La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.






S.A.R.Mgr LE DUC DE MONTPENSIER


En Vallée d'OSSAU Août 1843

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    'arrivée aux Eaux-Bonnes de S. A. R. le Duc de Montpensier avait été annoncée pour hier, 23, à 1 heures du soir. Fidèle à cette maxime, qui est devenue habitude dans sa famille, que l'exactitude est la politesse des Princes, il avait devancé l'heure indiquée. M. le Préfet, le Sous-préfet de l'arrondissement, le maire , l'adjoint, le Conseil municipal, la garde nationale d'Aas, étaient allés au devant de S. A. jusqu'au Col de Torte, limite du département. A ce cortège officiel s'était réunie spontanément une foule de baigneurs, jaloux, de joindre leur hommage à ceux de la population entière de la montagne et de la vallée d'Ossau. Au milieu de cette nombreuse et brillante cavalcade, on remarquait le lieutenant-général baron Janin, le nouvel élu d'Oloron, M. Henri La Caze, glorieusement nommé la veille député, à l'unanimité des suffrages, M. Loyson, conseiller de préfecture, etc.
     A 4 heures, au moment où le cortège venu de Bonnes, arrivait au Col, les cris joyeux des montagnards, les vivats dé la garde nationale, les acclamations de la foule, saluaient l'approcha de S. A., que l'on apercevait à cheval gravir l'autre versant de la montagne. Le Prince avait voulu éviter à la population et aux autorités d'Argelès, la fatigue de l'accompagner, et il s'avançait à la tête de sa suite peu nombreuse. Aussitôt que le duc de Montpensier fut parvenu sur le plateau, d'où la vue embrasse la chaîne des Hautes et des Basses-Pyrénées, il mit pied à terre, salua gracieusement tous ceux qui venaient le recevoir et l'accompagner aux Eaux-Bonnes.
     Il n'y eût pas alors de ces discours officiels qui souvent ne disent rien au cœur ; à l'offre d'un bouquet que lui présentaient les montagnards, le. Prince répondit avec une affectueuse cordialité : sans exagération, tout simplement il témoigna son admiration pour le coup-d'oeil imposant que présentait cette réunion de jeunes et vigoureux montagnards aux formes athlétiques, et si beaux avec leur costume national, la veste rouge, le gilet et les bas blancs, là culotte brune.
     C'était pour le Prince un spectacle tout nouveau, et que n'offrent pas les départements qu'il vient de parcourir. Après s'être arrêté un instant sous un abri de verdure préparé au sommet du Col, et y avoir écouté un de ces vieux airs du pays, admirablement, majestueusement chanté par plus de cent voix, S. A. remonta à cheval, et descendit vers Bonnes, s'entretenant familièrement avec chacun, ayant pour tous une parole aimable et affectueuse. Souvent il appelait Gaston Sacaze, notre célèbre pasteur-botaniste, et lui demandait les noms des montagnes, des pics, des plantes, des fleurs qui le frappaient. La route fut donc une conversation presqu'intime, sans cérémonie, pleine d'abandon de la part du Prince, et de charmes pour ses interlocuteurs, et personne, je vous l'assure, ne trouva le chemin long. De temps à autre, le Prince apercevant au-dessous de lui serpenter, se dérouler ce cortège, aux couleurs si brillantes, et tranchant fortement sur la verdure, ne pouvait se défendre de témoigner le plaisir que lui causait ce spectacle ; aussi, à tout instant, l'entendions-nous nous dire : « Voyez donc, Messieurs, que c'est beau, que c'est admirable ! »
     Et S. A. avait bien raison, car je ne sache pas une réception dont la pompe puisse être plus éclatante et plus vraie.
    En passant près de la Cascade du Gros-Hêtre, le Prince à qui on en avait parlé pendant le trajet, désira se détourner un instant de son chemin, pour aller la visiter, et il revint enchanté de cette cascade d'une nature toute exceptionnelle et qui, comme vous savez, tombe perpendiculairement de près de 100 pieds de haut.
     A son arrivée à Bonnes, toute la population fashionable et montagnarde l'attendait pressée sur la place de l'Etablissement, et dans la longue rue qu'il avait à traverser pour se rendre au logement qui était préparé pour lui à l'Hôtel du Gouvernement. Les acclamations empressées de la foule durent convaincre S. A. de la sympathie qu'elle inspire dans le pays, et du bonheur qu'on avait à la voir, à la fêter. Après le dîner auquel le Prince avait invité les autorités, Gaston-Sacaze et quelques-uns des baigneurs de Bonnes ; S. A. voulut bien accepter l'offre qui lui fut faite par les commissaires du Chemin Horizontal de visiter cette promenade.
     Précédé dé 50 montagnards portant des torches de résine, le Prince traversa le village, le Jardin Anglais, brillamment illuminés, et pendant près d'une heure pût admirer les importants travaux de ce chemin taillé en partie dans le rocher, et éclairé dans les endroits les plus pittoresques par des flammes de Bengale. S. A. daigna exprimer à plusieurs reprises toute sa satisfaction aux commissaires, et leur témoigner son désir de revoir, au jour , avant de quitter Bonnes, cette promenade éminemment utile et salutaire pour les malades, et qui sera d'une si haute importance, lorsqu'elle aura été terminée jusqu'aux Eaux-Chaudes. — On prépare à Pau pour la réception du Duc de Montpensier de si belles fêtes, des soirées si brillantes, qu'il eut été imprudent d'offrir ici un bal à S. A. ; nous aurions eu trop à souffrir de la comparaison. Nous avons préféré lui donner un spectacle local, tout exceptionnel ; et nous avons réussi, car le Prince est rentré à son hôtel paraissant enchanté de la promenade aux flambeaux qu'il venait de faire. Il a du être content, ravi, de l'accueil cordial et sincère qu'on lui a fait ici. Il ne pouvait s'empêcher de sourire de temps à autre en entendant tout le tapage que faisaient autour de lui les cris joyeux et perçants des montagnards, les acclamations de la foule empressée, les chants des jeunes paysannes. Tous ces bruits discordants devaient être bien doux au cœur du Prince, puisque plus de vingt fois pendant son trajet dans le village, il se prenait à témoigner avec effusion tout le bonheur qu'il en ressentait S. A. employa le reste de sa soirée à recevoir, des militaires, des magistrats, des députés, et beaucoup d'autres baigneurs de Bonnes qui lui étaient présentés par le Préfet.

