La vallée d'Ossau : Culture, et Mémoire.
PROVERBES EN BÉARNAIS
|
— MARIAGES —
- — Aste e Beou que-s mariden a lou, Atau tout qu'ey bou.
Les gens d'Aste et de Béon se marient chez eux, ainsi tout est bien.
- — Au prumè maridadge lou boun Diu ba, Au segoun que y-embie, Au tèrs nou-y ba, Y nou y-embie.
Au premier mariage le bon Dieu va, au deuxième il y envoie, au troisième il ne va et n'y envoie.
« Il n'y a de (bonnes) fiançailles qu'une fois : Celui qui se fiance à deux, à trois, Va brûler en enfer ; Celui qui se fiance à quatre, Le diable l'emporte à tout jamais. »
- — Bau mey esta mau maridade Que bielhe criticade. Il vaut mieux être mal mariée que vieille critiquée.
Que-s maridaré dab lou Cagot de Gabachies. Plutôt que de rester vieille fille, elle se marierait avec le Cagot de Gabachies. Cela signifie qu' elle prendrait pour mari le dernier des hommes.
- — Bère mèyt ta presti maynatyes. (Beau pétrin pour pétir des enfants.)
Une jeune épousée aux belles formes, prœstanti corpore, qui donnera de beaux enfants, pulchra facial te prole parentem.
- — Cousturère maridade, Agulhe espuntade. Couturière mariée, Aiguille épointée.
Il n'y a pas grand mal, si la jeune femme n'a cessé de travailler de son état que pour s'occuper de son ménage et s'acquitter de tous ses devoirs à l'égard de son mari et de ses enfants.
- — De l'homi maridat, Nou-n y-ha que la mieytat. De l'homme marié, il n'y en a que la moitié.
On l'explique ainsi : L'homi qui pren moulhè, espouse ue mestresse,
Debié soun serbidou ; atau pèrd sa franquesse
L'homme qui prend femme, épouse une maitresse (une femme qui commande), il devient son serviteur, et perd ainsi son indépendance. C'est, en latin, la sentence : « Astrictus nuptiis non amplius liber est »; celui qui est lié par le mariage n'est plus libre.
Il vaut mieux dire qu'« unis par l'exclusive amitié de l'hyménée », homme et femme sont la moitié l'un de l'autre.
En français, dans le langage populaire, « moitié» signifie l'épouse.
Les Anglais disent avec plus de respect : « The better half. »
- — Die de nouce, l'endoumaa de bèt temps. Jour de noce est le lendemain de beau temps.
Hique-t, la nobi, la maa soü cap ;
Ploure lou temps qui-has tu tirat !
Épousée, mets-toi la main sur la tête ; pleure les beaux jours que tu as passés. Dans la Gascogne on a cette variante :
Nobio, bouto la man sus cap ;
Diguo : boun temps, oun ès anat !
La man sus cap, lou pè sus hour,
E dic adiu a tous bètz jours !
Épousée, mets la main sur la tète ; dis : bon temps, où es-tu allé ! La main sur la tête, le pied sur le four, et dis adieu à tes beaux jours !
- — Gaspè, Gaspè ! B'ès tu de boune bouque ; Que-t prenes tout, y pouret y clouque !
Gourmand, gourmand ! Tu es de bien bonne bouche ; tu prends tout, le poussin et la poule ! Celui qui prend femme et l'enfant illégitime qu'elle a. En français : « Il a pris la vache et le veau. »
- — Hèrètère, Cap d'ausère. Héritière, tête d' « oiselle ».
On appelle hèrètère, en Béarn, la fille unique d'une maison. Le proverbe reproche aux hérètères d'être vaines de la dot qu'elles doivent avoir, et, pour cela, de se laisser aller à des caprices qui changent comme tourne la tété d'un oiseau. Elles passent aussi pour n’être pas très commodes en ménage. On lit dans la Société Béarnaise au dix-huitième siècle, p. 7Í) : « Mlle Darret, héritière, très bien faite, très bien élevée, étoit le plus riche parti qu'il y eut en Béarn ; mais, par la raison précisément qu'elle est héritière, et qu'elle l'est, dit-on, de la manière du Béarn, c'est-à-dire qu'elle voudra maîtriser, elle ne fera toujours coucher son mari sur des roses. »
Dans les Mémoires du duc de Saint-Simon, édit. Chéruel, t. VII, p. 32 : « Elle étoit franche héritière, c'est-à-dire riche, laide et maussade. »
- — Hilhe de boune maysou Ha la camise mey loungue que lou coutilhou.
