La vallée d'Ossau :              
                 Culture et Mémoire




OCCUPATION



omment Ossau, situé à 30 kilomètres du Pont-Long, a-t-il pu s' approprier tout ce canton et établir une domination incontestable, alors qu 'il eut été facile aux populations voisines de revendiquer cette place avec plus de justice ?
Comment les Ossalois, campés au fond de leurs montagnes, se rendirent-ils maîtres du Pont-Long, si distant de leur résidence ?
L' ont-ils acheté, reçu des vicomtes du Béarn à titre de fief, ou le détiennent-ils par droit de premier occupant ?
A toutes les revendications étrangères, soutenues par la force ou portées devant la juridiction des vicomtes ou tribunaux, les Ossalois, réagissant vivement, opposèrent toujours la coutume, une possession immémoriale, le droit du premier occupant.
   C' est l' éternel argument irréfutable :

Jean lapin allégua la coutume et l' usage ;
      Ce sont, dit-il, leurs lois qui m' ont de ce logis
          Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
         L' ont de Pierre à Sinon, puis à moi Jean transmis.

       Les conventions intervenues entre la puissance vicomtale et la vallée d'Ossau reconnaissent ce droit indéniable de la coutume, et en somme viennent l' étayer et le consacrer.
  Les archives locales n'ont gardé la trace que d' un seul contrat concernant l' acquisition par la vallée d' une parcelle du Pont-Long, qui fut achetée au prieur de Ste-Foi de Morlaàs le 20 mai 1373, et les Ossalois la payèrent 350 florins d' or. C' est le seul document positif concernant le sujet.
  Comment put s' établir ce droit de premier occupant dont se sont toujours prévalu les Ossalois ?
  Parmi les tribus ibériennes qui, à l'aurore de notre histoire, étaient établies en Béarn, on note les Osquidates Montani. D' après les historiens, ils occupaient les vallées d'Ossau, d'Aspe et de Barétous et même, débordaient dans la région de Pau et de Morlaàs, en sorte que les ossalois seraient les descendants directs de ces Osquidates.
  Les Osquidates étaient essentiellement pasteurs : ils vivaient du produit de leur bétail,vaches et brebis, tout comme aujourd'hui et c'était tellement reconnu que leur fut appelé, un temps, le pays des Vaccéens, le pays des vachers.
  La culture des céréales donnait juste le nécessaire pour leur alimentation, réservant à l' élevage leur plus grande activité. Durant la belle saison, ils tenaient leurs troupeaux sur les hautes montagnes où poussait une abondante et fine pâture, et l' alimentation de leurs bêtes était grandement assurée. Par contre, l' hiver venu, commençaient leurs difficultés et leurs soucis. De bonne heure, la montagne se couvre de neige, et, de novembre jusqu 'en mai, elle est inhabitable. Comment cette tribu de pasteurs aurait-elle pourvu à la subsistance de son cheptel ?
  Il ne fallait pas compter sur les prairies artificielles ou les réserves de fourrage. Force était aux vachers Osquidates de recourir à la transhumance : ils émigraient vers la plaine pour y passer les mois de froidure. Ainsi ils trouvèrent le Pont-long à leur convenance, et ils l'occupèrent. Cette vaste étendue de terre, libérée de la forêt, se prêtait singulièrement très bien à leurs évolutions pastorales : ils la   gardèrent. Qui aurait pu leur faire opposition, puisque aussi bien leurs établissements poussaient en pointe jusque là ?
  A cette époque, le Béarn était peu peuplé. La ville de Pau n'existait pas ; même est-il bien certain que Bénéharnum fut bâtie sur la ceinture du Pont-Long, dans l' emplacement actuel de Lescar. Tout au plus, quelques petits noyaux d'habitations, clairsemés sur les collines voisines.
  Nul ne put donc empêcher les Osquidates de s'établir paisiblement dans cette plaine du Pont-Long et de la garder. Ils en furent les premiers occupants. Là ils se terraient dans des huttes, dans des cabanes de feuillages, comme il est accoutumé sur la haute montagne, régissant leurs bêtes, veillant sur elles, jusqu 'à ce que la belle saison les rapatriât vers les estives.
  La fidélité à cette transhumance annuelle créa le droit coutumier. Le célèbre Théophile de Bordeu, médecin de Louis XV et originaire d'Izeste, constate cet usage ancestral dans une lettre écrite à ses compatriotes, en 1775, en langue béarnaise :
  « Aquères planes de Pount-Loung, souben sudject de discussious, oun lous Aussales récéboun é rendoun marques é sermens de propriétat en las bères mas deus Soubiras é deus Estats de Biarn. Tabè troupets é bacqueries descènden, cade anade de Diù, dèu haùt de las mountagnes per ana libremen pacaja é passa lous ibers en lou médich Pount-Loung, ço qui hasè é hè encoère l'estat de la Balée. »
  Aujourd'hui encore, les coutumes séculaires se maintiennent et les descendants répètent le geste des aïeux. Au mois de mars, chaque année, alors que les réserves sont épuisées, on annonce, à son du tambour, par les villages d'Ossau, que le Pont-Long est ouvert à la pâture. Au jour fixé, les troupeaux de vaches, portant leurs plus belles sonnailles, descendent par la route dans la grande plaine. Là, le vacher général, chargé de la surveillance, les accueille et les gardera durant l'hivernage.


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