La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




L’ABBAYE LAÏQUE DE GÈRE Curieux de voir 2 mots aussi antinomiques ainsi réunis.
  L'abbaye laïque n'est pas une exclusivité béarnaise, mais en Béarn, le phénomène a pris un caractère systématique ; en débordant sur la Bigorre et la Soule. C'est ainsi qu'il y eut autour de 300 abbayes laïques en Béarn (on a même noté l'existence de 3 abbayes dans le même petit village).
   C'était la demeure de l'abbé laïque toujours proche, souvent accolée à l'église ; elle formait un tout avec le château et en fait, l'église avait le double rôle de chapelle du château et d'église communale ; une sorte d'interface entre public et privé, noblesse et peuple.
  C'est ainsi que nombre d'églises et de châteaux en Béarn sont issus de ces fameuses abbayes laïques. L'abbé-seigneur pouvait assister aux offices sans se déplacer et bien au chaud, car bien souvent un finestrou (donnant dans l'église) était aménagé dans ses appartements (Béost...) et à tout le moins, il avait une petite entrée particulière et privée.
(extrait de Lo Noste Béarn d'Hubert Dutech)




e village de Gère possède une tour fortifiée ancestrale sise à quelques mètres de l'église et datée du XIIIe siècle, même si certains éléments architecturaux peuvent laisser imaginer une origine plus ancienne.
Cette tour, classée monument historique, est actuellement dénommée "La Tour d'Ore".

    Mais quelle est son histoire ?

     Un premier dépouillement d’archives et notamment un grand nombre d'actes détenus aux archives départementales conservées à Pau, et concernant la vallée d'Ossau, attestent que les seigneurs de Béon, puissante famille féodale de la vallée d’Ossau, cadet probables des premiers vicomtes de Béarn, étaient détenteurs, depuis la seconde moitié du XIIIe siècle au moins, de la seigneurie de Gère, village situé à environ deux kilomètres de Béon, de l'autre côté du gave....

    Il s'agit aujourd'hui du village de Gère-Belesten...

    On y rencontre en effet successivement :     
  • Arnaud-Guilhem de Béon, seigneur de Gère, qui épousa en 1422 Constance de Montault. Il est également nommé dans l'acte notarié passé vers 1430 à Pau entre Bellauc, curé de Bielle, et les habitants de Gère-Belesten. Enfin, en août 1436, il est témoin du serment prêté dans l’église de Bielle par Gaston XII, neveu de Mathieu, comte de Comminges, qui jure, à son tour, avec les membres de la noblesse, d’être fidèle au vicomte de Béarn, ayant pour autres témoins Jean Forton, évêque de Tarbes, Manaut Dabos, Pierre, seigneur de Doumy, Raymond de Louvie, Bernard de Sainte-Colome, Monsieur Guiraud, curé de Louvie-Juzon et d’Izeste, Spaa Maysonnave, curé d’Arudy.
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  • En 1461, son fils également prénommé Arnaud-Guilhem est cité comme abbé-laïc de Gère. Il est connu pour avoir joué un rôle de premier ordre à la cour du comte de Foix, et en particulier d’avoir été son ambassadeur lors du mariage du Prince de Viane (fils aine de Gaston V, comte de Foix, de Bigorre, et vicomte de Béarn) en 1461 avec Madeleine de France. Il mourut assassiné en 1463 par Étienne Arriebière, cordonnier de Montréjeau, à la suite d'une querelle relative à la concubine de ce dernier ;
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  • Après la mort d’Arnaud-Guilhem de Béon, Bernard de Béon, son neveu, devint seigneur de Gère. Le 20 août 1487 il épousa Jeannette d'Ornézan, fille de Jean d’Ornezan, seigneur de Saint-Blancard, et de Béatrice de Mauléon ;

