La vallée d'Ossau : Culture, et Mémoire.
O L O R O N S A I N T E - M A R I E
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u centre du département des Basses-Pyrénées (ancien Béarn}, au débouché des trois vallées d'Ossau, d'Aspe et de Baretous, s’élève, sur une verte colline, la vieille cité oloronaise avec son
antique basilique.
Les deux gaves d'Ossau et d'Aspe lui forment comme une ceinture et s'unissent ensuite sous le nom de gave d'Oloron. Mais, avant de confondre leurs eaux, ils divisent la ville en trois parties distinctes, reliées par deux ponts :
1° Oloron (Sainte-Croix), la haute ville, située entre les deux gaves
2° Oloron (Notre-Dame), la basse ville, sur la rive droite du gave d'Ossau ;
3° Oloron (Sainte-Marie), sur la rive gauche du gave d’Aspe.
Trois centres différents de population et comme trois villes. Étrange configuration qui donne un aspect singulier et pittoresque à cette ville de neuf mille âmes qu’on croirait, à première vue, en contenir plus que le double !
L'histoire d’Oloron se partage en deux époques :
– la première, qu’on peut appeler l’époque gallo-romaine, depuis son origine, qui se perd dans la nuit des temps, jusqu’à sa destruction par les Normands ;
–la seconde, depuis son rétablissement par le vicomte de Béarn, Centulle IV,
jusqu’à nos jours.
Sainte-Marie a aussi son histoire particulière. Enfin, les destinées de ces deux villes ont été unies comme leurs noms.
OLORON-SAINTE- MARIE,
Oloron, Iluro (en basque ir, ville et par euphonie il, et uro eau, ville des eaux), est, ainsi que son nom l' indique, d'origine celtibérienne ou cantabrique. Ce nom est parfaitement justifié, d'abord par les deux gaves qui divisent ses trois quartiers, ensuite par le ruisseau l'Escou et par les nombreuses sources, appelées les Fontaines, qui la bornent au nord.
Une nation cantabrique aurait donc primitivement habité le Béarn et vraisemblablement l'Aquitaine. Le flot des colonies grecques l' en aurait chassée et aurait apporté dans ce pays une langue, des coutumes et des lois qui différaient de celles des Celtes et des Belges, au dire de César.
Lorsque ce grand capitaine eut dompté et pacifié les Gaules, il voulut achever lui-même la conquête de l’Aquitaine, dont son lieutenant, Crassus, avait soumis la majeure partie cinq ans auparavant. Cette expédition fut prompte et heureuse, quan rem sicut cœteras celeriter feliciterque confecit. Il est à croire qu'il vint à Oloron et qu’il alla dans la vallée d'Aspe, ne fût-ce que pour reconnaître les limites de sa conquête et pour prévenir le retour de ces Espagnols et de ces Cantabres, qui avaient prêté secours aux Aquitains contre Crassus. Il a laissé son nom à l'un de ces castéras (castra), qui couronnent les hauteurs du pays.
Le camp de César, en face d’Oloron et au-dessus du village d’Agnos, est le premier de ces camps retranchés et la tète de ligne de ces fortifications qui s’étendent d'Oloron jusqu'à Bayonne. Comme une sentinelle avancée, il domine la plaine de Sainte-Marie, les débouchés des vallées d’Aspe et de Baretous, et il offre un magnifique panorama à ceux qui ont le courage d’en faire l’ascension.
Iluro est mentionné par Pline l'Ancien ; l'Itinéraire d'Antonin, indiquant le trajet de Saragosse à Beneharnum, la place à égale distance, douze mille pas, d'Accous et de Beneharnum. Enfin, le nom d'Iluro est inscrit sur une pierre militaire découverte en 1860, près de Somport
Le christianisme donna une vie nouvelle à ces cités gauloises que la domination romaine avait soumises à une administration tyrannique et d'un poids accablant. Chaque cité eut son évêque, qui devînt son défenseur, Oloron eut aussi le sien.
