e Pont Long (de Paloun loung, le grand marécage), est un vaste plateau, situé au nord de Pau, longtemps réputé un des
terroirs les plus pauvres et les plus insalubres de la campagne béarnaise. Il fut occupé pendant des siècles par les pasteurs de la vallée d'Ossau, qui le défendirent âprement contre toute tentative de mise en valeur agricole.
L'échec d'une grande société constituée sous le second Empire confirma l'idée que ce territoire était impropre à la culture. Il a fallu pourtant moins d'une quinzaine d'années pour transformer radicalement à la fois les préjugés et le paysage, puisque aujourd'hui le Pont Long ne comporte plus que des portions infimes de landes et sa mise en culture totale n'est limitée que par la croissance de l'agglomération de Pau.
I. Les conditions naturelles
A la vérité, le Pont Long n'est pas une unité géographique, c'est un cadre historique, parfaitement défini par une série de textes officiels passés au cours des siècles entre les Ossalois d'une part, l'autorité seigneuriale ou les communes voisines d'autre part. Un texte du 15e siècle lui donne une superficie de 56 000 arpents, soit approximativement 18 600 hectares. Ce n'est qu'une faible partie de l'un des glacis alluviaux
construits par le Gave de Pau, ou plutôt le Gave de Lourdes, à la fin du Tertiaire et au début du Quaternaire. Ces glacis alluviaux furent formés de matériaux venus de la montagne, graviers et galets plus ou moins gros et enrobés d'argile ; leur épaisseur peut être considérable puisque les sondages réalisés au Pont Long ont atteint la cote de moins 50 mètres sans trouver le fond de la nappe. L'acidité des sols de surface, due au climat relativement pluvieux (généralement entre 1 000 et 1 200 mm de précipitations annuelles), a accéléré le processus de décomposition des galets et graviers.
Si la terre noire est relativement perméable par suite de sa nature humifère et du réseau de racines des végétaux de la lande, le silt jaune, très argileux, joue par contre le rôle de niveau imperméable, empêchant à la fois les eaux de pluie de s'infiltrer et les eaux de la nappe phréatique de remonter.
A l'état naturel, le Pont Long était, en hiver, un grand marécage, mais il pouvait souffrir de la sécheresse en été. La seule végétation possible était donc une végétation de maigres bois et de landes à tuie (ajoncs, fougères et bruyères). Les sols superficiels, où se mélangent grains de sable, particules d'argile et
matières organiques (celles-ci ayant un taux de 4 à 5 %), sont naturellement acides, avec un PH souvent compris entre 5,2 et 5,8 ; les graves déficiences en chaux et acide phosphorique en font des terres pauvres.
Ces conditions naturelles ne suffisent pas à expliquer parfaitement qu'un territoire situé à moins de 10 kilomètres de Pau,
qui n'a jamais eu un grand dynamisme économique, mais qui fut cependant petite capitale puis chef-lieu de département, soit resté en friche jusqu'au milieu du 20e siècle. Il faut pour le comprendre avoir recours à l'histoire.
II. L'utilisation ancienne
Avec ses bois et ses touyas (espace où pousse la tuie), le Pont Long a été pendant très longtemps un terrain de parcours pour le bétail.
Les nombreux tumuli que l'on y trouve, comme dans les autres glacis alluviaux du Béarn, prouvent qu'il était déjà fréquenté par les peuples protohistoriques, probablement nomades et éleveurs. Plus tard, au milieu du Moyen Age, les communautés de la vallée d'Ossau se prétendent propriétaires de la lande, « de droit immémorial ». Cette prétention s'explique par l'intérêt que présentait le Pont Long pour ces montagnards dont la principale ressource était l'élevage transhumant des brebis et des vaches ; n'ayant pas suffisamment de terres dans leur vallée pour nourrir leur bétail en hiver, ils étaient obligés de chercher des terrains de parcours dans le bas pays. Les ovins se rendaient au loin, jusque dans les Landes de Gascogne, mais le gros bétail, vaches et juments, s'arrêtait dans la lande du Pont Long où il passait la mauvaise saison. Il était donc de première importance pour les Ossalois de maintenir ce territoire en friche ; d'où la passion mise par eux à batailler pendant des siècles contre les communes riveraines de la lande qui y tentaient des défrichements au fur et à mesure que l'augmentation de leur population les poussait à chercher de nouvelles terres.
