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n énorme jet d’eau, qui vient on ne sait d’où,
D’un rocher de granit s’échappe par un trou.
Avec fracas lancé sur sa pente de pierre,
Il jette à tous les vents son humide poussière,
Et la nappe écumeuse, impétueux courant,
Sous le noir pont d’enfer vient grossir le torrent.
Du pied de la cascade, une étroite chaussée,
Au flanc de là montagne à grand’peine tracée,
A l’ombre de sapins et d’antiques bouleaux,
Comme un lacet sans fin, déroule ses anneaux.
Le hêtre séculaire, avec sa grise écorce,
Sur le bord du chemin, dresse son large torse,
Et, perché sur sa branche, un gracieux pinson,
En guise de salut, entonne sa chanson.
L’air est pur, embaumé, sous cette ombreuse voûte :
Hâtons-nous et bientôt, à l’angle de cette route,
Surgit un paysage en son cadre joyeux ;
Eaux-Chaudes tout entier apparait à nos yeux.
Assis prés du torrent dans lequel il se mire,
Au touriste surpris, il a l’air de sourire.
De ce panorama grandiose et coquet,
On aime à contempler le pittoresque effet ;
On admire, on jouit ; pourtant d’autres surprises,
D’autres fêtes des yeux plus haut nous sont promises.
Des fragments détachés des rochers d’alentour,
Du chemin maintenant dessinent le contour,
La pente s’adoucit, le défilé s’entr’ouvre,
Un large pan du ciel devant nous se découvre.
C’est une vaste plaine, un verdoyant plateau,
Sur lequel une fée a construit un hameau.
Huit, au plus dix maisons, de modeste apparence,
Avec un jardinet pour toute dépendance,
Des granges pour rentrer les foins et les brebis,
C’est ainsi que de Goust se trace le croquis.
Des monts couverts de bois, disposés en ceinture,
Contre les vents glacés lui font une clôture.
Ici, jamais d’hivers au rigoureux frimas,
Point non plus d’avalanche au sinistre fracas,
C’est la verte oasis dans une solitude.
Le maïs aux grains d’or croît à cette altitude,
Et deux ou trois fois l’an la récolte des foins,
D’un abondant bétail satisfait les besoins.
L’habitant est pasteur : pour lui c’est sa noblesse ;
Ses enfants, ses troupeaux, sont sa seule richesse.
A toute heure du jour, sous le toit des bergers,
Un siège près de l’àtre attend les étrangers.
Entrons : une galette, un morceau de fromage,
Pour arroser le tout un verre de laitage,
Voilà, dans la montagne, un précieux régal,
Et pour troubler le bruit de ce repas frugal,
Ecoutons le récit du père de famille.
Au fils de son voisin, il a promis sa fille ;
Le couple, dès l’enfance a juré de s’unir ;
Tout sourit, tout présage un heureux avenir.
L’heure approche, et déjà, pour ce grand jour de fête,
Le hameau tout entier à la noce s’apprête.
Autour des fiancés, avec grâce parés,
Tous arrivent joyeux, de rubans chamarrés.
A former le cortège, aussitôt on avise ;
On se groupe ; en chantant on arrive à l’église,
Et Dieu, sollicité par ces cœurs généreux,
En faveur des époux accueille tous leurs vœux.
Aux heures de misère, aux heures de tristesse,
Quand la mort vient frapper la famille en détresse,
Dans le village aussi, le deuil est général ;
Il semble que pour tous le malheur est égal.
Le cercueil de sapin que la foule accompagne,
Au milieu des sanglots, descend de la montagne.
A genoux sur la fosse, à l’ombre de la croix,
Du prêtre qui bénit, chacun entend la voix ;
Et la larme qui brille à toutes les paupières,
Répond seule aux versets des suprêmes prières.
Sources
N. GALLOIS.
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