La vallée d'Ossau :              
                 Culture et Mémoire




LE SYNDICAT DU HAUT OSSAU

Gestion du Pont-Long



e 3 juin 1838, Louis Philippe, roi de France, demandait par ordonnance la formation d’une Commission syndicale pour administrer les biens de la vallée, à savoir, la lande du Pont-Long et les communaux appartenant par indivis aux communes de Laruns, Aas, Assouste, Aste-Béon, Béost, Gère-Bélesten, Louvie-Soubiron, Arudy, Bescat, Bielle, Bilhères, Buzy, Castet, Izeste, Louvie-Juzon, Sévignacq et Sainte-Colome.
   Cette commission devait être composée des délégués de conseils municipaux des communes intéressées à raison d’un délégué par commune. Le ministre secrétaire d’état au département de l’Intérieur, fut chargé de l’exécution de cette ordonnance royale.
   En 1855, les deux cantons de la vallée partagèrent leurs montagnes générales et le Pont-Long.
    Le canton d’Arudy vendit quant à lui ses 1.018 hectares, le 6 novembre 1865, à M. Sellier, directeur de la Compagnie d’irrigation. Dès lors, l’autre partie du Pont-Long, propriété du haut Ossau, fut administrée par le Syndicat du même nom qui avait en plus la gestion des montagnes générales du canton de Laruns, et l’organisation du comice agricole annuel.
    Jean-Baptiste Bonnecase, le maire de Bilhères était, en 1890, le président du Syndicat du haut Ossau. Il le resta jusqu’en 1896 lorsqu’il fut remplacé par le Larunsois Jean-Baptiste Gros-Ossau dont le mandat sera renouvelé au-delà de 1914.
   Les seuls revenus du Syndicat provenaient de l’exploitation des landes du Pont-Long. Mais avant de parler de ces revenus, faisons un saut dans le temps pour rappeler ce qu’était (et est encore aujourd’hui) le Pont-Long, propriété ossaloise depuis des temps immémoriaux.
   Pour cela, on s’appuiera sur les archives du Syndicat et en particulier sur le travail de classement effectué par Jean-Baptiste Bonnecase entre 1890 et 1896. Le président bilhérois fit en effet, entre autres, l’inventaire général des titres de la vallée d’Ossau sur le Pont-Long.
   Il en répertoria cinquante dont je n’ai relevé que ceux qui me semblaient les plus importants.
   — Le premier titre datant de 1221 est le for de la vallée d’Ossau inséré dans le vieux for général de l’an 1288 exposé aux archives des Etats (une copie collationnée du for d’Ossau fut produite au Conseil des Finances).
   — Le neuvième titre est une sentence de la Cour Majour en faveur des Ossalois rendue le 16 août 1324.
   — Le onzième titre est une lettre écrite la veille de la Pentecôte 1327 par le souverain Gaston, vicomte de Béarn, au baile de Pau pour « lui faire deffenses de troubler les Ossalois dans la pocession du Pont-Long. » (Cette lettre se trouve dans le livre rouge).
   — Le trente-troisième titre est la confirmation le 1er mai 1522 des droits et privilèges du Pont-Long par Henri, Roy de Navarre, seigneur souverain de Béarn.
   — Le quarante-deuxième titre enfin, est encore la confirmation de ces droits faite par Louis XIII en octobre 1612.
   Bonnecase cite encore cette
   — permission accordée le 28 avril 1409 au seigneur de Lons par la vallée de faire gîter son bétail au Pont-Long pendant deux ans (livre rouge),
   — une lettre écrite le 8 janvier 1543 par le roi Henri aux habitants d’Ossau, leur demandant « de recevoir le bétail de la Demoiselle d’Artiguelouve sa cousine au pacage du Pont-Long » et enfin,
   — une permission accordée par les Ossalois le 28 juin 1468 aux habitants de Serres-Castet de cultiver pendant dix ans seulement quelques pièces de terre dans le Pont-Long, le long du ruisseau le Levy.

   Ces recherches et la tenue des archives du Syndicat par J. B. Bonnecase valurent à celui-ci une lettre de félicitation, le 10 mai 1895, de la part du conservateur des archives de la préfecture des Basses-Pyrénées.