Fille de bonne maison a la chemise plus longue que le cotillon. Elle a plus de linge que d'affiquets. Le grand luxe des riches ménagères était d'avoir des armoires remplies de linge. Avaient-elles des filles à marier, elles leur préparaient plusieurs années à l'avance celui qui devait composer leurs trousseaux.
Ce n'est pas le meilleur progrés de notre temps, que les affiquets, aujourd'hui, l'emportent sur le linge.
- — Hoey a trucxs de maas, Doumaa leca-s.
Aujourd'hui à coups de mains (se battre), demain se lécher (se caresser).
Querelles de ménage. « La querelle est la vraie dot de Thymen. »
- — Hoü dab hole E garioü dab gariole. Fou avec folle et étourdi avec étourdie.
« Des époux assortís. » Nou y-ey pas lou pèe descaus, que nou-y sie la pèe-descausse.
Il n'y a pas de va-nu-pieds, qu'il n'y ait une va-nu-pieds. « Il n'est savate qui ne trouve sa savate, à moins qu'on ne l'ait brúlée. » « Toustemps y-ey Peyrot ta Moundine. Toujours il y a Pierrot pour Mondine.
Dans Rabelais : « Couvercle digne du chauldron. » Proverbe des H.-Pyr. : « Tous-temps Yoan trouba a Yoane. » Toujours Jean trouva Jeanne.
Dans le Rouergue : « Cada copel trouquat troubo so coueyfo trouquado. » Chaque étourdi trouve son étourdie qui l'épouse. Yayssier, Dictionnaire. « Il n'y a si méchant pot qui ne trouve son couvercle. »
- — La moulhè nou t'haye la causse. Que la femme ne t'ait pas (ne te prenne pas) les chausses.
Sois le maître chez toi, que ta femme « ne porte pas la culotte ». Recommandation inutile souvent, en Béarn, comme ailleurs. Caton l'Ancien disait :
« Nous autres Romains, nous gouvernons tous les hommes du monde , mais, en même temps, nous sommes tous gouvernés par nos femmes ; donc, ce sont les femmes qui gouvernent l'univers, qui sont les maîtresses. »
- — La prumère la saume, la segounde la daune. La première l’ânesse, la seconde la maîtresse.
(Daune, maîtresse de maison.) Se dit lorsqu'un veuf qui avait malmené sa première femme, en a pris une seconde qui le domine. Dans le recueil de MM. Hatoulet et Picot, au sujet des premières et secondes noces : A la purmère las doulous, a la segounde lous poutous. A la première les douleurs, à la seconde les doux baisers.
- — L'argent tout en u cop, la hemne a pagues.
L' argent tout à la fois, la femme par des à-compte. Se dit des « mariages d'argent », où la cupidité a plus de part que l'affection. La dot reçue, on en jouit, et l'on n'a pour la femme que peu d'égards.
- — Las gouyates e las cibades, Oun Diu boü sen ban semiades.
Les jeunes filles et les avoines, où Dieu veut s'en vont semées. On sème l'avoine en la dispersant ; par le mariage, les filles vont çà et là. « Les filles et les chevaux ne savent pas où sera leur demeure. »
« Entre filios et capelans sabou pa oun manjharan lur pan. »
L'abbé de Sauvages, Dictionnaire languedocien. Filles et pretres ne savent pas où ils mangeront leur pain.
- — Linye pausat, Marit arretardat.
Linge posé (pré-paré), mari retardé. Le trousseau fait, le mariage manque. « Tel fiance qui n'épouse pas. » On n'achève pas tout ce qu'on commence.
- — Lou bent que bentouleye, Lou temps que boii cambia ; Atau qu'ey de gouyates Qui-s bolin marida.
Le vent souffle, le temps veut changer ; il en est ainsi de certaines jeunes filles qui veulent se marier. dans un sens plus général : « Temps, vent, femme, fortune, Tournent et changent comme lune. »
- — Lou coutourliu que-u cante piu-piu. Le cochevis lui chante « piu-piu ».
