Les Saint-Martin, derniers chasseurs du paléolithique
L'ancêtre, Jean Saint-Martin, né à Ogeu en 1818 s'installa comme forgeron à Bescat, près d'Arudy, après avoir épousé une fille de paysan, Jeanne Abet. Il eut trois fils ; Julien Isidore et Jean.
Jean devint marchand de cannes et exerçait son métier en été à Panticosa-les-Bains, en Espagne.
Isidore se maria et s'installa comme forgeron également à Sallent de Gallego.
Julien le fils aîné, né le 16 février 1841 à Bescat, apparaît en 1883, installé comme forgeron dans le petit hameau de Gabas sur la commune de Laruns où, à 42 ans, il ne devait avoir guère de travail; il est alors marié à Suzanne Allies, blanchisseuse de métier, née à Bizanos. N'arrivant pas à joindre les deux bouts, celle-ci émigra en 1890, à Buenos-Aires, avec ses deux filles pour y travailler dans l'hôtellerie. Il eut deux fils. Laurent et Toussaint. Laurent fera le même métier que son père et tuera au moins 5 ours avant de rejoindre sa mère en Argentine vers 1903.
Julien, lui, essaya de vivre sur place en exploitant le milieu naturel bien connu par cette famille. Sa carrière de chasseur d'ours débuta, dans la presse, en 1888 quand celle-ci signala qu'installé aux Eaux-Chaudes sur le territoire de la commune de Laruns, il tua deux ours avec son frère Isidore.
En 1891, il est recensé comme «chasseur» de métier aux Eaux-Chaudes et a donc laissé sa forge. La fin de sa vie ne dut pas être très facile. Vers 1906, il apparaît comme journalier sur la première liste nominale des indigents, établie après la loi de 1905, et en 1914, après le départ de son fils à la guerre, il reçoit «l'aide aux vieux» de la municipalité. Il finit par mourir à l'hospice de Pau le 16 septembre 1916.
Bien curieuse destinée que celle de ce forgeron de la plaine, qui, refusant d'émigrer, devint chasseur professionnel et guide de haute montagne, aurait tué au moins dix-neuf ours et servit de modèle à son fils.
Toussaint Saint-Martin doit son prénom à la date de sa naissance, le 1er novembre 1881, qui eut lieu chez son oncle Isidore à Sallent-de-Gallego sur le versant espagnol de parents français.
Dès 1898, à 17 ans, il apparaît comme chasseur sur le relevé des primes pour nuisibles du Conseil général.
Au recensement de 1901, à vingt ans, il est toujours considéré comme «chasseur» aux Eaux-Chaudes, et il aimait dire que, comme son père, il était forgeron, mais lui n'avait jamais forgé. Quatre enfants naissent, de 1903 à 1913, dont trois filles aux prénoms modernes : Nathalie, Alice, et Lucie.
Il a épousé une Espagnole de Biescas, Maria Escartin, qui venait chaque lundi, à pieds, travailler à l'usine de chapelet en buis, située sur la route de Gabas.
Les services de l'état qui enregistre ces naissances considèrent Toussaint comme chasseur, puis comme guide-chasseur, alors que le recensement 1906 le présente comme journalier.
Grâce à ses quatre enfants de moins de treize ans, il put bénéficier, en 1914, d'une aide municipale aux familles nombreuses, ancêtre des allocations familiales. C'est en tant que soutien de famille à ses vieux parents qu'il put, en 1905, être renvoyé dans ses foyers après plus d'un an passé à la caserne du 18e Régiment d'Infanterie de Pau.
Il fut également un chasseur précoce et tua son premier ours, à dix-sept ans, seul à l'affût dans le cirque de Bious-Artigues. Vingt-quatre heures après, au même endroit, il en abattit un deuxième. Il prétendit même en avoir blessé un troisième, ce qui, pour un début, était vraiment exceptionnel.
Il avait peut être commencé sa carrière encore plus tôt car le Docteur Couturier de Grenoble, qui fut son client pendant de nombreuses années, prétend que Toussaint tua son premier ours à seize ans dans la forêt de Herrana et son deuxième au milieu du gave de Soussouéou. Le même Couturier lui attribue vingt-neuf ours abattus et il en aurait fait tuer sept à Victor Villot rentier du Puy-de-Dôme et deux au comte de Gramont.
Toussaint fut bien sûr un très grand pêcheur de truites, souvent en compagnie de Pierre Sans et Louis Larroque de Laruns qui eux exerçaient la profession de pêcheurs. Ces hommes rudes fournissaient en truites tous les hôtels des stations thermales. André Sans, le fils de Pierre, poursuivra le noble métier de son père. Le matériel était très sommaire, mais très efficace, il possédait un portefeuille spécial dans la poche de sa veste qui contenait des encoches avec une quantité très variée de fils de soie. Quand il pêchait, il faisait son appât en regardant le ciel, la couleur de l'eau, sa température, et les mouches et insectes divers qui volaient autour de lui. C'est après c'est examen minutieux qu'il choisissait la soie qu'il jugeait opérante. Les stations thermales des Eaux-Chaudes et Eaux-Bonnes constituait un excellent débouché en été. Toujours chaussé de ses sandales de corde, c'est lui qui repeupla en truites le petit lac du Lurien.
Parmi ses très nombreux clients, on peut citer : Victor Villot, le docteur Couturier, le comte de Gramont, l'aviateur Paul Tissandier, Henri Sallenave, Purpier, le comte Jean de Beaumont, un des meilleurs chasseurs de fauves de France, et bien d'autres.
Son métier de guide lui apportait un supplément de revenus. Promu breveté, c'est-à-dire guide officiel du Club Alpin en 1910, il devint vite célèbre ; un article très élogieux sur le jeune guide ossalois parut en 1914 sous la plume de Jules Lafond : “ en sa compagnie, on peut en toute confiance s'attaquer à n 'importe quel pic, voire même à ceux non classés comme inaccessible ”. Il servit par exemple de guide à Louis Sallenave pour une course Eaux-Chaudes Cauterets. “Son intelligence pénétrante et réfléchie” est soulignée par l'abbé Pragnères qui note aussi son sens de l'humour. Louis Sallenave insiste sur sa politesse exquise et ses manières de grand siècle, sa discrétion, son dévouement, son calme, sa modestie même si au premier contact il était “très réservé et d'un abord froid”comme l'avait noté Jules Lafond.
Il mourut le 30, septembre 1960 d'un problème de circulation sanguine, ayant jeté au gave les médicaments donnés par le docteur.
Quelques articles de presse
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