Seuls, deux villages purent s'installer et subsister, Sendets à l'est et Uzein au nord-ouest ; nous ignorons et les circonstances de leur création et la raison pour laquelle les Ossalois la tolérèrent. Les autres communes, Pau y compris, se contentèrent d'empiéter peu à peu, clôturant des parcelles de terrain en été, quand les transhumants étaient à la montagne, et s'efforçant ensuite de faire reconnaître ces empiétements par des traités en bonne et due forme : ainsi la charte de paix de 1277 reconnaissait aux habitants de Pau le droit de labourer jusqu'à l'Ousse des Bois.
A partir du 18e siècle, les droits de la vallée d'Ossau sur le Pont Long furent attaqués de plus en plus vivement. Les tenants
et sympathisants de la physiocratie s'indignaient de voir une telle étendue laissée en friche alors que le Béarn « ne produit du grain pour la subsistance de ses habitants que pendant quatre mois de l'année » ; par ailleurs, l'évolution des esprits
s'accommodait mal du respect de privilèges très anciens et jugés irrationnels.
Après la Révolution de 1789, la Vallée d'Ossau réussit cependant à sauver la face, puisque ses droits sur le Pont Long furent formellement reconnus par le Tribunal civil de Pau en 1828 ; mais les nouvelles formes de vie économique, les difficultés
rencontrées pour maintenir ses prétentions l'amenèrent à transiger. L'arrêt du 11 août 1837 laissa à la Vallée la moitié de la superficie de la lande, d'ailleurs bien réduite par rapport au 15e siècle, et partagea le reste entre 31 communes riveraines.
Il faut dire que le troupeau ossalois de gros bétail avait été durement éprouvé par la grande épizootie de 1774-1775, puisqu'il perdit 86 % de son effectif et qu'il ne retrouva jamais le chiffre de 10 000 têtes qui était le sien avant 1774 ; les prairies de la vallée suffisaient désormais à l'alimenter pendant l'hiver.
Aussi la portion de la lande qui fut laissée aux Ossalois par l'arrêt de 1837 (c'était la partie centrale) fut-elle partagée en 1853 entre les syndicats du Haut Ossau et du Bas Ossau et, dès 1866, le Bas Ossau vendit sa part (1 018 hectares) à une Compagnie de défrichement qui voulait se livrer à un essai de culture en grand.
C'est qu'en effet la mise en valeur agricole de la lande du Pont Long était, depuis le 18e siècle, à l'ordre du
jour. Les champs gagnés sur elle par les cultivateurs des communes limitrophes prouvaient qu'elle n'était pas incultivable ; mais il fallait d'abord un drainage important, avec des fossés profonds, pour percer la couche de silt jaune, ensuite un apport important de fumier de ferme pendant de longues années ; la mise en valeur était donc très lente.
Un premier essai de culture en grand eut lieu à la fin du 18e siècle, et fut arrêté par la Révolution. Un deuxième eut lieu cent ans plus tard et ne dura que quelques années (1866-1874) malgré les frais considérables qui furent engagés. Ces deux malheureuses expériences expliquent que l'on se soit désintéressé du Pont Long pendant un demi-siècle.
Le Syndicat du Haut Ossau, qui avait gardé sa part continua donc pendant la fin du 19e siècle et le début du 20e à pratiquer l'ancien mode d'exploitation. Les huit communes qui le composaient envoyaient au Pont Long, de mars à juin, un troupeau de vaches non laitières (génisses, vaches stériles ou trop vieilles) ; 500 à 600 têtes environ avant 1940, qui se déplaçaient par la route sous la conduite de vachers payés par les éleveurs au prorata de leur nombre de bêtes.
