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A peine dens moun lheyt, lou flaügnac droumillou,
De mouns sens afflaquits préné poussessiou,
Quoun l'esprit agitat dens û rêbé m'esgare
A trubès mounts et prats, aüprès d'ûe ounde clare
Qui roullabe chens pene ens û petit balou,
Tout pingourlat dé flous dé mantue coulou.
En aquet loc charmant, chérit de la nature,
Ue hemne que y'abè d'esclatante figure.
Tout en ère tiéné de la Dibinitat,
Brillante coum lou sou dens sa simplicitat.
Nou bédèn pas en ère inutile parure ;
Non couneix pas lou fard ni l'art de la couïfure.
Bers ère m'en anèy per soun charme attirat.
Qui et dounc bous ? ( Si ü digou.) — You, que souy la Bertat,
Sim respoun tanticam. — Tous man descounégude.
Banide de pertout, aqueste soulitude
Qu'em ouffriex lou repaüs que l'homi nou boü pas
Et benye lous mesprets que hè de mouns appas.
Hens lou moundé nou y'a que mensounge y qué ruse ;
Lou bici, dé moun noum, quaüqué cop que y abuse.
Encouè si d'aquét noum pren quaüque autoritat,
Qu'ey lou chicoy tribut qui receü la bertat.
— Susprès, you respounouy : Bertat trop adourable,
Tournat; biét dissipa lou trouble qu'ins accable;
Biét counfound l'errou qu'ins a touts abusats;
Ben troubérat mantû qu'y p'seran affidats.
Entertan si boulet, per boste coumplasence,
Deüs gentiüs de Béarn dam' quaüque counéchénce.
Tout bé-y-ey counfoundut : lou barou, lou marchan,
Lou judge, lou barbè, lou noble, lou paysan.
Aydat-mé drin, sib' plats, a suslhéba la telle
Qui, chens distinctiou, crob toute la nacelle.
— Bat harèy d'ab plasé puch que m'at demandât;
Et tout de suite ataü coumença la bertat. |
A peine dans mon lit, le doux sommeil,
De mes sens affaissés prenait possession,
Que l'esprit agité dans un rêve m'égare
A travers monts et prés , au bord d'une onde claire
Qui roulait sans peine en un petit vallon,
Émaillé de fleurs de diverses couleurs.
Dans ce lieu charmant , chéri de la nature,
Il y avait une femme d'éclatante figure.
Tout en elle tenait de la divinité.
Brillante comme le soleil dans sa simplicité.
On ne voit pas en elle d'inutile parure;
Elle ne connaît pas le fard ni l'art de la coiffure.
Vers elle j'avançais, attiré par son charme.
Qui donc êtes-vous ? (lui dis-je.)—Moi, je suis la Vérité,
Me répondit-elle aussitôt. Tous m'ont méconnue.
Bannie de partout , cette solitude
M'offre le repos que l'homme ne veut pas,
Et venge le mépris qu'il fait de mes appas.
Dans le monde il n'y a que mensonge et que ruse ;
Le vice, de mon nom , quelquefois y abuse.
Encore si de mon nom il prend quelque autorité ,
C'est le faible tribut que reçoit la vérité.
— Surpris, je lui répondis : Vérité trop adorable,
Revenez ; venez dissiper le trouble qui nous accable ;
Venez confondre l'erreur qui nous a tous abusés;
Vous trouverez plusieurs qui vous seront fidèles.
En même temps si vous voulez, par votre complaisance,
Des nobles de Béarn me donner quelque connaissance.
Tout y est confondu : le baron , le marchand,
Le juge, le barbier, le noble, le paysan.
Aidez-moi un peu, s'il vous plaît, à soulever la toile
Qui , sans distinction , couvre toute la nacelle.
—Je le ferai avec plaisir puisque vous me le demandez
Et tout de suite ainsi commença la Vérité.
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