Un désir qui demande satisfaction, et particulièrement au sens du proverbe breton : « La pie lui pince l'oreille » ; c'est-à-dire elle meurt d'envie de se marier.
- — Lou marit descagouteix la hemne.
Le mari fait perdre à la femme sa condition de Cagote. Le mari relève la condition de la femme.
- — Lou paa deu nobi qu'ey de bren, Lou de la nobi de roument.
Le pain du fianeé est de son, celui de la fiancée de froment. La dot de la jeune femme apporte l'aisance dans la maison du mari. « La fille n'est que pour enrichir les maisons estranges (étrangères). »
- — Marie-Chourre e Yan Pinsaa Que boulèn ha nouces doumaa ;
Mes n' habèn nat boucii de paa, Tabee qu'at haboun a lexa. Le troglodyte et Jean Pinson voulaient faire noces demain, mais ils n'avaient pas le moindre morceau de pain ; aussi ils eurent à le laisser (ils durent renoncer à leur projet de mariage). — Ils furent plus sages que les gens qui ne craignent pas de « marier la faim avec la soif »
- — Maridatye de Sent-Yausèp, La pègue dab lou pèc.
Mariage de la Saint-Joseph, la sotte avec le sot. On lit dans une Note, t. II, p. 398, des Papillotes de Jasmin, Agen, 1842 : « On marie ordinairement à la Saint-Joseph les filles qui ont eu la faiblesse de céder aux douces séductions de l'amour ; de là nait naturellement un préjugé défavorahle contre toutes les femmes, même les plus vertueuses, qui se marient à une époque si redoutable pour leur réputation. »
- — Maridatye de yoen e yoene qu'ey de Diu, De yoen e bielhe qu'ey d'arré,
De bielh e yoene qu'ey deu diable. Mariage de jeune homme avec jeune file est de Dieu, de jeune homme avec vieille femme rien, de vieillard avec jeune fille est du diable.
- — Minya lou paa de la nouce.
Manger le pain de la noce. Être aux jours heureux de la lune de miel.
- — Nou plau pas a la bie Autant qua la parguie.
Il ne pleut pas sur le chemin autant que dans la basse-cour. On emploie généralement ce proverbe en parlant de toute jeune fille qui, peu satisfaite de son chez soi, a hâte de se marier, comptant qu'elle sera plus heureuse dans la maison de son mari. — Que nou nebo e nou plo Ta qui ana bo. Il ne neige et ne pleut pour qui veut aller (partir).
- — Peyrot e Counderine. (Orthez).
Deux bons vieux époux qui vivent dans la plus parfaite union. — « Philémon et Baucis. »
- — Poume madúrete, Amassadere; Maynade gránete, Maridadere.
Pomme un peu mure doit être cueillie ; fille grandette doit être mariée. « Les filles et les pommes est une mémé chose. » Le Boux de Lincy, Proverbes fr.
- — Que bau mey canta dab ue lède que ploura dab ue beroye.
En mariage, il vaut mieux chanter avec une laide que pleurer avec une jolie. « Bonté surpasse beauté. »
- — Que hè mau amourti lou hoec d'ue bielhe borde.
Il fait mal amortir le feu d'une vieille grange (il n'est pas facile d'éteindre le feu qui a pris à une vieille grange). Se dit au jeune mari d'une femme âgée et d'allure trop ardente.
—En fr.,le pro-verbe « Un vieux four est plus aisé à chauffer qu'un neuf », signifie qu'une veuve ou qu'une femme qui n'est plus très jeune est plus disposée qu'une autre à se laisser enflammer par des sentiments tendres.
- — Que hèn au cop de : Si at habi sabut !
Littéralement : ils font aux coups de : Si je l'avais su ! Mari et femme qui sont aux regrets de s'être unis, et se jettent réciproquement à la face : Si je l'avais su ! « Entre mariage et regret, il n'y a que l'épaisseur d'une haie ; si l'on y regarde de près, il n'y a que l'épaisseur d un sabot. » L.-F. Sauvé, Proverbes de la Basse-Bretagne. « Aujourd'huy marié, demain marri. » Recueil de Gruther. Ce qui est en béarnais, dans le recueil de MM. Hatoulet et Picot : Hoey marit, Doumaa repentit.