A quelle époque ? Il est impossible de l'indiquer. Tous les documents historiques de ces temps reculés ont péri au milieu des nombreuses invasions qui se sont succédé dans nos contrées :
– en 406, invasion des Vandales réunis aux Suèves et aux Alaîns qui, selon saint Jérome 1, ravagèrent toute l'Aquitaine et la Novempopulanie ;
– vers 430 invasion des Visigoths ou Goths de l’ouest ;
– en 507, conquête de Clovis jusqu'aux Pyrénées, après la défaite d'Alaric à Vouillé ;
– en 536, invasion des Vascons ;
– en 732, invasion des Maures ou Sarrasins ;
– en 845, invasion des Normands.
Ces six invasions firent toutes plus ou moins de ruines. Elles ne purent néanmoins détruire les reliques et le souvenir de saint Grat, premier évêque connu d’Oloron, qui souscrivait ainsi les actes du concile d'Agde, en 5o6 : Gratus episcopus de civitate Olorone L’histoire ecclésiastique a également conservé le nom de l'un de
ses successeurs, Licerius (Lizier), qui assistait aux conciles de Paris, en 573, et de Mâcon, en 585.
Tels sont les seuls souvenirs du vieil Iluro, de la cité gallo-romaine, qui aient survécu au
grand désastre de l’invasion des Normands. Ces farouches dévastateurs ruineront de fond en comble la ville d'Oloron et brûlèrent son église.
La charte de Mont-de-Marsan a conservé la date de cet incendie ; il eut lieu le 20 mai 845.
RETABLISSEMENT DE LA VILLE D'OLORON
Oloron demeura enseveli dans ses ruines pendant plus de deux siècles. Vers l’an 1080, un grand homme, un grand prince, Centulle IV, vicomte de Béarn et comte de Bigorre, entreprit de le restaurer et de le repeupler. Il releva ses remparts, construisit des tours, un pont sur le gave d'Ossau et l’église de Sainte-Croix.
Pour y attirer des habitants, il promit à ceux qui viendraient s'y fixer de plus grandes franchises et de meilleurs fors qu’aux autres hommes de la seigneurie, « maior frangueza et meilhors fors que aus antes homis de la senhorie ». Lorsqu’une population suffisante y fut réunie, tl assembla les habitants et, de concert avec eux, il établit les lois, les droits et les fors de la cite, « las leis, eus drets, eus fors de la ciutat ».
Cette charte, qui a précédé les Assises de Jérusalem et les actes d'affranchissement des communes par Louis le Gros, mérite l’attention des historiens, des philologues et de tous les curieux investigateurs de la féodalité, « Libertés communales, garanties personnelles, exemptions très étendues, privilèges commerciaux, rien ne manque au for d’Oloron, for d'autant plus
remarquable, que c'est la charte municipale la plus ancienne que l'on possède en France. »
La ville de Centulle grandit, grâce à la liberté qui y régnait. Elle devint, comme l'avait voulu son restaurateur, un centre commercial important entre le Béarn et l’Espagne, « une estape pour le passage des marchandises que l'on feroit voicturer de France en Espagne, et particulièrement en la ville de Saragosse. Car nonobstant que la ville de Saragosse fust sous le
pouvoir des Sarrasins on ne laissoit pas d'y traicter le négoce avec la mesme facilité que l'on faisoit auparavant, la nécessité contraignant les Mores de se pourvoir des marchandises et denrées de France. »
La situation centrale d Oloron, qui en faisait le marché du Béarn, et la route internationale qui, à travers la vallée d'Aspe et l'Aragon, reliait Oloron à Saragosse, rendirent à la ville nouvelle la vie et l’importance qu’avait eues l'ancien Iluro Bientôt elle s’étendit en dehors de ses murailles et deux nouveaux quartiers, plus considérables que le bourg fermé, se formèrent :
l’ un au sud, la place Saint-Pierre, avec les rues Matachot et Lacaussade (aujourd'hui rues d’Aspe et Labarraque) ;
le second, au nord et au delà du gave d'Ossau, le faubourg du Marcadet avec la vic dessus et la vic de baig (rues Camou et Pomone), et successivement les autres rues quî firent de ce quartier la partie la plus populeuse de la ville.
