La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




Les Gisements de Fluorine
du col du Pourtalet




es touristes empruntant en été la difficile route de la haute vallée d'Ossau pour se rendre en Espagne et franchissant le col du Pourtalet à 1 758 mètres d'altitude, ne se doutent guère qu'ils passent à moins d'un kilomètre d'un gisement de valeur internationale.
    Rien, en effet, dans le cirque d'Anéou que traverse la route, n'annonce un paysage minier : pas de chevalements de puits, pas de grandes excavations, pas d'usine, aucun bâtiment à l'exception d'un cayolar bulleinfo q et d'un abri à vaches récemment construits qui soulignent la prédominance pastorale de l'endroit.
   Il faut être déjà renseigné pour distinguer, au pied de bosses rocheuses, quelques petits tas de déblais blanchâtres ; un mauvais chemin qui s'y dirige conduit à une série d'excavations peu profondes, une dizaine de mètres pour les plus importantes. C'est de là qu'est extraite la fluorine,bulleinfod fluorure naturel de calcium se présentant sous forme de cristaux cubiques inclus dans des roches primaires ; après transformations, la fluorine est utilisée pour la fabrication de cristaux de haute qualité, employés dans les industries optiques françaises et faisant même l'objet d'une exportation notable.

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      L'exploitation jusqu'en 1952.

   L'exploitation de ces gisements d'Anéou date du début du siècle, plus exactement du 18 mai 1900, date à laquelle le Syndicat du Bas Ossau, propriétaire des estives, accorda à la Société Industrielle Anonyme des Pyrénées centrales, dont le siège était à Madrid, la location d'une partie de ses montagnes pour l'extraction du spath-fluor et la recherche de gisements métalliques bulleinfoArchives Basses-Pyrénées. Dossier Comptes du Syndicat du Bas Ossau. Pendant les dernières années du XIXe siècle, on avait activement prospecté toutes les possibilités minières de la vallée d'Ossau, dans le but, bien déçu par la suite, de pouvoir y créer des entreprises rentables.
    A cette exploitation espagnole, qui s'arrêta en 1906, succéda de 1909 à 1914 une exploitation française, menée conjointement par deux entreprises locales, M. Jean.Pierre Casadebaig, de Gère-Belesten dans la basse vallée d'Ossau, et Mme Laplace-Piquemal, qui avait à Gabas une entreprise de voiturage bulleinfoTous les renseignements qui suivent ont été aimablement fournis par les quatre frères Casadebaig, dont le nom est intimement lié à cette exploitation d'Anéou. Aussi bien les Français que les Espagnols pratiquaient une exploitation tout à fait artisanale. Sur des emplacements choisis on plaçait des, cartouches d'explosif ; puis l'extraction se faisait au pic, par une dizaine ou une douzaine d'ouvriers, en majorité des Espagnols venant des villages voisins du col. bulleinfog
    Le spath-fluor ainsi obtenu gagnait, sur des charrettes, la gare de Laruns, et de là, par chemin de fer, Le Boucau, où on l'utilisait comme fondant dans les hauts-fourneaux. Cependant, dès 1913, la fameuse firme allemande Zeiss s'était intéressée au gisement pour la fluorine pure qu'il contenait.
    A partir de 1914, l'extraction se déplaça de l'autre côté de la frontière, sur le versant espagnol du col où se trouvaient des gisements plus importants. L'entreprise Casadebaig, qui avait résilié la concession passée en 1909 avec le Syndicat du Bas Ossau, obtint du gouvernement espagnol, contre paiement d'un droit annuel, une concession à perpétuité. bulleinfos
    L'exploitation, qui dura une vingtaine d'années, portait sur la fluorine ; transportée par camions jusqu'à Laruns, elle était alors exportée brute vers l'Allemagne et l'Angleterre, tandis que les déchets étaient vendus à Saint-Gobain pour la verrerie (fabrication de vases et coupes).
    Lorsqu'en 1936 la frontière franco-espagnole fut fermée, l'entreprise Casadebaig ne put ni travailler ni payer le droit annuel ; la concession fut alors résiliée d'office et toute exploitation des gisements du col du Pourtalet fut arrêtée jusqu'en 1950 bulleinfo L'exploitation des gisements du versant espagnol n'a pas encore repris, bien qu'une concession ait été accordée à un citoyen espagnol. Pendant la dernière guerre, les Allemands s'intéressèrent évidemment à la fluorine d'Anéou.
    Mais les conclusions des études entreprises furent négatives. Le gisement ne fut pas jugé rentable pour une grande exploitation industrielle : surface réduite, rendement faible (1/3 de fluorine pure), difficulté de l'extraction par suite de l'enneigement prolongé qui ne permet qu'un travail de 4 à 5 mois par an.

