La vallée d'Ossau : Culture, et Mémoire.
LE COMBAT DE LA CAZE DE BROUSSETTE11
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e lieutenant Lanusse devint général. Une note de son dossier administratif jointe à sa demande de réintégration, donne ses états de service. D’après son dossier, il se serait évadé après avoir été pris à Broussette.
D'après le procès-verbal de la Municipalité de Laruns il serait venu avec le capitaine Mieussan porter des renseignements au Commandant Raynaud. Il est difficile de décider quelle est la bonne version. Lanusse peut être remonté dans la soirée du 30 juin à son poste à Broussette.
Peu après la surprise, la joie du triomphe fut brève à l’armée d’Aragon. « Le Général ayant reçu l’ordre de faire partir, tout de suite, de son armée, trois bataillons d’infanterie, pour renforcer celle du Roussillon. Il paraît que notre petit succès a porté ombrage, et qu’on veut nous mettre dans l’impossibilité d'en remporter de plus grands. Nous resterons dans un dénuement de troupes qui nous permettrait à peine de nous défendre si nous avions en tête un ennemi aussi entreprenant qu’il est lâche. On parle d’un corps de trois mille hommes à peu de distance de nous, d’un autre de sept mille un peu plus éloigné. Je désire, du meilleur de mon cœur, qu’ils viennent nous faire une visite, car autrement nous ne pouvons espérer d'en venir aux mains » Santilly compte les hommes ; s’il comptait les fusils, le total serait moins élevé.
Le point de vue étroit de Santilly, ne paraît pas correspondre à la réalité. L'armée espagnole du Roussillon progressait victorieusement et le Général Ricardos installait son quartier à Trouillas le jour même où était écrite la lettre citée ci-dessus. Il y avait intérêt à concentrer le maximum de forces pour exploiter ces succès autrement importants que le coup de main
réussi de Broussette. Mais les deux adversaires sont à présent trop faibles pour rien entreprendre. Ils resteront sur la défensive dans cette vallée jusqu’à la fin de la guerre. L’armée d’Aragon avait manqué l'occasion d’une pointe profonde en Béarn où rien n’aurait pu de longtemps s'opposer à sa marche et où elle aurait certainement trouvé des vivres en suffisance, mais
elle aurait fini par être accablée sous le nombre.
Un rapport adressé au Général en chef peu après l’événement, décrit ainsi la nouvelle organisation de la vallée d’Ossau :
« Les derniers postes sont aux cabanes de Gabas, depuis l’incursion des Espagnols qui brûlèrent la Caze de Broussette et reprirent (sic) le camp qu’on y avait formé ; on fit alors, pour se rassurer contre des attaques ultérieures, des abbatis qui ont embarassé les chemins et des coupures qui les ont rendus impraticables, de sorte qu’on ne pourrait s’en servir à présent pour reprendre le premier poste de Broussette qui est environ à trois heures de marche. Il y a deux compagnies du Lot à Gabas et une compagnie franche de réquisition du pays.
Deux compagnies de ce même bataillon sont cantonnées aux Eaux-Chaudes, le reste du bataillon est à Laruns, à l’exception d’un détachement posté à Lutum Montagne qui se rapproche de la Vallée d’Azun et l’on a fait
aussi des abbatis pour embarrasser les chemins en avant de ce poste. Cependant, on y a fait, de même qu’à Gabas des patrouilles qui ne peuvent empêcher les pasteurs de Laruns et des autres villages, de conduire leurs troupeaux jusqu'aux limites où ils sont pris quelquefois par les Espagnols. Il y a un canon de 8 en fer et hors de service au Hourat, et deux républicaines à Gabas ».
Cet événement, sans grandes conséquences militaires, porta « l’alarme et la consternation dans le présent lieu par les pertes considérables qui en sont résultées, pour un peuple pasteur dont toutes les ressources consistaient dans le bétail, que les Espagnols venaient de leur enlever ». C’était vrai pour certains perdants, mais non pour toute la vallée, dont les troupeaux étaient de beaucoup plus importants.