    Le temps et l'espace nous manquent pour publier tous les détails de la seconde journée que S. A. R. a passée dans la vallée d'Ossau. Nous apprenons que le Prince, s'est rendu aux Eaux-Chaudes et au Pic du Midi et que Son Altesse Royale a été accueillie chaleureusement par les nombreuses populations accourues sur son passage.
   Voici le discours adressé au Prince, à son passage à Louvie, par M. le baron d'Espalungue, syndic de la vallée d'Ossau : h    Monseigneur,

   Visiter des populations, inspirer et agréer les démonstrations d'hommages empressés, n'est point assez pour un jeune Prince qui, élevé près du trône, s'est honoré en débutant dans la carrière militaire comme Rose et Fabert commencèrent la leur ; il lui faut des narrés historiques concernant les localités qu'il parcourt.
   Hier, Votre Altesse Royale a gravi, sous nos yeux, notre Pic du Midi, dont l'ascension complète est demeurée long-temps réputée fabuleuse. De ce sommet granitique et d'une hauteur de plus de trois mille mètres, elle a vu de sombres forêts encore debout, dont la sauvagerie justifie de l’étymologie du nom de la vallée d'Ossau. ( Ursi saltus, Bois de l'Ours. ) » Ici, Monseigneur, nous vous montrerons, comme une fabrique pittoresque, ouvrage des siècles destructeurs, les, ruines encore suspendues, du château qu'habitaient nos premiers souverains, les vicomtes d'Ossau.
   Là, nos antiques Archives, dont le dépôt conservé sous trois clés distinctes, témoigne en même temps, de l'amour de nos pères pour la liberté, et d'un noble et fier dévouaient à leurs souverains.
  Avant, Monseigneur, que votre Altesse Royale, procède à la nouvelle et solennelle inauguration du monument Béarnais, si splendidement restauré par une pieuse, éclairée et toute royale munificence, nous lui dirons, non sans opportunité, que les Ossalois donnèrent à Raymond de Moncade, leur premier vicomte Béarnais, non-seulement le sol sur lequel pose le château de Pau, mais qu'encore et plus tard, ils contribuèrent, par le don d'une forte somme, à sa construction, et le dotèrent d'une vaste étendue de terrain, dépendant du Pont-Long, propriété de la vallée. Aussi les Ossalois avaient-ils l'honneur d'occuper le Haut de la grande Salle, lorsque le souverain y tenait sa cour.
   Il y a plus, Monseigneur : nos pères acquirent par leur valeureuse fidélité, la distinction exclusive de former la garde du Prince. A ces souvenirs s'en rattache un moins ancien, mais tout de tendre et traditionnel sentiment pour les Ossalois, celui de la naissance, dans ce château, de nousté amistous Henric, ainsi que le nommaient nos pères, souvent visités par le bon et grand Roi.
   C'est avec bonheur, Monseigneur, que, dans ce trop fugitif instant ; les montagnards d'Ossau et leur syndicat se pressent auprès d'un de ses descendants.
   Que votre Altesse Royale daigne agréer nos hommages et nos vœux ? Nous ne savons mieux les exprimer qu'en les résumant par le cri expansif et Ossalois, de : vivent les fils de Henri, Vive le Roi !

   Sources

  • Archives et bibliothèques Pau Béarn Pyrénées, IMPRIMERIE DE É. VIGNANCOUR. Août 1843.
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