ans les premiers temps de la vicomté de Béarn, Morlaàs fut la résidence habituelle du vicomte, mais vite délaissée par la maison de Moncade, qui fit d'Orthez le siège du gouvernement. Ce choix ne devait pas être définitif.
Gaston IV de Foix, séduit par la situation magnifique de la ville de Pau, bâtie sur un promontoire dominant la vallée du gave, en face de la chaîne des Pyrénées, et, de plus, frappé de sa position dans le cœur du pays, et, par ainsi, d'un accès facile de tous les points du Béarn, y fixa la cour du sénéchal. C'était donner une grande importance à la cité et amener un flux de visiteurs.
En outre, ce prince, contribua fi la prospérité et fi l'embellissement du lieu en restaurant le château, en construisant l'église de Saint-Martin, et en créant, dans la localité, des foires et des marchés. Pau qui n'était qu'une bourgade sans caractère ni confort, prit 57 l'allure d'une cité élégante et populeuse. Elle était prête à remplir un rôle plus important.
Avec les princes de. la maison d'Albret, elle devint la résidence capitale des vicomtes qui ceignaient, en même temps, la couronne de Navarre.
A une cour royale il fallait un agrément très apprécié à cette époque, des réserves de gibier, un vaste parc de chasse. La Cour de Pau n'en avait pas. Le roi, Henri II, jugea qu'il était décent de combler cette grave lacune.
Dans une affaire, appelée devant le Parlement de Navarre, en 1634, il fut énoncé dans l'arrêt qui en suivit : « que Henri II, roi de Navarre avait pris sur le Pont-Long neuf ou dix journaux pour faire son grand parc, et avait enfermé dans icelui tout le bois de Larron et une partie de celui de Lousse ».
Le même arrêt maintenait les dits procureurs général et patrimonial « à la propriété, possession et jouissance des bois de Lousse et de Larron, sans préjudice néanmoins des droits de pacage et usage prétendus par les habitants d'Ossau et de Pau, pour en jouir par eux, conformément à l'arrêt sur ce donné le. 29 janvier 1618 ».
Ceci demande quelques commentaires. Ces bois de Larron et de Lousse ont été appelés successivement : forêt de Larron et Barrailh, forêt de Bastard, et enfin, aujourd'hui, bois de Pau. Il est situé au nord dé la ville, à quelques cents mètres de l'hippodrome actuel. Il est certain que, primitivement, ces bois étaient enclavés dans le Pont-Long et faisaient masse avec le domaine ossalois. S'il y avait quelque doute à ce sujet, il ne serait que, de considérer l'arrêt du 29 janvier 1618 porté par le Parlement. C'est une révélation : il y a réserve de pacage et d'usage au profit d'Ossau. Nous avons vu maintes fois que les Ossalois imposaient ces restrictions lorsqu'ils faisaient des libéralités à des tiers.
Cette cession de terrain fut-elle volontaire ou forcée ? Une tradition a existé selon laquelle le roi de Navarre, Henri II, ayant pris de sa propre autorité une parcelle du Pont-Long pour en faire son parc de chasse, l'entoura d'un fossé profond. C'était bel et bien une spoliation basée sur le droit du plus fort.
Les Ossalois en furent quelque peu stupéfaits et regimbèrent si bien que, descendant en masse dans la lande, ils nivelèrent les fossés. Échec au roi. On ne peut certifier ce coup de force, mais, pour le moins, les montagnards protestèrent avec véhémence. C'était dans leurs habitudes et leurs moyens. Nous en avons pour preuve deux épisodes indéniables qui advinrent quelque temps plus tard, sous le régime d'un roi absolu. Voici :
Le sieur Lassansaa, de Billère, descendant du père nourricier d'Henri IV, avait obtenu, en 1770, de Sa Majesté le roi Louis XV, la concession de 250 arpens de la même lande du Pont-Long. Les Ossalois firent opposition et en appelèrent au Conseil royal. Or, la concession fut bel et bien rétractée par arrêt du Conseil du 15 septembre 1772, et néanmoins renouvelée, du consentement des Ossalois, pour 100 arpens, dont ils gratifièrent le sieur Lassansaa pour des considérations particulières, et à condition de payer un sol de fief annuel par arpens.
Une seconde affaire fut solutionnée dans le même esprit quelques années plus tard Par arrêt du 1er décembre 1778, le Conseil du roi 59 ordonna que 154 arpens, 18 perches de la lande du Pont-Long seraient réunis à la forêt de Bastard, comme autrefois sous le nom de bois Larron et Barrailh.
Les Ossalois réclamèrent encore contre cet arbitraire, « arguant qu'ils ne prenaient point à grief d'être privés d'une portion de leur terrain, qu'ils en faisaient même volontiers don, mais qu'ils voulaient faire consacrer leurs droits de propriété comme ils en avaient usé par le passé ».
Le Conseil se ravisa et légalisa en ces termes l'appoint qu'il avait ajouté à la forêt de Bastard. Dans l'édit qui intervint, le 19 décembre 1782, il est déclaré « que les Ossalois donnent leur adhésion à l'arrêt de 1778, que par ailleurs Sa Majesté n'a pas voulu blesser les droits de propriété qui regardent la Vallée d'Ossau; elle ne fait qu'interpréter les sentiments de générosité de cette population, dont la réclamation n'a qu'un objet, celui d'avoir le mérite de faire elle-même volontairement don du terrain mentionné par l'arrêt du Conseil
Ces formules diplomatiques sont très heureuses pour concilier les susceptibilités des parties : l'honneur royal est sauf, et on voudra bien ne pas trouver exorbitant que les Ossalois veuillent être au moins consultés lorsque l'autorité royale dispose de leurs biens.
Ainsi fut réglée, sans doute dans le même style et protocole, l'affaire du parc royal d'Henri II. Le Parlement reçut la protestation des Ossalois et en même temps leur acquiescement aux désirs du prince, et l'arrêt du 29 janvier 1618 légitima l'acte de la Couronne et les réserves du peuple ossalois.
|