orb û gran bec entà canta.
Patatras !...adiü lou roumatye, Et lou Renard qu'eü s'amassa.
Puch dab u toun de trufandise : Lou mé moussu, s'és boute aü dise, Sapiat, bous qui abet ta bou sens, Que tout flaügnac biü aüs despens Deü qui l'escoute. L'abis, chens doute, Baü u roumatye : ayat-ne gnaüt ; Qu'ens tournem bède. Et de bèt saüt, Eth pé plante aquiü lou nigaüt.
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Certain Corbeau, sur beau noyer, Un fromage en son bec tenait, De ceux de Lanne, rond comme une lune ; Et maître Renard au pied, Qui à le sentir prenait plaisir, Songeait à lui en faire quelqu'une.
Quelle chasse disait-il tout bas! Cela n'est viande de jardin. « Holà ! crie-t-il : camarade ! Laissez-m'y donner quelque coup de dent, Descendez ; j'ai pris un levraut ; Nous partagerons l'un et l'autre ; Nous les fricasserons sans poêle, Et ma foi, nous ferons grand'chère. »
Le Corbeau pourtant fit le sourd, Avec des fripons de cette espèce Ne dire rien est le plus court. Le Renard se gratte l'oreille ; Il cherche, tourne, en trouve une meilleure : Compère, lui dit-il, vous êtes plus beau,
Plus luisant que tout autre oiseau ; Et bien sûr, si votre ramage Est aussi fin que le plumage, Sans mentir, suivant mon avis, Des oiseaux vous êtes le phénix.
Alors où cela lui démangeait il le gratte ; Il tend l'oreille ; cela le flatte ; Il lui semble manger un chapon ;
Pour les fats l'encens est toujours bon, Et le sot, sans autre façon, Tout bouffi de ce doux langage, Ouvre un grand bec pour chanter. Patatras !... adieu le fromage, Et le Renard le ramassa.
Puis d'un air de moquerie : Mon cher monsieur, se mit-il à lui dire, Sachez, vous qui avez du sens, Que tout flatteur vit aux dépens
De qui l'écoute ; L'avis sans doute Vaut un fromage ; ayez-en un autre, Jusqu'au revoir. Et d'un grand saut, Il vous plante là le nigaud.
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