    Donc, c’était l’exploitation de ces landes du Pont-Long, reconnues ossaloises depuis toujours qui fournissait les revenus nécessaires au Syndicat du haut Ossau pour la conservation et l’entretien des montagnes générales et dudit domaine du Pont-Long, puisque le bétail du canton bénéficiait de la gratuité pour le pacage de la montagne indivise.
   Il faut dire qu’à l’époque qui nous intéresse, ces landes, aux abords de Pau, procuraient aux Ossalois des revenus non négligeables provenant de sources très diverses comme les taxes de pacage pour le bétail, la vente des ajoncs, des tuies (thuyas) et des fougères, la location de la chasse, la redevance de l’armée pour tirs de guerre et champ de manœuvres et, plus tard, la location de terrains pour l’aviation.
   Nous allons donner quelques détails pour chacune de ces sources de revenus.

Pacage du bétail.

    C’est surtout à partir du mois de mars que les Ossalois du canton menaient le jeune bétail bovin et les vaches non productrices de lait (les manes) dans la plaine du Pont-Long.
   L’hiver avait été rude et la réserve de foin réduite à peu de chose : il fallait donc se « débarrasser » du bétail qui ne rapportait rien à la maison. Souvent, on regroupait les vaches d’un même village que des pâtres communs allaient accompagner et garder.
   La Mémé Beigbeder d’Aas a gardé l’image du cadet de Horgues-Dessus qui partait chaque année au Pont-Long à la tête des vaches de sa famille et de celles que lui avaient confiées d’autres propriétaires du village.
   Il était fier, revêtu de sa camisole et les sabots aux pieds. Comme la distance à parcourir était importante (quelque 50 km), on laissait reposer les bêtes dans des aires établies à Izeste, Rébénacq et la Haute-Plante (place de Verdun) à Pau.
   Auparavant, le propriétaire devait déclarer à la mairie de sa commune le nombre exact de bêtes qu’il envoyait au Pont-Long ainsi que le nom du gardien à qui elles étaient confiées.
   Les maires mandaient ces déclarations au président du Syndicat, avant le 10 mai de chaque année.
    Pour Laruns, les déclarations étaient reçues directement par le secrétaire du Syndicat.
   Les pâtres communs étaient tenus de présenter les bestiaux aux gardes du Syndicat aux lieu, jour et heure fixés à cet effet afin de vérifier l’exactitude des déclarations.
   La taxe annuelle par tête de bétail de race bovine ou chevaline né avant le 1eraoût de l’année précédente était fixée à 1 Franc et le montant de ces taxes était versé aux mains du receveur du Syndicat à Laruns entre le 1er septembre et le 31 décembre de chaque année.
   En outre, les deux gardes du Syndicat étaient tenus dans la mesure du possible de recevoir les pasteurs du canton de Laruns désireux de loger dans la maison du Pont-Long (la Case d’Ossau), « lors de leur passage pour les pays bas ».

Vente des ajoncs, des tuies (thuyas) et des fougères.

    Ces produits procuraient le revenu le plus important du Pont-Long. Il faut rappeler que ces landes étaient en grande partie incultes, parsemées de marais où ne poussaient guère que les tuies, les ajoncs et la fougère qui faisaient toutefois le bonheur des propriétaires riverains.
   Ces herbes étaient mises en vente chaque année : on l’annonçait par voie de presse et par le biais d’affiches et les lots étaient mis aux enchères en août ou septembre dans une des salles de la préfecture. En 1904 par exemple, 25 lots plus 2 lots de marais formant quelques 352 ha furent distribués.
   La surface de chaque lot d’ajoncs variait entre 1 ha et demi et 20 ha et coûtait 56 F l’hectare mais seulement 30 F l’hectare pour les marais. Les nombreuses lettres se trouvant aux archives du Syndicat du haut Ossau attestent des contestations nombreuses des adjudicataires qui en profitaient pour demander des reports d’échéance ou des révisions de prix.
   Les termes employés dans ces missives montrent que le président du Syndicat était considéré comme un personnage digne d’un respect frisant parfois la crainte : sans trop exagérer, on s’adressait à lui comme le serf le faisait autrefois à son seigneur.

   Sources

  • René ARRIPE, Ossau 1900, canton de Laruns, LOUBATIÈRES
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