    La S. O. R. E. M. bulleinfoLa SOREM est une société anonyme Française créée en 1953. Sur la base d'une association avec le CNRS, elle s'est spécialisée dans l'optique et possède aujourd'hui trois grands domaines d'activité (Société pour la réalisation et l'étude des mono-cristaux)
   Après une légère reprise en 1950, c'est en 1952 que reprit une exploitation suivie, avec la S. O. R. E. M. , qui s'est installée à Pau et a obtenu une concession s'étendant sur une superficie d'environ 75 hectares bulleinfoPérimètre délimité dans le Journal Officiel du 22 novembre 1962, qui prolonge la concession pour 5 ans.
   La S. O.R. E. M. ne s'intéresse qu'à la fluorine pure ; les déchets ne sont pas utilisés, tout au moins pour le moment, en l'absence d'un procédé permettant de les valoriser ; quant au spath-fluor, il est négligé, les quantités annuelles produites pendant seulement quatre mois d'extraction étant trop faibles pour justifier une exploitation. A l'origine la Société recrutait elle-même son personnel, avec certaines difficultés car c'était un travail temporaire et pour lequel aucune spécialisation n'était demandée ; aussi la main-d’œuvre était instable et de rendement médiocre. La S. 0. R. E. M. a donc pris une solution plus rationnelle, celle de confier l'extraction à l'entreprise J.P.Casadebaig, qui en a une longue expérience : on échappe ainsi à l'instabilité de la main-d’œuvre, car l'entreprise a son personnel permanent, qui est occupé à l'extraction pendant les mois d'été et à d'autres chantiers pendant le reste de l'année.
    L'exploitation de la fluorine reste artisanale et très archaïque, ce qui ne manque pas de surprendre en notre siècle de machinisme. On prospecte un peu au hasard des indices de surface bulleinfoII y a quelques années, la firme Bayer, en liaison avec la S. O. R. E. M., vint faire des sondages, en utilisant un groupe électrogène marchant au Diesel. On fit du carottage. mais l'expérience n'a pas été poursuivie. ; l'explosif d'abord, ensuite le pic, le marteau, la pelle, la brouette sont les outils employés ; on « gratte » jusqu'à épuisement du filon, qui ne va jamais très loin en profondeur, puis on recommence un peu plus loin. Le secteur d'extraction, relativement réduit, est criblé d'un certain nombre de trous et excavations provisoirement abandonnés, l'effort se concentrant sur le filon dégagé qui n'occupe d'ailleurs pas plus de 4 à 5 ouvriers en même temps. Le tonnage des quantités extraites étant faible bulleinfoCes quantités ne sont pas divulguées, le brevet de traitement appliqué par la S. 0. R. E. M. étant propriété du C. N. R. S. qui le tient secret. De même sont tenus secrets les chiffres de production des mono cristaux. il n'y a pas besoin de bâtiments ; une simple cabane, adossée au rocher, permet en cas de mauvais temps un abri pour les hommes et le matériel fragile. Il n'y a pas non plus besoin d'un parc automobile important pour transporter le minerai jusqu'à Pau, où se trouvent les laboratoires de la S. 0. R. E. M.
   C'est dans ces laboratoires que la fluorine est broyée, réduite en poudre, soumise à un certain nombre de traitements chimiques et finalement recristallisée dans un four de calcination. Le gisement d'Anéou est remarquable par la qualité et la transparence parfaite de la fluorine, alors que les autres gisements connus en Europe occidentale, ceux de Corse, de Clermont-Ferrand, de Gijon (Espagne), ou ceux du Maroc, sont plus ou moins colorés, en violet, bleu ou vert.
   En appliquant ses procédés de cristallisation, la S. O. R. E. M. : peut donc mettre sur le marché des mono cristaux dont la transparence est idéale, sans bulles ni inclusions, ce qui fait que, même sous illumination intense, aucune lumière diffuse n'est observée. La fluorine ainsi traitée est un produit de valeur, d'autant plus que l'emploi de la fluorine artificielle est encore limité, sa qualité n'étant pas, pour le moment, égale à celle de la fluorine naturelle. Les débouchés des cristaux fabriqués avec le gisement d'Anéou sont donc assurés. Ce sont, en premier lieu, tous les laboratoires français fabriquant ou utilisant des instruments d'optique, aussi bien laboratoires d’État (centres de recherches, enseignement etc..) que laboratoires de sociétés privées.
    Il y a également exportation vers l'étranger, particulièrement vers l'Allemagne occidentale, qui ne possède pas de fluorine pure, et vers la Suisse ; les produits de la S. O. R. E. M. franchissent même le rideau de fer et sont achetés par les laboratoires d'Ièna, en Allemagne orientale.
   Evidemment la concurrence est dure, et le brevet de fabrication est jalousement gardé.
   Cette exploitation de fluorine du col du Pourtalet est caractéristique des exploitations de gisements pyrénéens. Leur faible importance n'autorise pas la mise en œuvre de procédés modernes et rebute par conséquent les grandes sociétés ; mais la qualité des produits explique le maintien, malgré les conditions naturelles difficiles (altitude, enneigement).
    Seule une entreprise artisanale et locale, pour laquelle cette exploitation est une occupation parmi d'autres, peut subsister, à condition qu'il ne faille pas trop investir en matériel coûteux et moyens de transports. Encore faut-il des produits de qualité, valorisés par une haute technique, pour que l'exploitation s'élève au-dessus de l'échelon local et puisse supporter la concurrence.
    L'extraction de la fluorine du col du Pourtalet se maintient grâce à ces deux conditions.



   Sources

  • Loubergé Jean. Les gisements de fluorine du col du Pourtalet. In: Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest
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