- — Que-u se bruslen las causses. Ses chausses lui brûlent.
S'applique à celui dont la flancée devient la femme d'un autre.
Les Bretons disent d'un prétendu éconduit : « On lui a fait ses chausses avant ses has. » L.-F. Sauvé, Proverbes de la Basse-Bretagne.
- — Que-u demoure au tusc hère de lèbes, Faute d'esta cassades.
Il reste au fourré beaucoup de lièvres, faute d'avoir été chassées. Beaucoup de filles ne « coiffent Sainte Catherine » que parce qu'elles n'ont pas été recherchées en mariage. Notre proverbe va quelquefois plus loin : il exprime de la défiance, un soupçon, à l'égard de certaines « vertus ».
- — Que y-habè ue bielhe Qui droumibe dab lou hau ; Zoun, zoun !
Maridem la bielhe, Zoun, zoun ! Maridem-la dounc ! Il y avait une vieille qui dormait avec le forgeron ; zon, zon ! marions la vieille, zon, zon ! marions-la donc !
- — Qu'ey u mayram qui cau embia-n Taa lèu qui troben lou marchand.
C'est « un troupeau » qu'il faut en envoyer (dont il faut se défaire) aussitòt que l'on trouve le marchand. « Quand la filie est mûre pour être mariée, la garde n'en est pas aisée. » Oihenart, Proverbes basques. « C'est un fàcheux troupeau à garder que de sottes filles à marier. »
G. Meurier, xvi" siècle. Qui ha hilhes a marida, Nou ha rèyte de que ha. Qui a des filles à marier, n'a pas manque d'embarras.
En Catalan : « Qui té set filhas per marida, Prou té que pensa. »
- — Qu'han escarrat la padère.
Ils ont écuré la poéle. Se dit (on ne sait pourquoi) d'un mariage qui se fait un jour de pluie.
- — Qui ad aqueres nouces ba, D'aquet paa que minye.
Qui va à ces noces, mange de ce pain. « On ne va pas aux noces sans manger. » Il faut accepter les conséquences d'une position. Bescherelle, Dictionnaire. « Le vin est tiré, il faut le boire. »
- — Qui ta nouces nou-m coumbide, Lou present que m'estaubie.
Qui aux noces ne me convie, m'économise le présent (le cadeau que j'aurais du faire). Le mécontent qui parle ainsi aurait été capable d'accepter l'invitation sans faire le plus petit présent.
- — Reliyouses de Sent-Augustii, Dus caps sus u couchii.
Beligieuses de Saint-Augustin, Deux têtes sur un coussin. On le dit des jeunes filles que l'on ne suppose point bien sincères dans le désir qu'elles ont exprimé de renoncer au mariage pour « se faire sœurs ».
— Les Augustines, on le sait, sont des religieuses qui suivent la règle donnée par saint Augustin à un monastère que sa soeur avait fondé à Hippone. Elles se vouent à la garde des malades dans les hòpitaux. En citant notre proverbe, on ne peut oublier le respect qui est dü à de saintes femmes. Saint Augustin, non plus, ne figure ici que pour la rime, à moins qu'on ne veuille y voir — ce qui nous semble bien forcé — une allusion à ce fait, que, dans sa jeunesse, le fils de sainte Monique ne passait pas ses nuits sur une couche solitaire.
— Dans le Limousin, on a aussi ce proverbe : « Relejûsos de Sent Francii, Doûa têtà sur un chabri. » Religieuses de Saint-François, deux têtes sur un chevet. Un vieux conteur l'explique ainsi : « La fille du seigneur d'Orient avait juré sur le livre de saint François de rester vierge ; le diable avait tenté son père, qui la lui avait donnée en mariage, et celle-ci avait eu la faiblesse de céder à la volonté paternelle. » Revue des langues romanes, « Être de la religion de saint Joseph, quatre pantoufles sous le lit. » Oudin, Curiosités françoises.
- — Si ey u capou, que-u pelaram ; Siey u hasaa, que-u goardaram.
Si c'est un chapón, nous le pèlerons (plumerons); si c'est un coq, nous le garderons. Se chante aux réjouissances d'épousailles.
Sources
- V. LESPY, Dictons et Proverbes du Béarn, Imprimerie, Garet, Pau, 1892
| |
|