La vallée d'Ossau :
Culture et Mémoire
LE PONT - LONG
Derniers assauts
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es gouvernements de la Révolution et de l'Empire avaient poussé la concentration à outrance., et l'Etat était devenu tout-puissant. Il était bien difficile de lui résister et de l'emporter.
Usant de son droit souverain, avec moins de ménagements que les anciens vicomtes et même que le gouvernement absolu de Louis XV, puisque celui-ci avait reculé devant les observations des Ossalois, la Révolution s'empara du domaine entier de Lespiau, le convertit en bien national et le mit aux enchères le 2 mai 1791.
Il était composé de 655 arpens de terres de diverse nature, prairies, champs labourables, touyas et bois, maisons et granges. Il fut adjugé aux frères Lerem-boure de St-,Tean-de-Luz pour 173.00(1 francs.
Lespiau avait été fondé et doté par Ossau ; bien plus, une partie du domaine n'avait jamais été aliénée par la Vallée, mais simplement donnée à usufruit, comme en faisaient foi les conventions de 1491 el 1664.
Les Ossalois firent opposition à la vente de ces parcelles du domaine dont ils ne s'étaient jamais dessaisis, soit 201 arpens 3/4 de lande ouverte. Ils portèrent l'affaire devant le tribunal de première instance de Pau, et produisirent tous leurs titres, chartes, lettres patentes, conventions.
Le 30 août 1828, le tribunal rendit le jugement suivant
- Considérant qu'il ne paraît y avoir aucun doute que la Vallée d'OSsau soit propriétaire du Pont-Long, que cette propriété remonte à une époque perdue dans la nuit des temps; qu'elle a été reconnue depuis la lin du XII° siècle par une foule d'actes authentiques et respectables, émanant pour la plupart des Princes et Princesses du Béarn.
- Qu'il parait des divers documents du procès que les Ossalois possédaient à titre de maîtres dès avant qu'II y eut des seigneurs en Béarn ; que l'Etat n'a aucun droit sur cette propriété ; que la maxime « nulle terre sans seigneur » ne fut jamais admise en Béarn ;
- Le tribunal jugeant en matière ordinaire et statuant sur l'opesition faite par la Vallée d'Ossau avant la vente du domaine Lespiau, sans avoir égard à la fin de non recevoir opposée soit par l'Etat, soit par les adjudicataires de Lespiau, dont ils sont déboutés; sans avoir pareillement égard à l'adjudication du domaine Lespiau du 2 niai 1791, dit que la Vallée d'Ossau est propriétaire du Pont-Long, déclare que les 201 arpens 3/4 de lande ouverte en font partie ; maintient la dite Vallée dans la propriété du Pont-Long, compris les 201 arpens 3/4 et déboutant l'Etat de ses prétentions, etc... »
Malgré cette victoire, tout un faisceau de convoitises se dressa bientôt pour expulser les montagnards de.. cette lande du Pont-Long, qu'ils défendaient depuis des siècles avec une ténacité indomptable.
Les communautés usagères qui, en somme, n'avaient . pu établir leurs servitudes que par une libérale condescendance du propriétaire prétendaient à un droit plus stable et plus solide. Les trente, que nous avons énumérées au commencement, se syndiquent et requièrent, par devant le tribunal de Pau, un titré ferme de cantonnement. Elles ont usé, disent-elles, durant des siècles; cela suppose un droit réel de possession et non de tolérance; au besoin la prescription jouera en leur faveur. En fait, cette prétention équivalait à un titre de propriété sur le Pont-Long.
Le tribunal accepte cette thèse, et, par un jugement rendu le 18 août 1836, tout en reconnaissant la Vallée propriétaire de l'ensemble, accorda aux demandeurs, comme cantonnement de leur exploitation, les 4/5 du territoire, réservant le reste à la Vallée d'Ossau.
C'était la spoliation pure et simple du propriétaire, et donc une catastrophe pour les Ossalois.
Ceux-ci résistent et défèrent la cause en appel. Les nouveaux juges apprécièrent plus sainement les situations et les droits. Se référant à la sentence de M. de Vaubourg qui partageait l'albergue par moitié entre Ossau d'une part et les communautés de l'autre, le tribunal cassa le dernier jugement, le 11 août 1837, et réserva aux Ossalois la tranquille el complète possession de la moitié du Pont-Long.
Justice était rendue aux montagnards tenaces qui n'avaient jamais désespéré de leur bon droit.
A la nouvelle de ces succès, la joie fut grande. en Ossau : elle se donna carrière en chansonnant la liguedes chicaniers dans la personne haute et corpulente de la ville de Pau :
Adiù, bile de Paù,
Tu t'es man emplégade
De barra Pal-loung
Dab paùs è palissade;
En despiègt deùs de Paù
Lou Pal-loung sera d'Aùssaù.
Désormais, les montagnards jouissent pacifiquement de leur domaine sans que jamais plus personne n'ose troubler leur possession.
Cependant, instruits par un passé de luttes et de combats, ils mettront, à poste fixe, au milieu de la lande, des gardes assermentés qui veilleront à l'intégrité du territoire ; leur demeure, comme signe de possession incontestable, se dressera sur la grand'route de Bordeaux, portant à son fronton les armes de la Vallée avec la devise : « Aùssaù ! biba la bacca ! »
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