La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




Historique des
Eaux—Chaudes et Eaux_Bonnes




partir du XVIII e siècle, la renommée des Eaux-Chaudes paraît décliner rapidement ; la faveur des princes béarnais l’avait portée à son plus haut point, mais du jour où la maison d’Albret fut remplacée par les Bourbons de France, la vertu curative des eaux a beau rester la même, la foule des courtisans en oublie le chemin pour suivre la cour dans ses nouvelles résidences. Malgré cet abandon, les sources conservaient encore d’assez nombreux visiteurs dans les limites étroites de la province pour qu’en 1657, M. de Gassion, président au Parlement de Pau, conçut la pensée de faire bâtir à ses fraisune chapelle aux Eaux-Chaudes.
    Avant d’accorder le terrain nécessaire, les jurats de Laruns, craignant d’engager les revenus de la commune, voulurent savoir si l’exécution da ce projet ne pourrait pas leur porter préjudice. L’homme d’affaires auquel ils s’adressèrent à Pau les rassura sur ce point, pourvu, leur dit-il, que M. de Gassion s’engageât à dater cette chapelle, de manière à ce que, pour le présent et pour l’avenir, la communauté n’eût à contribuer en rien à son entretien.
    Le revenu des bains n’était pas tel en effet qu’il put permettre de grandes dépenses : en 1671 la location des cabanes rapporta 394 francs 8 sous 1 ardit ; en dehors des voisins, hébergés gratuitement, 177 baigneurs payants séjournèrent aux eaux depuis le 1er mai au 30 septembre.
    La commune de Laruns, voyant les sources presque abandonnées, n’éprouva plus pour elles le même intérêt et elle les aurait laissé arriver graduellement à une ruine complète sans Antoine de Bordeu, qui, se faisant l’interprète des plaintes du public auxquelles les jurats restaient insensibles, informa les Etats de Béarn, où il siégeait en qualité de seigneur du domaine de Jurque à Jurançon, du danger qui menaçait les Eaux-Chaudes et les Eaux-Bonnes et de la nécessité de pourvoir à la réparation des bains ainsi qu’à la mise en bon état des logements et des chemins.
     Les Etats, reconnaissant tout l’intérêt qui s’attachait à cette question, nommèrent, le 13 mai 1739, des commissaires qui déléguèrent deux d’entre eux, Bordeu et Bergeron, médecins, pour se transporter dans la vallée accompagnés d’un ingénieur, afin de constater l’état des lieux et de dresser les devis des réparafions nécessaires. A la suite de cette visite les plans furent communiqués aux jurats et les Etats les mirent en demeure de les exécuter dans quinzaine ; une nouvelle visite ayant constaté leur inaction, les jurats s’excusèrent de ce retard en prétendant qu’une inondation qui venait de ravager la localité les avait obligés à employer toutes leurs ressources pour en réparer les dégâts.
    Grâce à ce prétexte, la situation n’était pas encore changée en 1745, lorsque les Etats députèrent leurs syndics pour faire une enquête sur la demande des jurats d’Ossau qui réclamaient l'ouverture d’une route traversant toute la vallée et aboutissant en Espagne. Les syndics profitè rent de leur voyage pour visiter les Eaux-Chaudes et ils trouvèrent les bains et les logements « dans un désordre affreux ; il n’est pas possible, disent-ils dans leur rapport, que d’honnêtes gens puissent y résister. »
    Pour remédier à cet état de choses, ils furent d’avis de réclamer un arrêt du conseil obligeant la vallée à s’imposer extraordinairement pour les travaux de la route et les réparations à faire aux sources. Au cas où les communautés de Laruns et d’Aas refuseraient de faire ces travaux reconnus urgents, les syndics allèrent jusqu’à proposer la confiscation des bains par les Etats, leur amélioration aux frais de la province, et leur exploitation à son profit jusqu’à ce qu’elle fut remboursée de ses avances.
    L’exécution de ces diverses mesures aurait pu traîner en longueur ; heureusement qu’à ce même moment apparaît l’homme qui devait consacrer la réputation des sources thermales de la vallée en l’appuyant sur des observations consultées avec fruit de nos jours. Reçu docteur en 1744 et pourvu bientôt après du titre de surintendant général des eaux minérales de l’Aquitaine, Théophile de Bordeu, fils d’Antoine et Ossalois de naissance, publie en 1746 ses lettres à Mme de Sorberiô, écrites, dit-il, « pour instruire ceux de ma profession des richesses utiles que renferme notre pays. »
     Les ouvrages de Bordeu, sa présence dans le pays, firent plus pour les Eaux de Béarn que la bonne volonté des Etats. Son génie leur découvrit des applications nouvelles et la foule reprit le chemin de nos montagnes. Mais pour tirer un parti vraiment utile des richesses qu’il signalait, que de choses ne restait-il pas à faire ?
