La vallée d'Ossau :
Culture et Mémoire
Les Cagots dans les Pyrénées
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n distinguait encore autrefois dans les Pyrénées une race maudite, les Cagots, et la légende en faisait des métis des anciens envahisseurs Goths ou Sarrasins.
Mais certains auteurs ont cherché à démontrer que ces réprouvés n'étaient autres que les descendants des Espagnols chrétiens fuyant l'oppression des Sarrasins, et émigrant pour venir se mettre sous la protection des rois
carlovingiens.
Quoi qu'il en soit de leur origine, les cagots furent toujours persécutés, et lors de la guerre des Albigeois, on les massacra par milliers.
Ils étaient regardés à l'égal des pestiférés, des lépreux, dont il fallait redouter le contact et la vue. Ils devaient vivre en dehors des villes, dans des catégories désignées par l'autorité. Ils ne pouvaient adresser la parole à d'autres qu'à des cagots ils n'assistaient à la messe qu'en entrant par une porte spéciale et en se tenant dans une partie réservée de l'église ; encore les aspergeait-on d'eau bénite consacrée dans un récipient qui ne servait qu'à cet
usage : tel est le bénitier des cagots que l'on voit encore dans l'église de Saint-Savin (fig. 80).
Ils devaient marcher les pieds chaussés, de crainte de communiquer leur ladrerie par le sol sur lequel ils avaient mis les pieds nus ; toute contravention à ceci était punie par le fouet.
Ils ne pouvaient également entrer dans une boucherie, boulangerie ou cabaret, sous peine d'amendes. Enfin, pour qu'ils ne pussent passer inaperçus, ils devaient porter en un endroit bien apparent de leur costume, un morceau d'étoffe rouge en forme de patte de canard. Les seuls métiers qui leur fussent permis étaient ceux de bûcherons et de charpentiers.
Les cagots n'existent plus aujourd'hui, car il n'est pas possible de voir dans les crétins leurs descendants, comme le veulent quelques-uns : ceux-ci ne seraient en effet que les rejetons d'individus atteints de goître.
Le goître ou grosse gorge est une hypertrophie du corps thyroïde, qui peu à peu influence toute l'économie, amène une dégénérescence de la progéniture et finit par ne plus laisser aux individus de plus en plus abâtardis que la faculté de procréer des êtres impuissants et des crétins.
Les goitreux, autrefois très répandus dans les Pyrénées, aujourd'hui rares, se rencontraient principalement aux environs de Dax, dans la vallée d'Argelès, dans celle de Luchon, dans le Val d'Aran, dans l'Ariège, enfin sur le versant méridional, dans les villages de Lladorre et de Sardous, dans la vallée de Cardousse.
On a beaucoup discuté sur les causes du goître et l'on a souvent attribué le développement de cette maladie à la qualité des eaux, et conséquemment à la nature du sol. Il paraît certain, d'après les études faites dans les Pyrénées centrales par le docteur Chopinet, que si les eaux ont une influence certaine, la mauvaise hygiène est la cause principale du goitre : aussi est-il certain que cette affection disparaîtra bientôt, car partout elle diminue rapidement, et cela avec la disparition des habitations insalubres dans lesquelles apparaissaient les goîtreux.
Tout dernièrement, MM. Lazard et Regnaud ont cherché à démontrer que les cagots ont une origine lépreuse ; et ils appuient leur théorie sur le fait que la lèpre blanche des auteurs caractérisée par la teinte blafarde de la peau s'applique à l'état actuel d'un certain nombre de cagots ; que, chez quelques-uns de ceux-ci, l'hypertrophie des ongles est une évolution lente qui prouve qu'il s'agit d'une maladie ; enfin que la preuve la plus forte en faveur de l'origine lépreuse est l'existence des maux blancs indolores qui se développent sous les ongles des cagots.
Sources
- LES PYRÉNÉES, Les montagnes, Les gliciers, Les eaux minérales, Libraireie J.-B. Baillère et fils, 1894.
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