  • Autre Arnaud-Guilhem de Béon, seigneur de Gère, (ou Arnaud-Guilhaume), fut Archidiacre de Sauvestre et administrateur perpétuel de la commanderie de l’hôpital de Lespiau (dépendant anciennement de Sainte-Christine de Somport). Il est dit licencié du couvent de Sauveterre dans d’autres actes. Il signa le 21 janvier 1473 un accord entre Jean de Lévis, évêque de Lescar, et le chapitre, au sujet de différentes prébendes.
        Il est cité, en 1489, comme témoin de la révolte d'Arnautuquet d'Espalungue contre l'autorité de la reine Catherine. Sous l’invocation de Saint-Jacques, il présente un rôle des terres appartenant à sa maison, et le 23 mars 1491, il transige avec les Ossalois au sujet d’un empiétement sur le territoire du Pont-Long. Il figure encore vers dans un paréage conclu entre le seigneur R. Gassie et la communauté de Bilhères, et, en second lieu, dans un acte public où il s'agit d'une censure ecclésiastique encourue par Bertranette Médou, du village de Béon ;

  • Un certain Courtade, d'après une charte de l'an 1490, fut chargé par le titulaire de la prébende fondée à Ste-Croix d'Oloron par Guilhem Bordères, de remettre 100 florins à Pierre de Béon, seigneur de Gère, qui lui avait cédé les revenus provenant des maisons Fondàa-Dessus, Fondàa-Défore, Palassou, Casalets, Trésarrieu et Casemayou sises à Gère-Belesten.
    Au cours du XVe siècle l'on assiste progressivement en Béarn à la naissance d'une distinction administrative entre "seigneurie", "seigneurie de paroisse", et "Abbaye laïque", certains villages pouvant en réunir simultanément plusieurs.
     Cela semble avoir été le cas à Gère ou l’on voit coexister de façon bien distincte, au début du XVIe siècle, à la fois une abbaye laïque et une seigneurie.
     Dès le début du XVIe siècle, sans doute à la suite d'un démembrement et d’une cession, la famille "de Laborde" se retrouve propriétaire de l'abbaye laïque de Gère, alors que les "Béon" sont toujours propriétaires de la seigneurie du même nom, mais plus pour longtemps, car Jeanne de Béon vendit en 1531, sans que l'on sache pourquoi, les terres et château de Béon à Jean de Lanusse, vice-roi d'Aragon, qui prit pour procureur noble Gassie, seigneur de Lezons. On sait qu'il ratifia une vente de terre faite à P.Casaujusàa par Jeanne de Béon, ainsi qu'un paréage conclu avec Gère-Bélesten dans une réunion générale des habitants, tenue à la Peyre-Gerbude.
     C'est à cette époque (1531), sinon à une date antérieure qu'il convient de faire remonter une charte de Dénot-Poeymédou, notaire d'Ossau, en vertu de laquelle, Jeanne de Béon, pour des motifs inconnus jusqu'ici, transmet ses droits et ses privilèges à son proche parent, noble Ferré de Lanusse. La prestation du serment de fidélité eut lieu dans l'église St-Félix de Béon. Le nouveau seigneur, devant le peuple réuni, se tint à genoux, au pied de l'autel, et, les mains posées sur le missel et le Crucifix s'engagea par serment solennel à maintenir les coutumes locales, tandis que ses censitaires, de la même manière, promirent de lui être fidèles, ayant pour témoins « Raymond de Laborde, jurat de Nay, abbé laïc de Gère », Cx. Dlédou et B. Bergeret, prêtres".

    Les restes de la seigneurie de Gère encore en possession des Béon avait probablement été vendue quelques années auparavant à l’Abbé Laïc de Gère, puisqu'on la retrouve détenue dès lors par la famille " de Laborde " qui dès 1521 se qualifie de « Seigneur, et Patron Laïc » de Gère.