Le Syndicat pratiquait en outre la vente de tuie, très utilisée de tout temps comme litière et, par suite, comme support de fumier de ferme ; la tuie était coupée tous les trois ans, chaque lot faisant l'objet d'une adjudication au
début du mois de mai. Enfin le Syndicat du Haut Ossau louait quelques parcelles aux communes avoisinantes, et pratiquait quelques ventes de bois de temps en temps. Tout ceci était évidemment de rapport médiocre pour une superficie qui était tout de même de 827 hectares (la part initiale avait été réduite par une expropriation en 1936).
Avant 1950, le paysage ancien n'avait guère changé ; le centre du Pont Long restait toujours une terre de lande parsemée de quelques bois aux arbres rabougris. La proximité de Pau avait cependant incité des collectivités ou des sociétés à s'y établir pour des activités exigeant de grands espaces. Si la forêt domaniale appelée de Bastard, ou Bois de Pau, fut plantée dès le 18e siècle sous l'impulsion d'un Maître des Eaux et Forêts, c'est à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle qu'apparurent l'hippodrome et ses pistes d'entraînement, un champ de tir pour la garnison, des terrains d'aviation, des terrains militaires, le lac d'Uzein pour la pêche, la chasse et le canotage. Mais ceci ne modifia que peu le traditionnel paysage de touya.
III. La mise en valeur agricole récente
Pour transformer l'ancien état de choses, il fallut, à partir du milieu du 20e siècle, des modifications profondes dans la culture, dans l'outillage et dans les mentalités.
En premier lieu, ce fut la double révolution provoquée par l'adoption des variétés américaines de maïs hybrides et par la généralisation de l'emploi du tracteur. Les bénéfices tirés de la nouvelle culture permirent aux agriculteurs béarnais de s'équiper en matériel motorisé et les incitèrent à étendre les surfaces cultivées : le défrichement accéléré des landes en fut la conséquence, d'autant plus que le maïs hybride réclamait des fumures chimiques et non le fumier de ferme pour lequel on utilisait de préférence la tuie. Les facilités financières accordée pour le défrichement (subventions, prêts du Crédit Agricole,
exemption d'impôt foncier pendant dix ans) accélérèrent encore le mouvement qui toucha d'abord les particuliers et les
communes riveraines de la lande.
Ce fut au même moment que le Syndicat du Haut Ossau, qui était le plus important propriétaire du Pont Long, révisa radicalement ses positions antérieures. Les Ossalois s'étaient longtemps opposés farouchement à toute mise en culture et à toute aliénation qui pouvaient réduire les terrains de parcours. Si la ville de Pau obtint en 1911 un bail de 99 ans pour installer un aérodrome sur 118 hectares, l’État se vit refuser en 1936 une location de terrains pour agrandir la base militaire Cela aboutit à l'expropriation des terrains situés entre l'aérodrome militaire et l'actuel aéroport de Pau-Uzein.
L'ancien mode d'utilisation apparaissait toutefois condamné : les déplacements de vaches étaient de plus en plus difficiles, la vente de tuie rapportait de moins en moins. Le Syndicat resta hostile à toute vente de terrain, mais finit par se ranger aux idées des communes de Béost et Louvie-Soubiron, depuis longtemps favorables à des locations.
La première location pour mise en culture eut lieu en 1952. Actuellement, tout le territoire du Syndicat est loué à des sociétés ou à des particuliers, soit pour des mises en culture, soit pour installer des locaux industriels proches de l'agglomération paloise. De ce fait, le Syndicat perçoit annuellement une coquette somme (230 000 F en 1971) qui lui permet, par l'achat de matériel, d'entretenir chemins vicinaux, routes forestières ou pastorales dans la montagne, de subventionner certains organismes et même parfois de répartir le reste entre les huit communes.
Toutes les conditions favorables semblaient donc réunies pour une mise en valeur rapide. Sans doute fallait-il au départ des capitaux pour acquérir le matériel moderne nécessaire à la fois au creusement des fossés d'assainissement et au
défrichement ; ces travaux préalables étaient très pénibles par suite de l'enchevêtrement des racines du touya D'après le Génie Rural, cité par S. Lerat (ouvr. cité), le drainage et le défrichement d'un hectare de lande à ajoncs coûtaient en 1967 environ 400 000 francs anciens (soit l'équivalent de 7 685,15 francs 1971). Il fallait également des capitaux pour fournir à ces terres acides et pauvres les amendements et engrais indispensables à une culture rationnelle. Mais les frais engagés pouvaient être rapidement amortis ; on pouvait en effet, avec les maïs hybrides, obtenir des récoltes satisfaisantes dès la première année, alors qu'autrefois il fallait au moins trois ans.
