l'expiration de ces neuf années, les habitants de Jurançon enhardis, veulent se maintenir dans ce droit et passent aux actes. Les Ossalois carnalent une jument à leur préjudice. En revanche, les Jurançonnais les assignent devant le sénéchal et prétendent que «la vallée n'a qu'un droit de servitude sur le terroir du Pont-Long; que la propriété de ce terroir appartient au seigneur; ils avancent que la Dame Marguerite de Béarn 1 avait fait rendre une sentence de laquelle il apparaissait que le Pont-Long était propre à la dite Dame, comme dépendant de sa maison et patrimoine ; que tant que Marguerite et Gaston de Foix, son successeur, dominèrent au pays, les Ossalois s'abstinrent de faire aucun acte de maître sur cette lande ; que si, depuis lors, ils y avaient carnalé et fait chose qu'il n'appartenait qu'au prince de faire, c'était en mal usant, en se rendant grandement coupables et punissables.» De son côté, le procureur patrimonial, dont ils réclamaient l'assistance dans l'intérêt du prince, soutint que si les Ossalois n'avaient pas de titre de propriété, si les gens de Jurançon n'en avaient pas non plus, le Pont-Long devait être considéré comme le patrimoine du prince ; que même, à défaut de titres, les uns et les autres devaient être punis pour avoir contrevenu au serment qu'ils avaient prêté de garder fidèlement les biens et la personne de leur seigneur. Les parties durent trouver cuisant ce jugement ironique, qui les dépouillait au profit d'un troisième larron. Les Ossalois n'acceptèrent pas cette décision arbitraire. « Ils répliquèrent qu'il était permis à tout laïque de posséder des choses corporelles et matérielles; que s'il les possédait paisiblement, tranquillement, sans contradiction, pendant le temps requis par le For pour prescrire, c'est-à-dire pendant trente années, il n'était pas tenu de montrer le titre en vertu duquel il avait commencé sa possession; que quant à eux, ils possédaient le terroir du Pont-Long depuis tant de temps qu'il n'était mémoire du contraire; qu'ils le possédaient comme leurs autres héritages, comme leurs montagnes, comme leurs autres vacans, sous la domination du seigneur, ainsi que feraient le leur, gentils-hommes et barons du Béarn; qu'aucun arrêt n'avait déclaré le Pont-Long patrimoine du prince; que le seigneur et dame de Béarn, tenant à cœur leur conscience, les avaient reconnus toujours propriétaires; que même la dame Isabeau 2 mère du seigneur actuel, leur avait écrit afin de les prier d'accorder un droit de pacage à un certains Bernard de Penaud.»
1. Marguerite, femme de Roger-Bernard, comte de Foix, et mère de Gaston 1er de Foix.
2. Isabelle, femme d'Archambaud de Grailly et mère de Jean Ier de Béarn.
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