e sol national est fécond ; les flancs de nos montagnes contiennent des richesses inappréciables et la nature a généreusement répandu ses faveurs sur la France.
Un produit nous manquait cependant. Nos statuaires contemporains, aussi bien que leurs prédécesseurs des derniers siècles, dans le grand art, étaient tributaires de I’île de Paros et des carrières de Toscane ; et c’est particulièrement à Carrare qu’ils allaient chercher le marbre destiné à leurs œuvres.
Cette situation était regrettable à divers points de vue : regrettable au point de vue de notre amour-propre national ; au point de vue des nécessités de l’art, de la sculpture et à celui, bien intéressant aussi, de nos industries françaises. L’éclosion de ces immortelles pléiades d’artistes Toscans, provient assurément de la facilité qu’avaient les statuaires italiens de trouver sous la main et dans des conditions de bon marché suffisantes, la matière première.
Il y a tout lieu de croire que si nos artistes, nos architectes et nos industriels français avaient eu les mêmes avantages, les goûts décoratifs se seraient répandus chez nous dans les mêmes proportions que chez nos voisins, et c’est pour ce motif que ceux qui s’intéressent aux progrès de l’art et de l’industrie, ont toujours manifesté le regret que nos montagnes si riches en produits minéralogiques, en sources salutaires et bienfaisantes, en marbres destinés aux usages commerciaux, ne puissent aussi offrir la matière nécessaire aux somptueuses dispositions architecturales et aux ateliers de nos grands artistes.
Des chercheurs opiniâtres, des ingénieurs distingués, ont fouillé en vain les Alpes et les montagnes d’Auvergne. C’est dans les monts Pyrénéens qui cachaient, jusqu’à ce jour, des richesses ignorées, que ces précieuses carrières existaient et qu’elles viennent d’être découvertes.
Le mot « découvertes » n’est pas ici rigoureusement exact, car il est absolument acquis à l’histoire qu’à l’époque de la domination romaine, longtemps avant la découverte des marbres de Carrare, des édifices, des arcs de triomphe, des statues ont été édifiés avec des marbres extraits des montagnes de Gère-Bélesten et de Laruns, en vallée d’Ossau, qui furent exploitées par les conquérants de la Gaule.
Un ingénieur en chef des mines, fort distingué, qui a fait une étude spéciale de la question et qui a longtemps séjourné en Béarn, a découvert, dans ses examens consciencieux et autorisés, les traces des exploitations familières aux Romains ; et les affirmations de la science moderne sont en cela conformes à la tradition historique.
Dans ces conditions, il appartenait à des hommes soucieux des intérêts de notre industrie et du progrès de l’art, de retirer de cette situation ce qu’elle pouvait avoir de favorable, tant au point de vue industriel qu’artistique.
Le premier qui, après un espace de plusieurs siècles, a su découvrir les richesses cachées dans le sein des montagnes d’Ossau, est M. Jenty, dont la haute compétence fut universellement reconnue et qui joignait aux précieuses qualités du publiciste, celles non moins appréciables de l’érudit et du chercheur.
Il fit de nombreuses excursions dans cette partie de la chaîne pyrénéenne et se voua avec opiniâtreté à une œuvre qui aurait déjà apporté la richesse et le bien-être dans la contrée ; qui aurait en même temps rendu d’immenses services à l’art architectural, décoratif et industriel, si une mort prématurée ne l’avait enlevé à son intelligente entreprise.
M. Jenty avait fait extraire des carrières de Gère-Bélesten et de Laruns, des blocs de marbre blanc qu’il avait soumis à l’examen de nos plus grands statuaires ; tous, sans exception, restèrent émerveillés devant leurs qualités et se refusaient à croire qu’une matière aussi pure, aussi complètement fine et dépourvue de substances étrangères, fut sortie d’une autre carrière que celle de Carrare, dont le renom était exclusif.
Plusieurs de ces artistes, voulant avoir une certitude complète, n’hésitèrent pas, sur l’invitation qui leur fut faite par M. Jenty, à se rendre sur les lieux ; et là, le ciseau à la main, après avoir éprouvé eux-mêmes la qualité de la matière, ils furent contraints de se rendre à l’évidence.
Le marbre statuaire de Gère-Bélesten et de Laruns, avait reçu sa consécration officielle.
Le grand sculpteur Carpeaux, fouilla de son ciseau les marbres blancs d’Ossau ; et l’on voit encore dans le somptueux hôtel que la famille Jenty possède, 68, avenue des Champs-Elysées, plusieurs sujets décoratifs et notamment un buste que l’artiste sculpta dans le marbre blanc qui lui fut fourni par M. Jenty.
Ce buste repose sur une gaîne de marbre vert, sorti de la même montagne ; et dont les éclats font l’admiration des connaisseurs.
Les marbres, de l’escalier de cet hôtel proviennent également de filons qui se trouvent dans ces montagnes, ce qui démontre surabondamment, que l’industrie aussi bien que l’art ont à leur disposition dans les carrières d’Ossau des richesses incomparables.
L’exploitation à cette époque offrait des difficultés, non au point de vue de l’extraction, car elle pouvait se faire à ciel ouvert, mais au point de vue du transport.
Gère-Bélesten et Laruns étaient alors éloignés de toute voie ferrée ; aujourd’hui, une ligne importante, celle de Pau à Laruns, coudoie le flanc de la montagne et semble avoir été faite pour favoriser le transport et offrir les plus précieux avantages à l’exploitation.
Ce qui frappe le plus dans l’examen attentif des carrières de Gère-Bélesten et de Laruns, c’est la variété de leurs richesses : parallèlement et à quelques centaines de mètres des gisements de marbre statuaire, se trouvent des filons de marbres cipolins de toutes nuances ; de marbres bleu fleuri, etc., etc. et les facilités de l’extraction sont telles, la continuité du filon si parfaitement propice, qu’on peut obtenir d’une seule pièce, des colonnes de dix, douze, et même, en dépit de toute vraisemblance, de quinze mètres de longueur sur un équarrissage proportionnel.
Les montagnes de Gère-Bélesten et de Laruns possèdent donc le marbre statuaire pur, éclatant, comparable à celui de Carrare et particulièrement favorable à l’art du statuaire. Elles possèdent, en outre, les marbres de nuances variées destinés à toutes les industries.
Leur extraction est facile, leur transport économique ; et, d’après les opinions les plus autorisées, les calculs les plus rigoureux, en faisant largement la part des obstacles et des circonstances les plus inadmissibles, ces matières peuvent être livrées à nos artistes et à nos industriels à des avantages tels et dans de telles conditions économiques, que le
succès de cette exploitation peut, dès à présent, défier toute concurrence.
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