Nous sortirions de notre cadre forcément très restreint si nous voulions rappeler les phases diverses de la vic communale de notre cité. Les curieux du passé liront avec intérêt, dans la Chronique d'Oloron par le savant et regrettable abbé Menjoulet entre autres faits mémorables, le récit des conférences du roi d’Aragon, Alphonse III, et d’Édouard IEr, roi d’Angleterre, qui eurent lieu à Oloron, en 1287, du consentement de Gaston VII, vicomte de Béarn, et des fêtes que les deux monarques se donnèrent dans la ville de Centulle ; les règlements de Gaston XI, en 1438 pour prévenir le dépeuplement du bourg-mayur ; le pèlerinage de Louis XI à Notre-Dame de Sarrance, et la réception qui lui fut faite à Oloron ; les troubles occasionnés par le protestantisme de 1555 à 160 ; la chute de la grande tour, en 1644 ; l'ouverture, par l’intendant Mégret d’Étigny, d’une route nouvelle vers l’Espagne par la rue Sablière, Sainte-Marie et la rive gauche du gave d’Aspe jusqu'au pont d’Escot. Ces deux derniers événements changèrent les conditions économiques de la vieille cité, Oloron cessa d’être une place forte et la route d'Espagne, au lieu de partir de la haute ville, contourna le pied de la colline de Sainte-Croix et se jeta dans la plaine de Sainte-Marie.
Le commerce avec l’Espagne n'avait qu’à gagner à l'amélioration de la voie internationale. Des rapports séculaires existaient entre Oloron et Saragosse. Voici ce qu'en disait l’intendant de la Généralité de Béarn, Guyet, en 1698, dans un mémoire dressé par ordre du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV :
Les habitants d'Oloron et de Sainte-Marie « sont tous négociants et font presque tous le commerce d'Aragon :
ils étoient riches avant l'année 1694, qu’il arriva, à Saragosse, le 1er juin, une sédition dans laquelle tous leurs correspondants en cette ville furent pillés par la populace et chassés après la destruction de leurs effets. On estime la perte que les marchands d'Oloron firent à cette occasion à plus d’un million de livres, et elle leur a apporte un si grand préjudice que depuis ce temps-là le commerce a beaucoup de peine à s'y rétablir ».
Le commerce et l'industrie se donnent la main. Le Commerce apportait à Oloron de grandes quantités de laines espagnoles et du pays, les lavait et les revendait aux fabricants du nord et du midi de la France ; mais l'industrie oloronaise en convertissait une partie en des produits divers :
étoffes grossières nommées cordeillats, cadis, grismores, bas de laine, jupes de femmes, couvertures, ceintures et bonnets appelés berrets. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, cette fabrication occupait
nombre considérable d’ouvriers de la ville et des villages environnants. La seule fabrication annuelle des cordcillats s'était élevée à dix mille pièces qu’on employait dans le pays même, dans la Chalosse, à Bayonne et en Espagne.
La fabrication des bas de laine occupait douze cents métiers battants, tant dans la ville que dans la banlieue. Aussi la population urbaine d'Oloron et de Sainte-Marie avait atteint le chiffre de dix mille âmes. La plupart de ces Industries ont été ruinées par les machines, par le bon marché des draps fins et par les nouvelles voies de communication. Le commerce des laines, si important autrefois, est perdu pour Oloron, parce qu’il se fait maintenant sans intermédiaire entre les producteurs espagnols et les fabricants français.
Oloron conserve encore quelques fabriques de couvertures, de ceintures et de berrets.
Dans ces dernières années, la fabrication nouvelle des sandales a pris une extension considérable ; elle exporte scs produits jusqu’au fond de l’Amérique.
Ces notions, déjà peut-être trop étendues, suffisent pour donner une idée de la vie et des occupations de la population oloronaise.
Sources
- Paul Lafond, Oloron Sainte-Marie, Eaux fortes et dessins, Librairie de l'Art, PARIS, 1883
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