La vallée d'Ossau : Culture, et Mémoire.
L' ORATOIRE DU HOURAT
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n, parcourant la gorge déserte et sauvage qui conduit des Eaux-Chaudes à Larruns, les regards des voyageurs sont agréablement surpris à la vue d'un petit oratoire consacré à la Vierge. Dans l'intérieur de ce monument élevé en 1591, détruit par les injures, du temps, et rétabli en 1646, on voit encore deux inscriptions latines, dont le célèbre Bordeu a donné la traduction suivante :
Voici le texte de la première inscription :
SISTE, VIATOR,
Mirare quæ non vides, et vide quæ mireris ; saxa sumus, et saxa loquimur ; esse dedit natura, loqui Catharina ; Catharinam hæc ipsa quæ legis intuentem vidimus, Catharinam loquentem audivimus, Catharinam insidentem sustinuimus ; felicia saxa, viator, quæ illam sine oculis vidimus ; felicem te, qui eam oculis non videris ; nos viventia, quæ antea eramus mortua ; tu, viator, qui vivebas, factus fuisses saxum.
Catharinæ, Francorum Navarræorum Principi, hàc iter facienti, Musæ virgines virgini posuere. Anno D.M.D.XCI.
ARRETE-TOI, PASSANT,
« Admire ce que tu ne vois pas, et regarde des choses que tu dois admirer ; nous ne sommes que des rochers, et cependant nous parlons ; la nature nous a donné l'être, et la Princesse Catherine nous a fait parler ; nous l'avons vue lisant ce que tu lis ; nous avons ouï ce qu'elle disait ; nous l'avons soutenue. Ne sommes-nous pas heureux, Passant, de l'avoir vue, quoique nous n'ayons pas d'yeux ? Heureux toi-même de ne l'avoir pas vue ! Nous étions morts et nous avons été animés ; toi voyageur, tu serais devenu pierre.
Les muses ont érigé ce monument à Catherine, Princesse de Français-Navarrais, qui passait ici l'an 1591»
Voici la traduction de la seconde inscription :
DIEU TE GARDE, PASSANT !
« Ce que tu vois avait péri ; mais la mort l'a fait renaître. Ne te plains pas de la vétusté qui a détruit le monument de la Princesse Catherine ; car l'injure du temps a été réparée, quand ce marbre a été rétabli par les soins de Messire Jean-de-Gassion, conseiller d'état, président au parlement de Navarre, et intendant-général des domaines du Roi, de la justice, police et finances dans la Navarre, le Béarn, la Chalosse, la Bigorre et le Vic-Bil, l'an 1646.»
Près de cet oratoire, la nature, à laquelle se sont joints les hardis travaux de l'homme, présente en même temps un nouveau sujet d'étonnement et d'admiration. Ici, des monts escarpés, extrêmement rapprochés à leur base, formaient un défilé si étroit, qu'il était entièrement occupé par le cours du Gave ; cependant, en taillant et faisant sauter des masses énormes de rochers perpendiculaires et sans aucun talus, on y a ouvert une large route admirable, par sa beauté, et praticable pour toute sorte de voitures. Construite pendant la mémorable administration de M.d'Ettigny, sur les bords du plus effrayant précipice, cette route est une des merveilles les plus remarquables en ce genre de toute la région des Pyrénées. C'est au fond du gouffre au-dessus duquel elle est, pour ainsi dire, suspendue, que le torrent lui-même s'est frayé un passage, en creusant et en perçant les montagnes a une très grande profondeur. De ce lieu nommé Hourat, mot qui, dans le patois du pays, signifie trou On prétend que cet endroit a pris cette dénomination d'une ancienne ouverture où les eaux du Gave se précipitaient pour reparaître ensuite par des routes secrètes, près du village de Buzi ; on ajoute encore que, lorsque des causes qu'on ne détermine pas vinrent à intercepter ce passage, le Gave prit son cours par la plaine de la vallée d'Ossau. on descend à Larruns par une rampe large, mais assez rapide. Au bas de cette côte, et presque attenant aux maisons de ce village, on trouve le vaste hangar destiné au dépôt de bois de mâture que l'on tirait de la forêt de Gabas. L'exploitation de cette forêt, depuis quelque temps suspendue, offrirait encore beaucoup de ressources à la marine royale, si elle faisait ouvrir de nouvelles parties de route dans le vallon de Broussette.
Après avoir séjourné pendant quelques heures à Larruns, nous remontâmes en voiture, et nous commençâmes à parcourir de nouveau, mais plus à l'aise, et avec beaucoup plus d'agrément que la première fois, la belle et intéressante vallée d'Ossau. Parmi les richesses qu'elle présente, et qui arrêtent à chaque pas la marche de l'observateur, nous ne citerons que les principales : d'abord, et en suivant l'ordre naturel de la route, les carrières de marbre blanc qui se trouvent aux environs de Loubie, village situé à une petite distance au nord de Larruns. Ce marbre, à grandes écailles et d'une, belle transparence, a été employé avec succès par les statuaires. Il remplacerait, en France, les marbres de Serravezza et de Carrare, avec lesquels il a la plus grande analogie, si sa blancheur n'était altérée par une légère teinte grisâtre.
Nous croyons qu'avant de renoncer à l'espoir de substituer aux marbres étrangers les analogues de notre pays, il serait important de fouiller et d'examiner à une plus grande profondeur cette carrière, ainsi que celles de la vallée d'Aspe car jusqu'à présent à peine a-t-on, pour ainsi dire, effleuré la superficie de l'une comme des autres.
On rencontre ensuite les ardoisières de Géteu, les plus abondantes de toutes celles que l'on exploite dans cette partie du Béarn. Ces matières argileuses s'étendent de la rive gauche au-delà de la rive droite du Gave, et se prolongent au loin sur les terrains des environs. Nous avons eu lieu d'observer cette sorte de correspondance entre des substances de même nature dans d'autres montagnes, séparées par le lit des torrents et notamment dans la vallée de Baigorry.
Rien de plus remarquable que la beauté des matériaux employés à la construction des maisons de Bielle rien de plus intéressant que les vestiges de l'ancienne Abbaye des Bénédictins que renferme ce bourg, chef-lieu de la vallée d'Ossau. Son église, d'architecture gothique, possède ces belles colonnes de marbre que Henri IV, devenu roi de France, désira faire transporter à Paris. On rapporte qu'à sa demande, la commune de Bielle fit la réponse suivante en idiome béarnais : « Sire, vous êtes le maître de nos cœurs et de nos biens ; mais, quant à ce qui regarde les colonnes du temple, elles appartiennent à Dieu : arrangez-vous avec lui.Sire, bous quets meste de noustes coos et de noustes bés, mes per ço qui es déous pialas déou temple, aquets que son de Diou, d'abeig qu'ep at béjats.
Sources
- MM, Melling et J.A Cervini de Macérata, Voyage Pittoresque dans les pyrénées françaises, Treuttel et Wurtz, Libraire, 1826-1830
- Dessins, M.Melling
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