La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




Les PYRÉNÉES En BÉARN
lettrines
N élevant à Henri IV la statue qui unie la Place Royale de Pau. Le Béarn a rendu l'hommage le plus légitime au plus illustre de ses fils. Le nom du Vert Galant, qui fut un grand roi, est indissolublement lié à celui de paya natal.
    Aux historiens et aux chroniqueurs qui se piquent d'éviter les répétitions de mots, il fournir une tournure nouvelle pour dire la même chose. Quand on a lu le Béarnais, tout le monde comprend qu'il s 'agît du souverain auquel nous devons figurativement la poule au pot, de l' ami de Sully et de la belle Gabrielle, si l’on peut rapprocher ces deux noms.
     Sans Henri IV, qui donc connaîtrait le Béarn ! Cette petite province a d'aimables sites et des beautés grandioses, mais nous laissons aux Anglais le soin d'apprécier ces paysages, ce climat incomparable, cette lumière fluide et douce qui charment et retiennent. Luchon, Biarritz ont toute la gloire . Ces deux villes de luxe ne sauraient cependant faire oublier la majesté pimpante de l'ancienne capitale du royaume de Navarre.
     Voilà pourquoi Pau est un faubourg pyrénéen de Londres et non une villégiature parisienne. En vain de grands stylistes ont-ils magnifié son panorama sans rival. S'ils sont parvenus à faire admettre que Pau est un joyau de notre France, trop peu de Français y sont comme noyés dans l'élément anglais et américain.
     Cependant la ville s’est faite coquette ; en dehors des grandes stations balnéaires et des villes de la Côte d' Azur. il n'est pas chez nous de cité plus élégante dans son ensemble, ou plutôt par sa façade. Depuis que Pau a compris la beauté de ses horizons, depuis qu'elle a cessé de tourner le dos aux Pyrénées et créé au rebord de sa terrasse une merveilleuse ligne de boulevards et de parcs, elle n'a rien à envier à des rivales plus bruyantes. En ces dernières années, des chemins de fer d'intérêt local et des lignes à large voie ont Fait d 'elle un centre d' excursions vers des régions conservant encore des coutumes particulières, tranchant avec l'uniformité qui, de plus en plus, sévit sur le monde.
     Pau doit sa prospérité à son climat plus encore qu’à son panorama. Si elle ne jouit pas de l'éclatante lumière de Provence, si l'on ne trouve pas dans ses jardins la flore à demi-tropicale d’Hyères, de Cannes et de Nice, si même là moyenne de température est plus faible, elle a un avantage remarquable dans l'absence de Vents, la sécheresse permanente de l'air, le calme presque absolu de l'atmosphère. Ces vertus de la température expliquent comment tant de familles, anglaises surtout, sont venues s'y établir, non seulement pendant l'hiver, mais encore durant l'été.
     Toute une clientèle aristocratique et riche a adopté la capitale du Béarn, lui donnant l'aspect d'élégance qui frappe le visiteur. Pour retenir et accroître cette foule, la cité a transformé la haute berge du gave en terrasse aux rampes majestueuses, bordées de balustres, égayées de verdure, qui constitue un décor peut-être unique. Désormais ce n’est plus seulement de quelque débouché de rue ou de place que l'on jouit du tableau saisissant offert par les Pyrénées, mais des voies montant de la gare, du boulevard du Midi et des parcs admirablement entretenus qui encadrent la cité et dont l'un, Beaumont, enveloppe un jardin d’hiver.
     La vue des Pyrénées est en effet la plus grande beauté de Pau. Toute la chaîne occidentale, du Pic du Midi de Bigorre au golfe cantabre, se déroule au regard ébloui, hérissée de pics, coupée de dentelures profondes, blanche de neige au sommet.