     Ce fut sans doute cette famille « de Laborde » qui abandonna la vieille et inconfortable abbaye laïque actuellement « Tour d’Ore » tout en en restant propriétaire du fait des droits qui y étaient attachés, et fit construire à 200 mètres environ une nouvelle demeure plus vaste, dite « château de Gère », rénovée avec soin il y a peu.

     Durant cette période, on rencontre successivement :

     Noble Ramonet de Laborde, seigneur et patron laïque de Gère, qui en 1521 accusa Molat, un des habitants de Gère originaire d’ailleurs, d'avoir usurpé un coin de terre pour y bâtir un moulin. La Cour du sénéchal fut appelée à examiner cette affaire. Sur la fin, noble Gaston, seigneur de Lezons, B.Badie de Bélesten et B.Bégarie, d'Aste, choisis pour arbitres, acceptèrent la mission de terminer le débat. Après avoir non seulement examiné les diverses pièces du procès, mais encore consulté plusieurs prud'hommes du lieu, ils finirent par donner gain de cause au seigneur, si bien que Molat dut se soumettre leur sentence et abandonner le moulin au propriétaire du terrain. Il fallut cependant, comme juste compensation, lui tenir compte des dépenses qu'il y avait faites et le décharger de la moitié des frais de justice. A.Claverie, J.Maysonnave, de Bélesten, et P Sassonts, de Gère, furent appelés, comme témoins, à l'occasion de l'accord qui venait d'être conclu ;

    Raymond de Laborde, seigneur de Gère, appela vers 1535 J. Mazères avec J.Lappasseg, curé de Notre-Dame du Désert, afin d'apaiser une discorde, survenue entre lui et les procureurs locaux, à propos de moutons carnalés, au préjudice de Somps, d'Ogeu, son fermier. J.Badie et A.G.Palassou, délégués de la communauté, se soumirent franchement à la décision rendue par les deux prêtres. Le seigneur de Gère reçut une indemnité convenable ;

    En 1557, P.Badie d'Aste, Arnaud son gendre et J. Bernard, son petit-fils, consentirent à céder à Lassalle de Bielle, pour 259 francs, la portion de la dîme appartenant à la maison abbatiale. L'acheteur promet de respecter le droit de rachat que les patrons se réservent expressément et s'engage à payer l'arciut à l'évêque d'Oloron et une créance de 90 francs à Laborde, seigneur de Gère ;

    Noble Ramon de Laborde, seigneur de Gère, apparait dans un acte du 16 février 1560 dans lequel un ensemble de personnages s’en réclament à Jeanne d’Albret pour se plaindre des prédicateurs protestants, alors que cette dernière était déjà gagnée à la réforme ;

     Marie de Laborde, petite-fille de Ramonet de La Borde, seigneur de Gère, se maria en 1561 avec Pierre Bonfilh, fils d’Antoine Bonfilh, de Nay ;

     Jean de Laborde, Seigneur de Gère, fit son testament le 4 avril 1615.

    Au début du XVIIe siècle la seigneurie de Gère sera détenue par la famille " du For " qui l’aura recueilli par héritage. En effet, Jean du For fut institué héritier par son oncle noble Jean de Laborde, Seigneur de Gère, dans son testament du 4 avril 1615. C'est ainsi que Jean du For devint Seigneur de Gère. Il semble qu’il demeurait encore à Gère en 1626.
    On ne sait ce que devint l’abbaye laïque de Gère au cours des décennies suivantes. Ce manque de pièces est probablement dû aux difficultés engendrées par les guerres de religion particulièrement éprouvantes ayant ravagé le Béarn à cette époque. On ne rencontre durant cette période que :

    Jean de Coudure, Abbé Laïc d'Aste et de Bélesten, seigneur de Sainte-Marie de Bielle, qui possédait vers 1650 des terres à Gère. Sa fille Catherine de Coudure, dame de Sainte-Marie de Bielle, épousa le 12 juin 1665 Noble Joseph Sorberio, sieur de Monfort, avocat au parlement de Navarre. Il est élu député du corps de ville de Pau, le 10 février 1663, et devint premier jurât de cette ville en 1665. Ce dernier transmit à ses enfants les possessions de Gère qu’il tenait du chef de sa femme. Ces derniers semblent les avoir conservé et transmit à leur tour car à la fin du XVIIIe siècle, elles étaient toujours dans la famille « de Sorberio » ainsi qu’on le verra plus bas ;

