La vallée d'Ossau :              
                    Culture, et Mémoire.




LA VALLÉE D'ASPE
et ses villages




our y parvenir, on prend, à Ste-Marie, la route qui remonte la rive droite du gave et l'on parvient ainsi, au bout de 13 kilomètres environ, et après avoir traversé les villages de Gurmençon, d'Arros et d'Assap, au pont et à la penne d'Escot « qui est un rocher sourcillenx de montagnes, joignant la rivière du gave, assis à l'embouchure du passage que Jules César fit couper pour y rendre la route plus facile. (Marca.)

     Ne prenons pas à la lettre ce nom de Jules César, que les souvenirs des Gaulois et des Aquitains ont fait intervenir en tous lieux et dans tous les grands travaux des Romains. Quant à l'ouverture à travers la vallée d'Aspe, l'ancienne Aspaluca, d'une voie romaine, il n'est point permis d'en douter, pour peu que l'on se rappelle l'itinéraire d'Antonin. D'ailleurs la penne d'Escot a conservé cette inscription :

L. VAL. YENS CER II VIR HAINC VIAM RESTITVIT.

     C'est au delà de ces rochers que le for d'Aspe accordait l'impunité à ses habitants qui avaient commis des déprédations en Béarn, lorsqu'ils parvenaient à rentrer avec leur butin dans les limites de leur vallée. C'est également à la penne d'Escot, du moins nous le présumons, que le vicomte de Béarn demandait et recevait des otages, lorsqu'il voulait entrer dans la vallée d Aspe, ou pour son plaisir, ou pour réclamer ses droits. Le for d'Aspe précise que ce souverain devait se mettre à cheval au milieu du ruisseau Loo pour y recevoir les hommages des Aspois. A son retour, les otages étaient restitués sains et saufs sinon, deux des principaux de la suite du vicomte étaient livrés aux Aspois pour rester dans la vallée. Mais le nom du ruisseau Loo ne se retrouve plus en ces lieux.
     Le village d'Escot possède, dans le voisinage de la penne, trois sources tièdes, dont Bordeu a vanté l'efficacité pour les poitrines délicates, dans les obstructions, les fièvres invétérées et les résultats qui en sont la suite.
     Pour franchir les 3 kilomètres qui séparent Escot de Sarrance, le voyageur suit les sinuosités d'une gorge sauvage, dont la route et le gave se disputent le fond. Au seuil de ce sombre défilé, un beau pont de marbre coquillier vous a portés de la rive gauche sur la rive droite du torrent. Avant d'atteindre Sarrance, un autre pont qui complète un paysage digne du pinceau, vous ramènera sur la rive gauche que commande cette ancienne abbaye de l'ordre des Prémontrés.
     Les Aspois racontent que des pasteurs trouvèrent une statue de la Vierge, errante dans leurs montagnes, et qui ne consentit à s'arrêter que lorsqu'on lui eut bâti la chapelle de Sarrance. Une abbaye ne tarda pas à venir s'accoler à cette chapelle, et de nombreux pélerins s'empressant d'y accourir, de grands seigneurs, des princes mêmes adossèrent à ce monastère plusieurs demeures, pour s'y loger, lors de leurs pélerinages. On assure qu'en 1385, par exemple, le roi de Navarre, le roi de Castille et le vicomte de Béarn s'y réunirent, un jour, pour faire leurs dévotions dans cette chapelle et l'enrichir de leurs présents.
     Parmi les visiteurs célèbres, cette abbaye compte également un roi de France :


    Les calvinistes pillèrent et brûlèrent, en 1593, l'église et le monastère de Sarrance. Mais on réussit à soustraire à leur fureur la statue de la Vierge, qu'ils avaient résolu de briser. Les terroristes de 1793 ne furent pas plus heureux. La Sainte Vierge leur fut dérobée par la piété des Aspois.

    Si la gorge, qui remonte de la penne d'Escot à Notre-Dame de Sarrance, s'est élargie quelque peu aux environs de cette chapelle, elle reprend bientôt les formes d'un défilé dont les sinuosités se multiplient de nouveau. Mais dans cette partie supérieure l'oeil se trouve récréé par l'aspect de quelques champs où la culture s'est élevée à d'immenses hauteurs, comme de quelques chaumières penchées sur le bord des abimes.