     Dans cette atmosphère d’une transparence parfaite, cela est magique. Les collines du Béarn, au premier plan, vertes de moissons et de vignes, se haussent peu à peu. Par degrés on voit se former la montagne, se dessiner les escarpements, se creuser les vallées. Les forêts vastes et sombres bleuissent a mesure que l'horizon recule, elles semblent porter les grands pics neigeux qui relient trois cimes maîtresses : au centre le Pic du Midi d 'Ossau à la double cime, à l'occident le Pic d 'Anie, si noble de forme, au levant le Pic du Midi de Bigorre, borne colossale surgissant au-dessus des grandes plaines de la Gascogne et du Languedoc.
     Ce spectacle seul suffirait à faire comprendre que Pau ait ses fervents.
     Mais la ville a d 'autres attraits. Si les monuments sont peu nombreux, si ses édifices civils sont simples, il y a une grâce ambiante dont on est vite pénétré. Elle eut la bonne fortune de garder son château.
    Ce palais des rois de Navarre où naquit le « Béarnais » a été restauré, ses tours décapitées ont repris fière allure sous leurs créneaux ou leurs toits aigus.
     C’est la note caractéristique du paysage, soit sur la terrasse du Gave, soit du côté du ravin de Hédas.
     Les autres monuments, églises, palais de justice s'associent à merveille à ce cadre aimable. Sur les places se dressent les statues de soldats modernes :
  – Le maréchal Bosquet,
  – Le général Bourbaki.
  – La Place Royale possède l 'effigie de Henri IV.
  – Il manque encore le maréchal de Gassion, compagnon de gloire de Condé et le véritable vainqueur de Rocroi.
     Mais ces héros ne sauraient faire oublier le « Béarnais », son souvenir reste vivant, non seulement à Pau, mais dans toute la province.
    C'est à Henri naissant que le vin de Jurançon a d û devoir sa réputation franchir les limites du Béarn et de la Gascogne. On sait que l'aïeul du futur Henri IV, Henri d 'Albret, donna comme première nourriture au royal bébé une goutte de ce vin en même temps qu'il lui frottait les lèvres d'une gousse d'ail.
    Le vignoble qui produisait le jurançon en fournit encore, il tapisse les riantes collines dominant le Gave en face de la ville, et entre lesquelles s'insinue le chemin de fer d'Oloron, remontant le vallon du Néez.
     De l'autre côté du Gave, presque aux portes de Pau, sur la route de Lescar, l'humble hameau de Billère se glorifie d'avoir entendu les vagissements du petit prince. C'est là qu'il fut mis en nourrice et demeura jusqu'au moment où il fut envoyé au château de Coarraze.
     Les touristes s'arrêtent un instant à Billère pour retrouver ce souvenir de Henri IV ; mais c’est plus loin, à Lescar, que finit une des courses des hôtes de Pau. Cette humble bourgade, endormie, d'allure rustique, est la vénérable cité de Beneharnum dont le nom est devenu celui de la province de Béarn et qui resta le siège d 'un diocèse jusqu’ 'à la Révolution.
     Pauvre Lescar ! la déchéance fut profonde, et cependant elle est charmante ainsi, avec ses rues montueuses et étroites, une vieille porte de ville sous laquelle passèrent en cortège les évêques de cette métropole béarnaise, avec sa vieille cathédrale défigurée par une façade banale qu'un prélat fit plaquer par goût de modernisme, mais qui garde à l 'intérieur et, au dehors, à l 'abside, les restes admirables de l 'art roman.
    Cette cathédrale devenue église de village fut le Saint-Denis du Béarn ; ses comtes, qui devaient ceindre la couronne de Navarre, y dormaient leur dernier sommeil.
    Autour du précieux édifice, les antiques remparts sont encore debout, aux abords d'une campagne solitaire, d’où l'on jouit de merveilleux horizons. La vue des Pyrénées n'est pas moins belle que de Pau, peut-être même est-elle plus saisissante, car le regard n’est pas sollicité comme dans l'opulente ville par le cadre immédiat des villas, des hôtels et des collines. La vallée du Gave est large, le torrent coule au loin, invisible entre ses îles revêtues de broussailles.
    Par delà sont les campagnes de Monein, vertes, fraîches où s'éparpillent une multitude de fermes isolées ; heureux pays qui fit l 'admiration d 'Arthur Young, quand l’agronome anglais visitait la France à la veille de la Révolution.
     Riante zone, se rattachant par l 'aspect au pays basque voisin, bien que les constructions n'aient pas les lignes si pittoresques des logis qui sont le charme des campagnes dans le Labourd. Il est peu de contrées rurales en France donnant mieux l'impression du bonheur rustique. Et cependant ce Béarn est un des territoires qui fournissent le plus grand contingent à l'émigration vers l'Amérique du Sud. Certes on ne trouve pas dans ces vallées entre les deux Gaves les grands sites qui attirent la foule, mais ils méritent d’être au moins rapidement aperçus, fut-ce de la plate-forme des petits chemins de fer dont ils sont sillonnés.
     Puis, du haut des collines, on découvre l 'incomparable décor formé parle rideau des Pyrénées.
     La vallée même du Gave de Pau a moins de grâce ; c'est une large plaine à travers laquelle le grand torrent s’est profondément creusé un lit entre des apports diluviens de gravier, recouverts de taillis. Rares sont les villages se mirant dans le flot rapide et grondeur ; ils s'étalent entre les champs de maïs ou se blottissent au pied des petites collines couvertes d'une exubérante, végétation, en vue de la chaîne lointaine.
     Mais quand les hauteurs se rapprochent, que la vallée se ferme en un défilé où le flot a patiemment excavé son lit, le Gave retrouve la vie humaine.

   Sources

  • ARDOUIN-DUMAZET, Chemins de fer d’Orléans et du Midi, Pyrénées, En Béarn 1906,
  • Archives et bibliothèques Pau Béarn Pyrénées
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