     Pierre-Jean de Gère, qui épousa le 23 février 1699 à Oloron-Sainte-Marie (64), Marie de Laborde, fille de Pierre de Laborde, marchand d’Oloron. Peut-être était-elle elle-même d’une branche collatérale de l’ancienne famille des Abbés Laïcs qui semble t’il avait essaimé dans la région, notamment à Bielle ou ils devinrent célèbres et à Oloron-Sainte-Marie ?

     Au début du XVIIIe siècle, la situation redevient plus claire. En effet, on peut sans difficulté suivre l’histoire des " de Bramaloup ", puis des " de Sorderio " qui possédèrent la seigneurie de Gère jusqu'à la veille de la révolution ....

    Voici leurs personnages les plus marquants :

     Concernant l’Abbaye Laïque de Gère :

    Pierre de Monclus-Bramaloup, né le 22 avril 1684 à Bielle, mort le 7 octobre 1766 à Gère, âgé de 80 ans, Jurat de la vallée d’Ossau, Abbé laïc de Gère en sa partie dès 1726. Marié le 4 juillet 1698 à Bielle, à l’âge de 15 ans, à dlle Marie de FRECHOU, d’Ogeu, et père de :

     Jean de Monclus, né le 26 octobre 1700 à Bielle, Docteur en médecine, Abbé laïc de Gère en sa partie, marié à dlle Anne de Montengu, de Bedous, dame de Barzun, près de Pontacq, morte en 1790. Il semble avoir été, avec sa veuve, et ses deux enfants étant morts en bas âges, le dernier Abbé laïc de Gère et propriétaire de la « Tour d’Ore » avant qu’elle ne soit saisie et vendue au cours de la période révolutionnaire ;

    Concernant la seigneurie de Gère :

    Messire Pierre-Charles de Sorberio (arrière-petit-fils de Joseph de Sorbério cité ci-dessus), né et baptisé à Pau, le 28 avril 1739, fut reçu membre de l'Académie de cette ville, le 7 février 1754, à l'âge de 14 ans. Il était capitaine au régiment d'infanterie du roi, lorsqu'il fut admis aux Etats de Béarn, le 7 avril 1769, pour la domengeadûre de Sainte-Marie de Bielle, comme héritier de son père. Le 3 juillet 1773, étant capitaine au même régiment et chevalier de Saint-Louis, il prêta hommage au roi pour l'abbaye noble de Castet, la terre et seigneurie de La Bastide-Monréjau, la domengeadûre de Saint-Aulary, alias Saint-Aulaire, située à La Bastide Cézéracq, l'abbaye de Sainte-Marie de Bielle, la grosse dîme de Meyrac et la terre, seigneurie et abbaye de Gère.

    Il dénombra ces biens nobles, le 8 janvier 1774, et obtint, le 26 avril suivant, un arrêt du parlement de Navarre l'autorisant à vendre la maison de Coudure et tous les biens et droits qu'il possédait aux lieux de Bielle et de Bilhères. (B.5766 et B.4966, f° 106) Lieutenant-colonel au régiment du Roi, infanterie, le 2 juillet 1778, puis maréchal de camp des armées du roi, Pierre-Charles de Sorberio se fixa, avant la Révolution ; à Paris où il résida plusieurs années et mourut à Laroin, le 29 septembre 1817, à l'âge de 78 ans, sans avoir contracté d'alliance. Il fut le dernier « seigneur de Gère » avant l’époque révolutionnaire.

   Sources

  • Marie st Louis de La Rochefoucauld,

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