De fait, on vit des particuliers ou des sociétés s'intéresser à ces terres vierges et proches de Pau où il était possible de se tailler de grandes exploitations à des prix relativement faibles, et d'y faire une culture rémunératrice puisqu'à l'époque, de 1954 à 1958, le prix du maïs était de 35,70 F le quintal (l'équivalent de 68,59 F de francs 1971). Ils louèrent ou achetèrent les terres soit à de petits propriétaires, soit aux communes, mais surtout au Syndicat du Haut Ossau. On vit donc se constituer de grandes exploitations, souvent d'un seul tenant et, par cela même, inhabituelles en Béarn. Ainsi M. G... a-t-il une exploitation de 180 hectares, en presque totalité loués au Syndicat du Haut Ossau ; s'ils ne sont pas d'un seul tenant, ces 180 hectares sont très groupés, avec un champ de 75 hectares d'une seule pièce ; dans des conditions à peu près semblables, M. M... a près de 150 hectares.
Bien entendu, le paysage ancien fut, en l'espace de quelques années, complètement transformé. La lande a presque disparu et ne se maintient que dans quelques talwegs de ruisseaux, qui sont encore ennovés en hiver. Le drainage moderne par grands fossés au quadrillage régulier a fait disparaître les petites parcelles encloses de talus et fossés qui caractérisaient la mise en valeur très lente d'autrefois. Les champs de maïs ont remplacé le touya et l'expression « triste comme le Pont Long ». n'est
plus de mise aujourd'hui. Cependant le peuplement rural n'a pas suivi la mise en valeur agricole ; rares sont les fermes nouvelles. Il faut dire que certains des nouveaux exploitants ne sont pas originaires de la région. Tel M. G... qui fut un des pionniers de la culture du maïs en Seine-et-Marne où il louait une ferme de 300 hectares, avant de venir en 1960, tenter sa chance dans le Sud-Ouest ; d'autres sont venus de l'Eure, du Nord. d'Afrique du Nord.
Les terres du Pont Long n'ont cependant pas été monopolisées par ceux que l'on a tendance à appeler les « étrangers » ; il y eut aussi des Béarnais qui n'hésitèrent pas à tenter leur chance. Mais ils ne jugèrent pas nécessaire de s'installer sur leurs exploitations car l'agriculture moderne, liée à la machine, n'est pas génératrice de peuplement. Certains cultivateurs du Pont Long habitent à des dizaines de kilomètres de leur champ ; ainsi ces Ossalois qui se sont constitués en GAEC et qui cultivent en maïs les terres que leur a rétrocédées par bail la SAFER des Pyrénées-Atlantiques qui les avait, elle-même louées au Syndicat du Haut Ossau Il s'agit d'un lot de 98 hectares que la SAFER a elle-même assaini, défriché et mis en valeur avant de le sous-louer à deux GAEC, l'un de Bielle (3 agriculteurs, 60 hectares), l'autre de Laruns (2 agriculteurs, 28 hectares). Le hangar métallique, couvert de matières plastiques, servant d'entrepôt pour les machines et la récolte, est le bâtiment d'exploitation typique du Pont Long actuel.
C'est, peut-on dire sans crainte d'être démenti, la culture des maïs hybrides qui a « régénéré » la lande du Pont Long, comme d'ailleurs la plupart des landes béarnaises et basques ; elle a permis un bon départ de la mise en valeur agricole. A condition de les amender et de les engraisser convenablement, les sols profonds et neufs permettent des rendements moyens de 65 à 70 quintaux/ha, avec d'importants investissements en machines, mais avec une main-d'œuvre très réduite. Pendant quelques années, le Pont Long ne porta que du maïs, celui-ci reste encore prédominant, cependant on assiste à une certaine diversification. La pomme de terre a pris une place notable, puisque les deux principales exploitations se sont lancées dans cette culture.