    En ce qui concernait les routes notamment, tout était à créer ; voici en effet la description que Bordeu nous a laissé du chemin qui conduisait aux Eaux-Chaudes :
    « Le vallon où on les trouve est un bassin parfait entouré des plus hautes montagnes qu’on ne croirait pas pouvoir traverser ; il faut pourtant monter jusqu’au haut de celle qui est du côté de France et qui fait trembler les plus hardis, surtout dans l’endroit nommé Hourat ou Trou qui est précisément sur le sommet.
     Il semble que tout concourt à rendre ce lieu affreux, les précipices immenses que vous ne voyez qu’à demi, le bruit sourd des eaux du Gave que vous entendez comme au centre de la terre et qui paraissent creuser la montagne et la secouer par les fondements, le peu de terrain que vous avez pour vous remuer, tout vous fait rentrer en vous-même et vous saisit.
     On descend de cette hauteur par des escaliers qui vont en serpentant et qui sont presque tous creusés dans le roc ; après plusieurs contours, croyant arriver au fond, on se trouve encore sur la croupe d’une montagne au pied de laquelle est le Gave, dont les flots font tant de bruit que l’on a peine à s’entendre. Cependant on côtoyé cette montagne, on suit un petit sentier où les chevaux ne circulent qu’avec peine et où deux personnes ne peuvent presque pas passer de front ; on profite de temps en temps d’un petit mur bâti du côté du Gave que l’on traverse enfin pour arriver au lieu des eaux, où il faut tout faire porter, lit et vivres ; à peine vous fournit-on le bois, qui ne devrait pas manquer, ce semble.
    Les femmes de Laruns emportent sur le col tous les malades qui se présentent ; elles courent d’une vitesse prodigieuse et sans rien craindre dans ces endroits dont nous avons parlé, tant il est vrai que l’habitude rend tout aisé. »
    Le tracé de la route traversant la vallée donna lieu aux plus vives contestations de la part des diverses communautés qui avaient toutes un intérêt particulier à sauvegarder. Aussi les choses traînèrent-elles en longueur, malgré le zèle de l’intendant d’Etigny, auquel le Béarn doit tant sous le rapport des travaux publics.
    La partie du chemin dépassant Laruns offrit en outre des difficultés matérielles considérables, et ce fut seulement en 1779 que cette dernière section devint praticable aux voitures, grâce aux travaux ordonnés par la marine pour l’exploitation des forêts de Gabas.
    Il fallut non moins de temps et de démarches pour changer l’état des sources et des logements. La commission nommée par les Etats en 1739 n’avait pas cessé de fonctionner et les baigneurs de distinction qui fréquentaient les eaux mettaient leur influence à sa disposition.
    Mais toutes les bonnes volontés venaient échouer contre l’inertie des gens de Laruns : confiants dans l’efficacité des eaux, ils se souciaient peu de l’état des logements, et malgré le délabrement qui y régnait, ils n’en percevaient pas moins des droits qui sembaient exagérés.
    La nomination de Jean Fouchet,comme inspecteur des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes en 1756, apporta un élément de surveillance plus constant dans l’administration des sources, mais elle n’en rendit pas moins nécessaire un réglement que Bordeu désirait depuis longtemps. Consultés sur ce point, les jurats ne se bâtèrent pas de répondre, et l’intendant de la province, lassé d'attendre leurs propositions, publia, le 20 juillet 1771, une ordonnance en 19 articles, calquée sur celle appliquée à Barèges depuis 1745 et dans laquelle il réglait tous les points relatifs à l’administration des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes.
    Les logements à un seul lit avec une cuisine et le lit pour un domestique, étaient taxés à 30 sous par jour ; deux lits dans la même chambre se payaient dix sous chacun ; dans les pièces où il y avait plusieurs lits, le prix était de cinq sous pour chacun d’eux, s’il était occupé par une seule personne, et dix sous s’il l’était par deux. Le tarif des bains était fixé à six sous ; une rétribution égale était dûe au baigneur ou à la baigneuse par la personne qui les employait ; les vivres devaient être vendus à leur juste valeur et le jugement de toute contestation sur ce point était remis aux jurats ; les eaux ne pouvaient être transportées qu’en bouteilles ou en barils soigneusement cachetés ; le soin de veiller à la stricte exécution de cette ordonnance était confié à Thomas de Minvielle qui avait reçu en 1770 le brevet d’inspecteur des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes


   Sources

  • Journal des Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes et St Christau, Eaux-Bonnes, 1877
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