(Suite) (2)
e parquet d’Oloron s’est transporté lé vendredi 1er juin à la mine d’Ar, où a eu lieu au mois de novembre dernier, la terrible catastrophe à la suite de laquelle seize mineurs sont restés ensevelis sous la neige.
Nous regrettons de n’avoir pu nous rendre à Ar ce jour-là, comme nous en avions l’intention. Nous avons ainsi dû nous borner à recueillir les renseignements qui suivent et que, par conséquent, nous publions sous toutes réserves.
Vendredi à 4 h.1/2 du matin, M. Bordes, juge d’instruction, accompagné de son greffier, M. Aylies, procureur de la République, un docteur-médecin et M. Walckenaer, ingénieur des mines quittaient Eaux-Chaudes, en route pour la mine d’Arre ; un photographe, M. Lamazouère accompagnait le parquet.
On descendit de voiture au tournant du Hourcq. Là se trouvaient M. Amsell, ingénieur de la Compagnie des Mines d’Arre, le brigadier de gendarmerie et un gendarme, quatre douaniers, trois gardes forestiers, les guides et les conducteurs des montures, ainsi que quelques employés et ouvriers de la compagnie.
Au-delà du Goua, on s’engageait dans les sentiers et puis dans l’Escala et on arrivait à la riante clairière où suinte la fontaine de Mous Cabarous, qui est une halte de rigueur lorsqu’on se rend dans ces parages. Après quelques minutes de repos, la caravane gravissait les pentes escarpées qui conduisent à la Tume. De ce point elle prenait le chemin de schlitte qui se déroule horizontalement sur les hauteurs et sur une longueur d’environ sept kilomètres, depuis la mine de cuivre de Cézy jusqu’aux gisements de galène argentifère et de blende des montagnes d’Arre.
Après avoir suivi ce chemin qui avait été déblayé les jours précédents en prévision du transport de justice, le parquet
arrivait à Saubaniou, à 2 kil. de la mine (1920 mt.). C’est à cet endroit que vient d’être construite une nouvelle habitation
où sont actuellement logés les ouvriers de la mine, au nombre d’environ cinquante, dont 27 italiens, 18 français et 5 espagnols.
De ce point, la mine n’est pas visible, masquée qu’elle est par un monticule qui si trouve à environ 600 mètres de distance
de la maison, entre celle-ci et les filons de blende.
En quittant Saubaniou, sitôt qu’on fût en vue de la mine, à environ 1 kil.1/2, M. Lamazouère fit une première photographie ; cinq ou six autres vues furent encore tirées, à mesure que l’on se rapprochait du théâtre de la catastrophe.
Vers onze heures du matin, le parquet se trouvait devant la maison détruite. La partie gauche de la construction reste debout, avec sa toiture émergeant de la neige, qui cependant s’élève à la hauteur de l’étage supérieur ; à l’autre extrémité
un pan de mur se dresse encore, tandis que dans tout le reste de la construction le toit a disparu, livrant passage à la neige.
Celle-ci s’étend en une nappe immense et épaisse sur les hauteurs d’Ar et aux alentours de la maison.
Lorsque le parquet est arrivé sur les lieux, quatre-vingts ouvriers, presque tous italiens, s’y trouvaient déjà, munis de
pelles pour procéder au déblaiement ; tout près de là, à gauche, quelques cercueils étaient déposés afin de recevoir les cadavres.
Les recherches commencèrent immédiatement. D’une part, une petite escouade d’ouvriers s’est employée à déblayer l’entrée de la maison, où le parquet pénétra par la forge. En même temps, sur les indications de M. l’Ingénieur des Mines, on pratiquait une tranchée parallèle à la maison, à environ 36 mètres en contrebas. Jusqu’à 1 mètre de profondeur le travail a été fait facilement, mais à partir de là les ouvriers ont eu à lutter contre une masse de neige durcie, ou de glace, qui opposait aux pelles une grande résistance ; c’étaient des couches superposées les unes aux autres, indiquant paraît-il les tombées successives de la neige, pendant l’hiver. Cette tranchée percée sur une longueur d’environ 11 mètres avait 1m 20 de largeur et une profondeur de 4 à 5 mètres. Une percée verticale dirigée vers la maison a été faite au milieu de la grande tranchée.
Ces recherches n’ont amené la découverte d’aucun cadavre. On a à peine trouvé quelques objets, tels qu’un tricot, des
planches du toit, des cartes à jouer, une chemise et un journal italien. Une photographie a été prise après l’exécution de
ces fouilles.
Vers 5 heures de l’après-midi, M. Bordes juge d’instruction et son greffier quittaient Ar, accompagnés par des gardes forestiers et arrivaient à Eaux-Chaudes vers 9 heures du soir.
Peu après, les mineurs Italiens qui, au nombre de vingt et un, étaient venus de la mine de Congues, le matin, par la montagne, repartaient en trois groupes, dont le plus important était de 16 hommes.
A 7 heures environ, M. le Procureur de la République et M. l’Ingénieur des Mines partaient aussi, accompagnés des gendarmes ; ils arrivaient a Eaux-Chaudes peu après 11 heures du soir.
M. Amsell, ingénieur de la Compagnie, est resté à Ar, ainsi que les ouvriers mineurs qui, comme nous l’avons dit, y séjournent actuellement pour les travaux d’exploitation.
Si nos renseignements sont exacts, un nouveau transport judiciaire aura lieu dans quelques jours, sitôt que la fonte des neiges aura rendu plus facile la recherche des cadavres.
En attendant, nous comptons ouvrir une souscription en faveur des familles des seize mineurs morts à Âr et nous aurons aussi à suggérer au conseil municipal de Laruns une décision de nature à montrer que les Ossalois ne restent pas indifférents en présence des grands malheurs occasionnés par cette terrible catastrophe.
A.A
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