M. G... lui a consacré 10 hectares en 1966, il lui en consacre maintenant 100, pour des raisons surtout commerciales, car,
avec un rendement de 25 T/ha, la pomme de terre donne, en année normale, des bénéfices supérieures à ceux du maïs. malgré un prix de revient triple (achats de plants, main-d'œuvre plus importante). Le sol du Pont Long n'est pas défavorable à la pomme de terre qui ne demande que des engrais classiques : par contre, les pluies de printemps peuvent provoquer le mildiou, qui en 1971 fit tomber le rendement de moitié.
L'élevage a aussi sa place et deux exploitants ont essayé de faire au Pont Long un élevage moderne et rationnel : M. C... qui a loué des terre au Syndicat du Haut Ossau et M. D... qui a créé, entre 1956 et 1962, une belle exploitation de 75 hectares de part et d'autre de la route Pau-Bordeaux et au sud de l'Ayguelongue.
Ces deux exploitants étaient déjà orientés vers l'élevage puisque le premier est propriétaire d'une importante laiterie dans la vallée du Gave de Pau, tandis que le second faisait déjà de la production laitière dans la proche banlieue de Pau, au quartier dit le Hameau. M. D... fait du maïs sur les deux tiers de la surface qu'il cultive, soit une cinquantaine d'hectares ; mais il est surtout un éleveur et a un troupeau d'une cinquantaine de vaches laitières sur le reste. Le système de culture lui donne satisfaction car la succession de maïs et d'herbe ou fourrages lui permet de maintenir les terres en bon état et d'obtenir de bons rendements à la fois en maïs et en lait. Sur le sol du Pont Long, quand il est bien drainé et travaillé, l'herbe et les fourrages poussent très bien ; les bêtes restent neuf mois sur douze au pacage et le climat relativement doux leur permettrait d'y rester toute l'année si par leur piétinement elles n'abîmaient en hiver le terrain trop humide ; on les met donc pendant trois mois en stabulation libre.
Depuis 1965, le Pont Long abrite même une Maison de l’Élevage créée par toutes les associations professionnelles s'intéressant au bétail bovin, ovin et porcin. Une ferme expérimentale a été édifiée en 1967 grâce à une subvention de la SNPA sur les terres louées au Syndicat du Haut Ossau ; abritant une soixantaine de vaches laitières et une station de testage pour jeunes truies, elle consiste en deux hangars métalliques, un pour le matériel et le fourrage, l'autre pour le bétail ; toutes les expériences sont faites sous le contrôle de l'Institut technique de l'élevage bovin de Paris. Sur 50 hectares les trois-quarts sont en prairies ou en maïs d'ensilage, le quart restant en maïs-grains ; fait à remarquer : il n'y a pas eu de déboires au départ bien que l'on ait semé directement de la prairie sur des terres qui venaient d'être défrichées.
Enfin le Pont Long porte même des cultures délicates puisque deux grandes pépinières s'y sont installées et que deux
exploitants se livrent à la culture combinée des fleurs et des fraises et plants de fraisiers. Pour cette dernière culture, les problèmes d'assainissement restent préoccupant, et les rendements en fraises sont simplement moyens, 6 à 7 t/ha ; par contre, les fleurs réussissent bien, dans des serres avec armature métallique et parois de matières plastiques.
La lande du Pont Long a donc été complètement transformée en un temps très court. Pour les vieux cultivateurs béarnais, c'est une véritable révolution que de voir cultiver des œillets et des roses sur cette terre si méprisée autrefois ; d'y voir également un Lycée agricole se livrant à des expériences de culture. Les
résultats obtenus sont évidemment très spectaculaires. Cependant, ils n'ont pas été obtenus sans avatars. Ainsi la Société agricole du Sud-Ouest, qui se lança la première, en 1952, dans un essai de culture en grand des maïs hybrides, dut abandonner au bout de quelques années ; dans ce terrain humifère elle ne put dominer le problème de l'herbe, car la technique des désherbants chimiques n'était pas encore tout à fait au point ; les champs de maïs disparurent sous l'herbe activée par les engrais. De même, M. G... eut des débuts difficiles ; venu du Bassin Parisien où les terres sont cultivées depuis des siècles, il n'avait aucune expérience des sols de landes et n'obtint pendant deux ans que des rendements
dérisoires, pour avoir négligé les conseils de la Direction départementale de l'Agriculture et de l'Association générale des Producteurs de maïs.
