n 1315, mourait à Pontoise, à l'âge de 26 ans, Gaston Ier, vicomte de Béarn et comte de Foix. Il laissait trois fils et trois filles en bas âge ;l'aîné, qui devait lui succéder sous le nom de Gaston II de Foix, n'avait que 7 ans. La tutelle fut confiée à sa mère, Jeanne d'Artois, qui en ce moment, se trouvait à la cour de Louis le Hutin, où elle avait accompagné son mari.
Cette tutelle fut mal venue aux Béarnais, et pour cause. La princesse était affligée d'une réputation détestable. Voici le jugement porté sur elle par Raymond, administrateur des biens du prince mineur :
« Elle a toujours été désordonnée de vie et de mœurs, méchante, injuste, prodigue, dissipatrice, négligente; elle est adonnée au jeu, veille toute la nuit et dort tout le jour, méprise les hommes probes et ne recherche que la compagnie des flatteurs et des adulateurs. Elle dissipe le patrimoine de ses enfants et leur laisse manquer d'aliments, ne se préoccupant toujours qu'à ramener le pays aux coutumes de France. »
Mes
les béarnais veulent être gouvernés dignement et en toute justice, ils sont Béarnais et prétendent garder leur autonomie et leur souveraineté.
A l'annonce d'une telle régence, les esprits s'agitent, l'inquiétude gagne le pays : qu'adviendra-t'il demain ?
On prend peur. Une assemblée de délégués des communes et des vallées se réunit à Lescar et délibère sur les mesures à prendre pour sauvegarder “leurs Fors, Coutumes et Franchises” .
C'est une sorte de Tiers-État qui, de sa propre initiative, veille à l' intérêt public.
Cette agitation populaire est un avertissement salutaire pour la régente.
Elle s'aperçoit qu'elle jouerait gros jeu à ne pas respecter les us et coutumes du Béarn et à ne pas tenir compte de l'opinion. Dès sa rentrée en Béarn, vers la mi-juin 1319, on la trouva libérale et conciliante.
A la fin de ce même mois, elle se rend à Bielle, au milieu des Ossalois. Ceux-ci étaient inquiets; elle les rassure, elle leur délivra des lettres patentes qui reconnaissaient leur propriété du Pont-Long.
« Sachent tous, par la grâce de Dieu, comtesse de Foix, vicomtesse de Béarn, de Marsan, de Castelbon, dame de Moncade et de Châteauvieux, comme tutrice de Monseigneur En Gaston, en présence du même Monseigneur En Gaston, ensemble et chacun d'eux promirent aux prud'hommes, aux bonnes gens et à toute la communauté de la terre d'Ossau, pour eux et leurs successeurs, pour tout temps, et jurèrent sur les Saints Évangiles et Sainte Croix de Dieu, qu 'à l' avenir, dans aucun temps, eux ni personne pour eux, leurs Bailes, officiers ou lieutenants, ne laboureront, ne feront labourer, dans la terre du Pont-Long, ne donnant permission, jouissance, faveur, secours ni consentement à aucun homme d'y labourer; ne prendront aucuns agriers, et ne fairont chose contraire au droit, ni contre le droit de la terre d'Ossau, entretenant la paix d'entre Ossau et Pau, contenue dans les accords : - ce fut fait à Bielle, en Ossau, le lundi après la fête de St Paul, anno Domini 1319. »
Il est très important de remarquer qu'en cet acte officiel le droit de la terre d'Ossau sur le Pont-long est formellement reconnu comme existant et réel, et non créé à ce jour.
Les Ossalois ne s'étaient pas trompés dans leurs prévisions. Les bailes de Pau, contre tout droit, permirent, en 1327, à des particuliers, de labourer une partie de la lande, et répondirent aux protestataires d'Ossau que «les gens qui labouraient le faisaient du consentement du prince».
Il fallut que Gaston II de Foix, par lettres patentes, expédiées le samedi, veille de la Pentecôte de la même année 1327, ordonnât d'exécuter celles de la Dame d'Artois.
En 1367, Gaston Fœbus, vicomte de Béarn et comte de Foix, se rendit, à son tour, en Ossau pour chasser l'ours et l'izard. Il amenait sa meute de 600 chiens qui, par droit d'albergade, étaient nourris au frais de la communauté. Les Ossalois profitèrent de sa présence pour faire confirmer et ratifier leurs droits et privilèges.
Par ainsi, le vicomte souverain convient ne pouvoir disposer de la terre du Pont-Long, et, en toute justice, il se pliera à demander le consentement des Ossalois lorsqu'il voudra y apporter quelque modification.
La lettre suivante, écrite par Jean Ier, vicomte de Béarn et comte de Foix, en est une preuve manifeste.
«A nos amis, à la jurande et bonnes gens de la vallée d'Ossau, Bonnes gens, comme vous savez que les gens de notre lieu de Jurançon ont l'usage de pacager et faire paître au territoire du Pont-Long, attendu que les bons et agréables services que nous recevons journellement de ceux de Jurançon, considérant ainsi que le bétail en se retirant pourrait gîter au Champs de Bataille (camp batalhè, Basse-ville de Pau) de notre lieu de Pau, ce qui nous déplairait, nous vous prions, pour l'amour et honneur que vous nous portez, puisque les dits de Jurançon ont le dit usage de faire pacager au Pont-Long, en tant que cela nous touche et peut nous toucher, de leur donner et octroyer le droit et pouvoir de gîter avec leur bétail au dit Pont-Long ou en quelque part : vous nous ferez plaisir et chose dont nous vous serons bon gré.»
Donné à Pau le 1er jour de mai 1426.
Les Ossalois écoutèrent la prière du prince, mais ils protestèrent contre le prétendu droit de pacage des Jurançonnais, qui n'était qu'une concession temporaire et libérale de la Vallée. Ils désignèrent aux habitants de Jurançon certains parsans pour y faire pacager leurs bestiaux pendant neuf années seulement, et l'acte porta cette réserve :
«Qu'entendue la lettre du dit seigneur, les Ossalois ne conviennent point du motif de la dite lettre où il est dit que les gens de « notre lieu de Jurançon» ont l'usage de faire paître et pacager dans le territoire du Pont-Long : qu'au contraire, ils protestent de leur droit contre ce motif, et que les habitants de Jurançon présents et à venir, de leur bon gré, ont expressément reconnu et octroyé, reconnaissent et octroient que, à la prière du susdit seigneur, lesdits d'Ossau, de grâce spéciale, leur ont donné et octroyé le droit de gîter et de pacager pendant le susdit temps, savoir jusqu'à la fin de la Toussaint prochaine, et, de la dite fête en avent, pour neuf ans.»
Ainsi par une prévoyante sollicitude, ils appuyaient leur droit de propriété sur une base juridique, renforcée de pièces authentiques. C'était prudent, car ils n'en avaient pas fini avec les alertes. Au surplus, les temps sont révolus où ils ne pourront désormais soutenir leur cause par la force des armes, mais devront faire antichambre devant le cabinet des sénéchaux, ou se battre devant les tribunaux à coup de grimoires et de placet.
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