Depuis la trahison de Dumouriez, tous les représentants de la vieille armée étaient suspects, surtout les nobles bientôt chassés de l’armée. « Le traître Servan », comme disaient certains représentants, venait d'être destitué et remplacé par « le bonhomme et infirme Delbecq ». Aussi, Garrau, Lefiot et Monestier arrêtent, le 21 juillet, la suspension de d'Exea. Les motifs sont de plusieurs ordres : l’échec de Broussette, certaines mesures prises par d’Exea pour réorganiser le dépôt, sa réaction contre les abus des compagnies franches.
Ses liaisons « avec un certain Gouyon se disant adjudant général...inconnu des autorités et suspect ». « N’avoir prononcé que très rarement et avec une déplaisance marquée le nom précieux de République, d'avoir affecté un ton plein de hauteur et de mépris pour les soldats, d’avoir supporté même qu’on leur fit éprouver de mauvais traitements, enfin que la
désertion scandaleuse et funeste d'environ 1.600 hommes, parut être la suite de cette conduite très incertaine et peut-être funeste ».
« Cette suspension lui fut signifiée au retour d’une attaque qu’il venait de faire dans trois différentes vallées en neuf points différents le même jour et à la même heure, menant avec lui cinq prisonniers qu'il avait fait de sa main ».
Il essaya de rester à Pau où le 4 août le Maire « le prie et le requiert en tant que besoin d’interposer son autorité et les bons offices pour arrêter le désordre, contenir les volontaires et les faire rentrer dans les casernes ».
Ceci lui est compté encore à crime par les représentants ennemis du Maire, et l’ordre est donné de le conduire à la Barre de la Convention de brigade en brigade. Il parvint pourtant à se justifier mais son sort éclaire les difficultés de toutes sortes que durent surmonter beaucoup d'anciens officiers pour continuer à servir malgré tout leur pays.
D’Exéa est remplacé par Laroche du Bouscat, lui aussi un ancien officier et qui vient d’être nommé le 8 juillet 1793, adjudant général chef de brigade provisoire. Le nouveau Général vient de terminer l’organisation du 4e
Bataillon des Landes à Bayonne, et quitte cette ville pour se rendre à Pau, afin d’organiser la défense des Vallées et mettre de l’ordre dans le dépôt des recrues.
Sa première tache, bien et vivement conduite, lui valut des éloges. Mais, dès le 8 août 1793, Laroche doit venir se justifier a la tribune de la Société Populaire de Pau. Il « donne communication de plusieurs pièces qui justifient pleinement son civisme et son caractère et ses talents militaires ». « Un membre rend compte de plusieurs faits qui honorent son civisme et son courage ». On applaudit et Laroche est inscrit « en qualité de candidat sur le tableau de la Société » et son civisme étant ainsi reconnu, il put se donner à sa tâche sans arrière pensée.
Dès le mois d’août, Monestier et les Montagnards inaugurent le règne de la terreur. Le Maire sera remplacé, arrêté comme suspect et incarcéré.
Le Commissaire des Guerres Eury, dont le zèle et la probité s'étaient affirmés dans la mise sur pied difficile des bataillons organisés à Pau, fut lui aussi dénoncé pour des propos de table mais acquitté par le tribunal révolutionnaire. Il fut rétabli dans ses fonctions et refusa de tirer vengeance de ses calomniateurs.
Le triomphe de la Montagne s'affirmait aussi dans l'armée. Celle-ci est portée à plus de 546.000 hommes, pour atteindre 1.164.000 hommes en septembre 1794.
L'effort sera continué et les 14 armées de Carnot, animées sans défaillance par la volonté inflexible de l' Assemblée, saisiront la victoire au prix d'efforts inhumains peut-être, surhumains a coup sur.
Dans ce grand drame, l'aventure de la Vallée d’Ossau s’amenuise singulièrement. Cent prisonniers, quarante tués, la perte des pâturages pendant trois ans, et de quelques têtes de bétail, seront son tribut aux tourmentes de l’époque.
Sources
- Colonel Bernard DRUENE, Les débuts de la campagne de 1793 aux Pyrénées centrales, et le combat de la Caze de Broussette
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