En effet, la culture des sols de landes, tels que ceux du Pont Long, demande quelques précautions. Ces terres acides, à pH très faible, exigent pour être cultivées un amendement calcaire ; mais la chaux ne suffit pas, comme on le crut d'abord, il faut aussi de la magnésie et effectivement les apports de chaux magnésienne ( 1 200 à 1 500 kg par hectare) permettent des rendements bien supérieurs. L'erreur serait cependant de croire que tout est gagné et que l'on peut se reposer sur les résultats acquis. Il semble qu'il y ait trois problèmes qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'avenir.
Le premier reste le problème de l'assainissement du sol, qu'il est indispensable de maintenir. Cet assainissement élimine la stagnation de l'eau en marais pendant l'hiver et améliore la structure de la couche de surface qui est le véritable sol ; avec une bonne structure, cette épaisse couche humifère emmagasine suffisamment d'eau lors des pluies de printemps pour supporter la sécheresse de l'été, toujours possible certaines années. On a remarqué que les terres qui souffrent le plus de la sécheresse d'été sont également les terres marécageuses en hiver ; l'ennoiement leur ayant donné une structure compacte, elles se durcissent et se fendillent au moment de la chaleur. Ce problème d'assainissement, sur lequel insistent tous les cultivateurs du Pont Long, reste donc un problème primordial.
Le deuxième problème est celui de la fatigue de la terre. Le Pont Long n'est cultivé que depuis quelques décennies, et on y a souvent fait maïs sur maïs ; ce qui provoque un appauvrissement du sol en oligo-éléments tels que le zinc. On commence aujourd'hui à se préoccuper de l'assolement ; certains, on l'a vu, font un assolement biennal maïs pommes de terre, mais l'une ou l'autre de ces cultures est fatalement négligée : d'autres un assolement triennal maïs - maïs - prairies.
Le Lycée agricole de Pau-Montardon étudie ce problème de façon très sérieuse ; la vesce, qui peut
être utilisée comme fourrage ou comme engrais vert, comme culture d'assolement ou comme culture dérobée, semble donner de bons résultats, que ce soit la vesce de Cerdagne ou la vesce d'hiver. L'avoine est également possible, bien que les résultats obtenus soient moins bons.
Enfin le troisième problème est le problème de l'empoisonnement du sol, qui risque, lui aussi, de se poser à brève échéance. On a vu que l'intensification de la culture du maïs provoque l'appauvrissement en zinc. Un autre danger vient de ce que les apports importants de chaux pour hausser le pH peuvent amener la libération de l'aluminium, qui est néfaste aux plantes ; ils peuvent également amener le blocage du zinc, qui ne peut plus être assimilé, et le blocage de l'acide phosphorique. Le Lycée agricole de Pau-Montardon s'occupe également de ce troisième problème, et son laboratoire étudie l'action des fertilisants et des oligo-éléments.
Si tous ces problèmes peuvent être résolus, le Pont Long aura définitivement perdu sa vieille réputation et continuera à porter les récoltes qui provoquent aujourd'hui un étonnement teinté d'un peu de scepticisme. Il n'empêche que, de l'avis général des cultivateurs, sa vocation naturelle semble rester celle qui fut la sienne de tout temps, c'est-à-dire l'élevage bovin, mais bien entendu un élevage bovin modernisé, auquel on finira peut-être
par se rallier un jour.
Les landes du Pont Long, appartenant aux éleveurs de la
vallée d'Ossau qui les utilisaient comme pâturage d'hiver et ne disposant
que de sols difficiles, ne furent que tardivement utilisées par
l'agriculture. Mais on y assiste depuis quelques décennies à une véritable colonisation
agricole par le maïs surtout, sans que la densité de la population y
augmente autant que la production végétale.
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