     Puis, tout à coup et sans transition aucune du haut d'une rampe qu'au lieu de gravir vous avez à descendre, un tableau incomparable vous est offert. Dans une plaine de forme ovale qu'arrosent, deux gaves, et que revêtent de la plus belle verdure des prairies sans nombre, votre regard plane sur divers villages plus ou moins pittoresques. Ce sont :
    Bedous et Accous, Osse et Lées, Orcun, Jouers, Athas. On vante, non sans raison, les trente-deux villages de la vallée d'Argelez. Mais, dans la vallée d'Aspe, les contrastes ressortent mieux, et celle d'Argelez n'a pas ces belles forèts de sapins qui séparent les quartiers habités des roches nues et des neiges.
     De plus, de nombreux vallons pleins d'ombre et de mystères s'ouvrent ici dans tous les sens, et forment comme les fleurons de la couronne d'Aspe. La plaine elle-même présente cette particularité qu'une foule de mamelons non moins verdoyants que les prairies d'alentour, y jettent une grande variété. On assure que plusieurs de ces monticules récèlent dans leurs flancs des carrières d'ophile propre à remplacer le porphyre vert des anciens.
     Après avoir traversé Bedous nous allons heurter à chaque pas à des souvenirs de Despourrins. Dans Accous même, chef-lieu de la vallée nous saluerons les trois épées qui décorent encore la porte de la maison de son père.
     A peu de distance de là, nous ne manquerons pas de gravir la hauteur que fréquentait ce poète et où, pour composer ces chants, dont le peuple a gardé la mémoire il s'inspirait de la vue de tant de beautés réunies autour de lui.
     C'est là, du reste, que l'on éleva, le 5 septembre 181O, un obélisque k en l'honneur de Despourrins.

    Accous a des eaux thermales. Sa principale fontaine, nommée Suberlaché, est tiède, soufrée et ferrugineuse. On croit qu'il serait possible d'en augmenter la force, en la préservant des infiltrations des eaux pluviales, qu'à l'issue du banc granitique elle rencontre en traversant plusieurs couches de terrain sablonneux. Dans son voisinage, on trouve une autre source fortement ferrugineuse, et l'on avait lieu d'espérer que les étrangers, les Anglais surtout, finiraient par fréquenter ces eaux salutaires, le gracieux village d'Osse qui n'en est qu'à peu de distance leur offrant la ressource d'un temple et d'un pasteur protestants.
     M. du Mège voit l'Aspaluca des Romains dans la bourgade d' Accous qui aurait ainsi donné son nom à toute la contrée.
    Au delà d'Accous et de Lées, assis en face l'un de l'autre, le premier sur la rive droite et le second sur la rive gauche du gave, la vallée se rétrécit jusques aux frontières d'Espagne, et, vers le pont d'Esquit surtout, de simples détachements pourraient contenir pendant plusieurs heures, un corps d'armée.
    Plus loin, cette gorge se bifurque et de la branche qui s'ouvre à droite, s'écoule le gave né, partie aux flancs du pic d'Anie, et partie au port d'Anso. C'est par là que l'on remonte au village de Lescun, perché sur des rochers comme une aire d'aigle, mais dominé néanmoins par des montagnes qui donnent à ce haut plateau tout les désagréments d'un fond d'entonnoir. C'est, d'ailleurs, un triste et disgracieux séjour. Au delà de Lescun, qui fut pourtant l'une des principales baronnies du Béarn et qui porte un nom historique On peut citer Fortaner, seigneur de Lescun, auquel Thibaut, roi de Navarre donna la ville et le château de Sadoba, en 1234 ; Arnaud Guillaume de Béarn, seigneur de Lescun, qui commandait 341 hommes d'armes et 900 hommes de pied, en 1338 ; Odet d'Aydie, seigneur de Lescun, sénéchal de Carcassonne, et frère du seigneur de Lescun, comte de Comminges, en 1486 le maréchal de Lescun, mort d'une arquebusade reçue à la bataille de Pavie, en 1525 et Pierre de Lescun, conseiller au conseil souverain du Béarn, descendant de Fortaner, bon écrivain, orateur éloquent, mais fougueux religionnaire, décapité, en 1622, à Bordeaux., l'on ne trouve guères que des bordes ou granges, où se réfugient, soit durant la nuit, soit en cas d'orage, les troupeaux disséminés sur les montagnes d'alentour. En suivant le gave de Lescun, on peut tenter l'ascension du pic d'Anie, lequel, d'après Vidal et Reboul, s'élève à 2,712 mètres au-dessus du niveau de la mer.
    Avant de parvenir à Lescun, il ne faut pas négliger de visiter, sur la gauche, l'une des plus belles cascades des Pyrénées. On a tant décrit de ces chutes de gaves, qu'il nous serait impossible de trouver des expressions nouvelles pour parler de celle-ci, réellement au-dessus de tout éloge et digne à elle seule d'une course dans la vallée d'Aspe. Seulement, que nos lecteurs retiennent cet avis il est, dans le voisinage de cette cascade, un rocher qui porte le nom du Saut du Receveur. Là périt, dans la nuit, un employé des douanes qui revenait de Lescun à Bedous, et dont on trouva cadavre avec celui de son cheval, au fond du ravin.

   Sources

  • J.-F. SAMAZEUILH, Voyage de Bayonne aux E-Bonnes et E-Chaudes, Imprimerie,de V.Lamaignère, Bayonne, 1858
j y
Contact
j